Techniques pour déraciner
les souillures de l’esprit
Extraits de « A Heart Released » - Un cœur libéré
Traduit par Jeanne Schut
Il est dans la nature de toutes les bonnes choses de provenir de choses qui ne sont pas bonnes. Voyez les fleurs de lotus, si belles et si fraîches ! Elles naissent dans une boue sale et répugnante mais, une fois qu’elles s’élèvent au-dessus d’elle, elles sont propres et pures et on peut en orner la couronne d’un roi car elles ne retourneront jamais plus à la boue dont elles sont issues. En cela, elles sont comme le méditant sérieux, engagé dans l’effort et pratiquant avec persévérance. Une telle personne doit étudier en profondeur une chose qui est sale et répugnante pour que son esprit parvienne à se libérer de tout ce qui est sale et répugnant. La chose qui est sale et répugnante, dans ce cas, c’est le corps. Le corps est un assemblage de saleté, d’urine et d’excréments. Les choses qui sont exsudées par les cheveux, les pores, les ongles, les dents, la peau, etc. sont toutes des formes d’excréments. Quand elles tombent dans une assiette, on s’empresse d’en jeter le contenu car personne ne pourrait les avaler. De plus, le corps doit constamment être lavé et frotté pour être présentable. Si on ne le lave pas, il sent mauvais au point que tout le monde s’en écarte. Les vêtements et autres accessoires, tant qu’ils sont loin du corps, sont propres et attirants mais, dès qu’ils entrent en contact avec le corps, ils se salissent et, si nous ne les lavons pas pendant un certain temps, nous sentirons si mauvais que nul ne voudra nous approcher.
Tout ceci nous permet de constater qu’effectivement le corps est une enveloppe contenant urine et excréments, qu’il est asubha (laid) et patigula (répugnant). C’est déjà vrai quand il est vivant mais, quand la vie le quitte, ce corps est encore plus dégoûtant, pire que tout. C’est pourquoi, dès le départ, tous les méditants sérieux travaillent sur le corps de façon méthodique, jusqu’à ce qu’ils en aient parfaitement compris la nature réelle. Avant que cette clarté ne se fasse, ils doivent investiguer toute partie du corps qui leur convient, en fonction de leur tempérament, jusqu’au moment où un certain aspect du corps leur apparaîtra sous forme de uggaha nimitta (image, vision). A partir de là, ils se concentreront sur cet aspect, y travaillant sans relâche, l’approfondissant sans cesse.
« Y travaillant sans relâche et l’approfondissant sans cesse » doit être compris selon l’image suivante. Quand des fermiers font pousser du riz, ils travaillent la terre, labourent la terre et plantent le riz dans la terre ; l’année suivante, ils font à nouveau pousser le riz dans la terre. Ils ne font pas pousser leur riz dans l’air ou au milieu du ciel, ils le font pousser uniquement dans la terre, après quoi le riz remplit leurs granges tout seul. Quand ils travaillent la terre encore et encore, ils n’ont pas besoin de supplier : « Riz, ô riz, nous te prions de venir remplir nos granges », le riz arrive tout naturellement. Et même s’ils voulaient l’en empêcher : « Riz, ô riz, ne vient pas remplir nos granges », s’ils ont travaillé la terre comme il se doit, il n’y a aucun doute que le riz viendra tout de même remplir leur granges.
De la même manière, en tant que méditants sérieux, nous devons persévérer dans l’investigation de la partie du corps qui nous convient, selon notre tempérament, ou de l’endroit qui nous est apparu en premier. Quoi qu’il advienne, nous ne devons en aucun cas négliger ou abandonner l’étude approfondie de cette partie du corps. Y travailler sans relâche ne signifie pas seulement pendant les temps de méditation assise ou en marchant ; nous devons être attentifs et poursuivre notre investigation à tout moment et en tout lieu. Assis, debout, en marchant, couchés, en mangeant, en buvant, en travaillant, en parlant et en pensant, nous devons toujours avoir une attention globale à l’instant présent. Voilà ce que signifie « y travailler sans relâche ».
Quand vous aurez étudié le corps au point d’en comprendre profondément la véritable nature, vous devrez le diviser en plusieurs parties selon la méthode qui vous plaira. Vous séparerez le corps en fonction des éléments qui le composent — terre, eau, feu et air — en l’examinant encore et encore jusqu’à le voir en ces termes. A ce stade, vous pouvez utiliser toute stratégie qui vous convient mais, en aucun cas vous ne devrez abandonner l’investigation du point de référence d’origine qui vous est apparu au début. Quand vous en êtes à ce stade, vous devez persévérer dans votre investigation, y travailler sans relâche et l’approfondir sans cesse. Il ne s’agit pas de travailler dessus une fois et puis d’abandonner le travail pendant quinze jours ou un mois. Observez sous toutes les coutures, de haut en bas, de bas en haut, l’intérieur et l’extérieur, encore et encore. Autrement dit, tournez-vous vers l’intérieur pour apaiser l’esprit et puis reprenez l’investigation du corps — ne vous limitez pas à apaiser simplement l’esprit ou à procéder uniquement à l’investigation du corps.
Quand vous avez travaillé ainsi et que vous voyez le corps en profondeur tel qu’il est réellement, ce qui se produit ensuite arrive tout seul : l’esprit est conscient d’une profonde convergence — tout semble converger et ne former plus qu’un tout, le monde entier n’est plus qu’un assemblage d’éléments. Au même moment, une image apparaît, montrant le monde aussi plat que le dessus d’un tambour parce que le monde entier a une seule et même nature inhérente. Forêts, montagnes, gens, animaux et vous-même serez tous, au bout du compte, ramenés au même niveau unique. Avec cette vision apparaît la connaissance qui met à jamais fin à tous les doutes du cœur et de l’esprit. C’est ce que l’on appelle yatha-bhuta-nana-dassana-vipassana : la profonde compréhension qui voit et connaît les choses telles qu’elles sont véritablement.
Ce n’est pas le bout du chemin mais le début de l’étape suivante que nous, en tant que méditants sérieux, devons travailler sans relâche et approfondir inlassablement de façon à ce que la claire compréhension des choses soit pleinement maîtrisée et définitive. Nous verrons alors que les fabrications mentales qui imaginent : « Je suis ceci » ou : « Cela est à moi » n’ont pas de réalité stable et que, du fait de l’attachement, elles sont source de souffrance. Nous verrons que tous les éléments sont restés fidèles à eux-mêmes tout au long : ils apparaissent, vieillissent, tombent malades et puis meurent ; ils apparaissent et se détériorent depuis avant notre naissance, ils fonctionnent ainsi depuis des temps immémoriaux. Mais, du fait du conditionnement du corps et de l’esprit — les cinq khandha : rupa, vedana, sañña, sankhara et viññana —, des pensées et des étiquettes ont été attachées à toutes les existences précédentes et jusqu’à celle-ci, à travers d’innombrables vies et l’esprit a cru à tort à ses propres fabrications — ce ne sont pas les fabrications mentales qui se sont attachées à nous. Quand on va au bout des choses, on constate, sans le moindre doute, que tous les phénomènes de ce monde, qu’ils soient ou non dotés de conscience, ont toujours été tels qu’ils sont : ils apparaissent et puis se détériorent de leur propre chef, comme cela.
les souillures de l’esprit
Extraits de « A Heart Released » - Un cœur libéré
Traduit par Jeanne Schut
Il est dans la nature de toutes les bonnes choses de provenir de choses qui ne sont pas bonnes. Voyez les fleurs de lotus, si belles et si fraîches ! Elles naissent dans une boue sale et répugnante mais, une fois qu’elles s’élèvent au-dessus d’elle, elles sont propres et pures et on peut en orner la couronne d’un roi car elles ne retourneront jamais plus à la boue dont elles sont issues. En cela, elles sont comme le méditant sérieux, engagé dans l’effort et pratiquant avec persévérance. Une telle personne doit étudier en profondeur une chose qui est sale et répugnante pour que son esprit parvienne à se libérer de tout ce qui est sale et répugnant. La chose qui est sale et répugnante, dans ce cas, c’est le corps. Le corps est un assemblage de saleté, d’urine et d’excréments. Les choses qui sont exsudées par les cheveux, les pores, les ongles, les dents, la peau, etc. sont toutes des formes d’excréments. Quand elles tombent dans une assiette, on s’empresse d’en jeter le contenu car personne ne pourrait les avaler. De plus, le corps doit constamment être lavé et frotté pour être présentable. Si on ne le lave pas, il sent mauvais au point que tout le monde s’en écarte. Les vêtements et autres accessoires, tant qu’ils sont loin du corps, sont propres et attirants mais, dès qu’ils entrent en contact avec le corps, ils se salissent et, si nous ne les lavons pas pendant un certain temps, nous sentirons si mauvais que nul ne voudra nous approcher.
Tout ceci nous permet de constater qu’effectivement le corps est une enveloppe contenant urine et excréments, qu’il est asubha (laid) et patigula (répugnant). C’est déjà vrai quand il est vivant mais, quand la vie le quitte, ce corps est encore plus dégoûtant, pire que tout. C’est pourquoi, dès le départ, tous les méditants sérieux travaillent sur le corps de façon méthodique, jusqu’à ce qu’ils en aient parfaitement compris la nature réelle. Avant que cette clarté ne se fasse, ils doivent investiguer toute partie du corps qui leur convient, en fonction de leur tempérament, jusqu’au moment où un certain aspect du corps leur apparaîtra sous forme de uggaha nimitta (image, vision). A partir de là, ils se concentreront sur cet aspect, y travaillant sans relâche, l’approfondissant sans cesse.
« Y travaillant sans relâche et l’approfondissant sans cesse » doit être compris selon l’image suivante. Quand des fermiers font pousser du riz, ils travaillent la terre, labourent la terre et plantent le riz dans la terre ; l’année suivante, ils font à nouveau pousser le riz dans la terre. Ils ne font pas pousser leur riz dans l’air ou au milieu du ciel, ils le font pousser uniquement dans la terre, après quoi le riz remplit leurs granges tout seul. Quand ils travaillent la terre encore et encore, ils n’ont pas besoin de supplier : « Riz, ô riz, nous te prions de venir remplir nos granges », le riz arrive tout naturellement. Et même s’ils voulaient l’en empêcher : « Riz, ô riz, ne vient pas remplir nos granges », s’ils ont travaillé la terre comme il se doit, il n’y a aucun doute que le riz viendra tout de même remplir leur granges.
De la même manière, en tant que méditants sérieux, nous devons persévérer dans l’investigation de la partie du corps qui nous convient, selon notre tempérament, ou de l’endroit qui nous est apparu en premier. Quoi qu’il advienne, nous ne devons en aucun cas négliger ou abandonner l’étude approfondie de cette partie du corps. Y travailler sans relâche ne signifie pas seulement pendant les temps de méditation assise ou en marchant ; nous devons être attentifs et poursuivre notre investigation à tout moment et en tout lieu. Assis, debout, en marchant, couchés, en mangeant, en buvant, en travaillant, en parlant et en pensant, nous devons toujours avoir une attention globale à l’instant présent. Voilà ce que signifie « y travailler sans relâche ».
Quand vous aurez étudié le corps au point d’en comprendre profondément la véritable nature, vous devrez le diviser en plusieurs parties selon la méthode qui vous plaira. Vous séparerez le corps en fonction des éléments qui le composent — terre, eau, feu et air — en l’examinant encore et encore jusqu’à le voir en ces termes. A ce stade, vous pouvez utiliser toute stratégie qui vous convient mais, en aucun cas vous ne devrez abandonner l’investigation du point de référence d’origine qui vous est apparu au début. Quand vous en êtes à ce stade, vous devez persévérer dans votre investigation, y travailler sans relâche et l’approfondir sans cesse. Il ne s’agit pas de travailler dessus une fois et puis d’abandonner le travail pendant quinze jours ou un mois. Observez sous toutes les coutures, de haut en bas, de bas en haut, l’intérieur et l’extérieur, encore et encore. Autrement dit, tournez-vous vers l’intérieur pour apaiser l’esprit et puis reprenez l’investigation du corps — ne vous limitez pas à apaiser simplement l’esprit ou à procéder uniquement à l’investigation du corps.
Quand vous avez travaillé ainsi et que vous voyez le corps en profondeur tel qu’il est réellement, ce qui se produit ensuite arrive tout seul : l’esprit est conscient d’une profonde convergence — tout semble converger et ne former plus qu’un tout, le monde entier n’est plus qu’un assemblage d’éléments. Au même moment, une image apparaît, montrant le monde aussi plat que le dessus d’un tambour parce que le monde entier a une seule et même nature inhérente. Forêts, montagnes, gens, animaux et vous-même serez tous, au bout du compte, ramenés au même niveau unique. Avec cette vision apparaît la connaissance qui met à jamais fin à tous les doutes du cœur et de l’esprit. C’est ce que l’on appelle yatha-bhuta-nana-dassana-vipassana : la profonde compréhension qui voit et connaît les choses telles qu’elles sont véritablement.
Ce n’est pas le bout du chemin mais le début de l’étape suivante que nous, en tant que méditants sérieux, devons travailler sans relâche et approfondir inlassablement de façon à ce que la claire compréhension des choses soit pleinement maîtrisée et définitive. Nous verrons alors que les fabrications mentales qui imaginent : « Je suis ceci » ou : « Cela est à moi » n’ont pas de réalité stable et que, du fait de l’attachement, elles sont source de souffrance. Nous verrons que tous les éléments sont restés fidèles à eux-mêmes tout au long : ils apparaissent, vieillissent, tombent malades et puis meurent ; ils apparaissent et se détériorent depuis avant notre naissance, ils fonctionnent ainsi depuis des temps immémoriaux. Mais, du fait du conditionnement du corps et de l’esprit — les cinq khandha : rupa, vedana, sañña, sankhara et viññana —, des pensées et des étiquettes ont été attachées à toutes les existences précédentes et jusqu’à celle-ci, à travers d’innombrables vies et l’esprit a cru à tort à ses propres fabrications — ce ne sont pas les fabrications mentales qui se sont attachées à nous. Quand on va au bout des choses, on constate, sans le moindre doute, que tous les phénomènes de ce monde, qu’ils soient ou non dotés de conscience, ont toujours été tels qu’ils sont : ils apparaissent et puis se détériorent de leur propre chef, comme cela.
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