Article trouvé dans LE MONDE de ce jour.
Curieuse scène, place du Capitole à Toulouse. A l'écart de
l'animation des chalets en bois du village de Noël qui ont envahi la
place centrale de la ville, une vingtaine de personnes se sont
réunies en cercle, mardi 25 décembre. Une heure durant, de 18 h 30 à
19 h 30. Sans un mot. "Pour dénoncer l'enfermement dans des centres
de rétention des personnes étrangères en situation irrégulière",
peut-on lire sur deux panneaux couverts de photos. Ce tract, signé
des Frères franciscains de Toulouse, se termine par une invitation à
"toutes les personnes de bonne volonté à nous rejoindre dans le
silence". Les trois derniers mots sont soulignés.
"Notre assistance était un peu maigrelette", reconnaît le Frère
Alain Richard, 83 ans, doyen des franciscains toulousains, qui ne
paraît toutefois pas découragé. "C'était émouvant. Nous avons vu des
gens s'arrêter, déposer leurs paquets et demander s'ils pouvaient
faire quelque chose", raconte l'initiateur de ces "cercles de
silence", portant la barbe et des habits civils. Depuis le mois
d'octobre, les quatorze moines franciscains, qui ne vivent pas
cloîtrés mais partagent un bâtiment moderne du quartier
Saint-Cyprien, ont décidé de se retrouver mensuellement sur la place
du Capitole, le dernier mardi de chaque mois, pour protester à leur
manière contre les conditions de détention au centre de rétention de
Cornebarrieu. "Beaucoup de gens ignorent l'existence même de ce
centre", constate le Frère Alain, qui mise sur les photos exposées
pour faire prendre conscience de l'univers carcéral de ce bâtiment
neuf, inauguré en juillet 2006 aux bords des pistes de l'aéroport de
Toulouse-Blagnac. "Quand les gens voient ces photos, ils demandent
souvent dans quel pays elles ont été prises. On leur dit que cela se
passe à seulement une dizaine de kilomètres d'ici." Le vieux moine
est allé lui-même faire de nouveaux clichés sur place, le 30 janvier
dernier, pour les publier quelques heures plus tard sur le site
Internet de la communauté (www.franciscainstoulouse.fr). Par la
grâce des nouvelles technologies, le cercle de silence s'élargit et
l'action mensuelle des Frères toulousains, qui comptent six jeunes
étudiants dans leurs rangs, devient permanente.
N'ayant pas pu visiter lui-même l'intérieur du centre, le doyen des
franciscains toulousains a dû se contenter de photos prises de
l'extérieur, dans le prolongement de zone industrielle de Colomiers.
Frère Alain en a conservé un sentiment de relégation et n'en revient
toujours pas. "Il faut avoir tué père et mère pour être envoyé dans
un endroit pareil, loin de tout, sans autre possibilité d'accès
qu'en voiture", s'émeut le moine octogénaire. L'éloignement du
centre est dénoncé par les organisations humanitaires comme la
Cimade, mais aussi les syndicats de magistrats et d'avocats, qui ont
déposé un recours contre l'aménagement d'une salle d'audience pour
juger les étrangers à l'intérieur même de l'enceinte, et non dans un
tribunal. A quelques centaines de mètres seulement du centre de
rétention se dresse le "delivery center" d'Airbus, la nouvelle
aérogare privée du constructeur européen, construite pour accueillir
les riches clients venus pendre livraison de leurs avions flambant
neufs. Deux univers aux antipodes, séparés par des barbelés.
Lionel Clauss, permanent de la Cimade, est l'une des rares personnes
extérieures autorisées à pénétrer dans l'enceinte du centre. "A
l'intérieur, les personnes ont encore davantage le sentiment d'être
oubliées en cette période de fêtes. Ils n'ont que la télévision pour
savoir ce qui se passe à l'extérieur et vivent difficilement les
images de fêtes et de libations." Le jeune homme se réjouit de
l'initiative des moines franciscains de Toulouse, qu'il compare aux
rondes des "Folles de Mai" à Buenos Aires, ces mères de disparus qui
manifestaient en silence contre la dictature en Argentine.
Ce n'est sans doute pas une coïncidence. Le Frère Alain Richard
explique avoir longtemps oeuvré en Amérique du Sud depuis les
Etats-Unis, où il a vécu pendant vingt-six ans avant de revenir
s'établir à Toulouse. Proche du MIR (Mouvement international de la
réconciliation), un mouvement évangélique créé à la Faculté de
théologie protestante de Paris, il ne cache pas son admiration pour
Gandhi et les techniques de la non-violence, dont il a suivi les
préceptes pour la mise en oeuvre de son cercle de silence. Le moine
préfère parler "d'action" plutôt que de "manifestation". "Eveiller
ou plutôt réveiller l'humanité de tout un chacun, par la prière ou
le silence, c'est déjà une action", insiste-t-il.
Pour ceux qui voudraient s'engager plus loin, le site des
franciscains renvoie en lien vers des associations comme la Cimade
ou le Réseau éducation sans frontières (RESF), créé pour s'opposer
aux expulsions d'enfants scolarisés avec leurs familles. "Leur
travail est indispensable", estime Frère Alain. Jean-François
Mignard, le président de RESF à Toulouse, se déclare "agréablement
surpris" par l'initiative. "Bienvenue au club", s'exclame ce très
laïc militant de la Ligue des droits de l'homme, qui veut voir dans
ces prières mensuelles un "bon indicateur" de la mobilisation en
faveur des sans-papiers.
Même le préfet, montré du doigt par les associations d'aide aux
immigrés, se félicite officiellement de l'entrée en lice des moines
franciscains de Toulouse. "L'Eglise est dans son rôle quand elle
tente de nous faire réfléchir. J'accepte volontiers de réfléchir à
mon action, en mon âme et conscience", réagit Jean-François Carenco,
en apprenant que Frère Alain inclut aussi les fonctionnaires dans
ses prières. "Il est fréquent dans nos communautés de prier pour les
torturés et leurs tortionnaires", indique simplement le moine
franciscain.
Stéphane Thépot
Article paru dans l'édition du 04.01.08. du monde
Les cheminants de la région pourrait les rejoindrent, c'est cela l'Intereligieux, NON?
JCB (Pour la transmission)
Curieuse scène, place du Capitole à Toulouse. A l'écart de
l'animation des chalets en bois du village de Noël qui ont envahi la
place centrale de la ville, une vingtaine de personnes se sont
réunies en cercle, mardi 25 décembre. Une heure durant, de 18 h 30 à
19 h 30. Sans un mot. "Pour dénoncer l'enfermement dans des centres
de rétention des personnes étrangères en situation irrégulière",
peut-on lire sur deux panneaux couverts de photos. Ce tract, signé
des Frères franciscains de Toulouse, se termine par une invitation à
"toutes les personnes de bonne volonté à nous rejoindre dans le
silence". Les trois derniers mots sont soulignés.
"Notre assistance était un peu maigrelette", reconnaît le Frère
Alain Richard, 83 ans, doyen des franciscains toulousains, qui ne
paraît toutefois pas découragé. "C'était émouvant. Nous avons vu des
gens s'arrêter, déposer leurs paquets et demander s'ils pouvaient
faire quelque chose", raconte l'initiateur de ces "cercles de
silence", portant la barbe et des habits civils. Depuis le mois
d'octobre, les quatorze moines franciscains, qui ne vivent pas
cloîtrés mais partagent un bâtiment moderne du quartier
Saint-Cyprien, ont décidé de se retrouver mensuellement sur la place
du Capitole, le dernier mardi de chaque mois, pour protester à leur
manière contre les conditions de détention au centre de rétention de
Cornebarrieu. "Beaucoup de gens ignorent l'existence même de ce
centre", constate le Frère Alain, qui mise sur les photos exposées
pour faire prendre conscience de l'univers carcéral de ce bâtiment
neuf, inauguré en juillet 2006 aux bords des pistes de l'aéroport de
Toulouse-Blagnac. "Quand les gens voient ces photos, ils demandent
souvent dans quel pays elles ont été prises. On leur dit que cela se
passe à seulement une dizaine de kilomètres d'ici." Le vieux moine
est allé lui-même faire de nouveaux clichés sur place, le 30 janvier
dernier, pour les publier quelques heures plus tard sur le site
Internet de la communauté (www.franciscainstoulouse.fr). Par la
grâce des nouvelles technologies, le cercle de silence s'élargit et
l'action mensuelle des Frères toulousains, qui comptent six jeunes
étudiants dans leurs rangs, devient permanente.
N'ayant pas pu visiter lui-même l'intérieur du centre, le doyen des
franciscains toulousains a dû se contenter de photos prises de
l'extérieur, dans le prolongement de zone industrielle de Colomiers.
Frère Alain en a conservé un sentiment de relégation et n'en revient
toujours pas. "Il faut avoir tué père et mère pour être envoyé dans
un endroit pareil, loin de tout, sans autre possibilité d'accès
qu'en voiture", s'émeut le moine octogénaire. L'éloignement du
centre est dénoncé par les organisations humanitaires comme la
Cimade, mais aussi les syndicats de magistrats et d'avocats, qui ont
déposé un recours contre l'aménagement d'une salle d'audience pour
juger les étrangers à l'intérieur même de l'enceinte, et non dans un
tribunal. A quelques centaines de mètres seulement du centre de
rétention se dresse le "delivery center" d'Airbus, la nouvelle
aérogare privée du constructeur européen, construite pour accueillir
les riches clients venus pendre livraison de leurs avions flambant
neufs. Deux univers aux antipodes, séparés par des barbelés.
Lionel Clauss, permanent de la Cimade, est l'une des rares personnes
extérieures autorisées à pénétrer dans l'enceinte du centre. "A
l'intérieur, les personnes ont encore davantage le sentiment d'être
oubliées en cette période de fêtes. Ils n'ont que la télévision pour
savoir ce qui se passe à l'extérieur et vivent difficilement les
images de fêtes et de libations." Le jeune homme se réjouit de
l'initiative des moines franciscains de Toulouse, qu'il compare aux
rondes des "Folles de Mai" à Buenos Aires, ces mères de disparus qui
manifestaient en silence contre la dictature en Argentine.
Ce n'est sans doute pas une coïncidence. Le Frère Alain Richard
explique avoir longtemps oeuvré en Amérique du Sud depuis les
Etats-Unis, où il a vécu pendant vingt-six ans avant de revenir
s'établir à Toulouse. Proche du MIR (Mouvement international de la
réconciliation), un mouvement évangélique créé à la Faculté de
théologie protestante de Paris, il ne cache pas son admiration pour
Gandhi et les techniques de la non-violence, dont il a suivi les
préceptes pour la mise en oeuvre de son cercle de silence. Le moine
préfère parler "d'action" plutôt que de "manifestation". "Eveiller
ou plutôt réveiller l'humanité de tout un chacun, par la prière ou
le silence, c'est déjà une action", insiste-t-il.
Pour ceux qui voudraient s'engager plus loin, le site des
franciscains renvoie en lien vers des associations comme la Cimade
ou le Réseau éducation sans frontières (RESF), créé pour s'opposer
aux expulsions d'enfants scolarisés avec leurs familles. "Leur
travail est indispensable", estime Frère Alain. Jean-François
Mignard, le président de RESF à Toulouse, se déclare "agréablement
surpris" par l'initiative. "Bienvenue au club", s'exclame ce très
laïc militant de la Ligue des droits de l'homme, qui veut voir dans
ces prières mensuelles un "bon indicateur" de la mobilisation en
faveur des sans-papiers.
Même le préfet, montré du doigt par les associations d'aide aux
immigrés, se félicite officiellement de l'entrée en lice des moines
franciscains de Toulouse. "L'Eglise est dans son rôle quand elle
tente de nous faire réfléchir. J'accepte volontiers de réfléchir à
mon action, en mon âme et conscience", réagit Jean-François Carenco,
en apprenant que Frère Alain inclut aussi les fonctionnaires dans
ses prières. "Il est fréquent dans nos communautés de prier pour les
torturés et leurs tortionnaires", indique simplement le moine
franciscain.
Stéphane Thépot
Article paru dans l'édition du 04.01.08. du monde
Les cheminants de la région pourrait les rejoindrent, c'est cela l'Intereligieux, NON?
JCB (Pour la transmission)
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