Pour pouvoir distinguer que la douleur, le corps et le citta sont trois réalités séparées, nous devons les remettre chacun dans une juste perspective, une perspective qui leur permette de flotter librement au lieu de les amalgamer. Tant qu’ils sont liés entre eux comme faisant partie de nous, il n’y a pas de perspective indépendante et, par conséquent, aucune possibilité de les séparer. Tant que nous insisterons pour considérer la douleur en termes personnels, il sera impossible de sortir de cette impasse. Quand les khandha et le citta sont amalgamés, il n’y a plus d’espace de manœuvre. Mais quand nous les étudions en profondeur au moyen de l’attention et de la sagesse, que nous allons de l’un à l’autre, que nous les analysons et comparons leurs caractéristiques particulières, nous remarquons des différences bien nettes entre eux. Nous sommes alors en mesure de voir clairement leur véritable nature : chacun existe par lui-même en tant que réalité séparée. Il s’agit là d’un principe universel.
Tandis que la profondeur de cette réalisation pénètre dans notre cœur, la douleur commence à diminuer et finit par disparaître. En même temps, nous prenons conscience du lien fondamental qui existe entre la sensation de douleur et le « moi » qui s’en saisit. Ce lien est établi depuis l’intérieur du citta puis s’étend vers l’extérieur pour inclure la douleur et le corps. Le ressenti même de la douleur émane du citta et de son profond attachement au moi, lequel entraîne l’apparition d’une douleur émotionnelle en réponse à la douleur physique. Si nous demeurons pleinement conscients tout au long de notre investigation, nous pouvons suivre la sensation de douleur vers l’intérieur jusqu’à sa source. Tandis que nous concentrons dessus toute notre attention, la douleur que nous étudions commence à se rétracter et à se retirer progressivement vers le cœur. Une fois que nous avons définitivement compris que c’est en réalité l’attachement créé par le cœur qui fait que nous ressentons la douleur comme un problème personnel, la douleur disparaît. Elle peut disparaître complètement, ne laissant derrière elle que la nature connaissante essentielle du citta. Il se peut aussi que la manifestation externe de la douleur reste présente mais, comme l’attachement émotionnel a été neutralisé, on ne la ressent plus comme douloureuse. C’est un ordre de réalité différent du citta et les deux ne sont pas amalgamés. Puisque, à ce moment-là, le citta a cessé de s’attacher à la douleur, toute connexion a été coupée. Ce qui reste, c’est l’essence du citta, sa nature connaissante, sereine et paisible, au milieu de la douleur des khandha.
Quelle que soit l’intensité de la douleur à ce moment-là, elle ne pourra absolument pas affecter la sérénité du citta. Une fois que la sagesse a réalisé clairement que le citta et la douleur étaient tous deux réels mais réels à leur manière différente, les deux choses n’ont plus d’impact l’une sur l’autre. Le corps est simplement un agrégat de matière physique. Le corps qui était là quand la douleur faisait rage est le même que celui qui est là quand la douleur s’est apaisée ; la douleur n’affecte pas la nature du corps et le corps n’affecte pas la nature de la douleur. Quant au citta, c’est la nature qui sait que la douleur apparaît, dure un peu et puis cesse ; mais le citta, la véritable essence connaissante, n’apparaît pas et ne disparaît pas comme le font le corps et les sensations. La présence connaissante du citta est l’unique constante stable.
De ce fait, la douleur – quelle que soit son intensité – n’a aucun impact sur le citta. On peut même sourire quand la douleur fait rage parce que le citta est distinct. A tout moment, il sait ce qui est ressenti mais il n’interfère pas avec les sensations, de sorte qu’il ne souffre pas.
Ce niveau est atteint grâce à une application intensive de l’attention et de la sagesse à la sensation première de douleur. C’est une étape où la sagesse développe le samādhi. Du fait que le citta a complètement examiné tous les aspects jusqu’à les comprendre parfaitement, il atteint toute la puissance du samādhi à ce moment. Il s’unit à lui avec une audace et une subtilité si profondes qu’elles défient toute description. Cette clarté de conscience extraordinaire est le fruit de l’analyse complète et exhaustive qui a été menée et puis du fait de s’en être retiré. D’ordinaire, quand le citta s’appuie sur la force de la méditation du samādhi pour se fondre dans un état de calme concentré, il devient calme et tranquille. Mais cet état de samādhi n’a rien à voir avec la subtilité et la profondeur que l’on atteint quand on fait usage de la puissance de la sagesse. A chaque fois que l’attention et la sagesse s’engagent dans un corps-à-corps contre les kilesa et triomphent, la nature du calme atteint est absolument spectaculaire.
Telle est la voie de ceux qui pratiquent la méditation dans le but de pénétrer jusqu’à la vérité des cinq khandha en utilisant la douleur physique comme objet premier d’observation. Cette pratique constitua la base de mon intrépidité dans la méditation. Je vis, avec une clarté indiscutable, que la nature connaissante essentielle du citta ne pourrait jamais être annihilée. Même si tout le reste devait être complètement détruit, le citta demeurerait parfaitement détaché. J’avais réalisé cette vérité avec une absolue clarté quand l’essence connaissante du citta était restée seule, complètement dégagée de tout le reste. Il n’y avait plus que cette présence connaissante qui ressortait et m’émerveillait de sa splendeur. Le citta lâche le corps, les sensations, les souvenirs, les pensées et la conscience sensorielle et pénètre dans un calme pur qui lui est propre et qui n’a aucun lien avec les khandha. A ce moment-là, les cinq khandha ne fonctionnent absolument pas en lien avec le citta. En d’autres termes, le citta et les khandha existent indépendamment les uns des autres parce qu’ils ont été complètement séparés grâce aux efforts persévérants de la méditation.
Ce résultat crée un sentiment d’émerveillement et de stupéfaction qui ne peut se comparer à rien de ce que nous avons vécu jusqu’alors. Le citta reste suspendu dans une paix sereine pendant un long moment avant de revenir à une conscience normale. De retour, il se relie aux khandha comme avant mais demeure absolument convaincu qu’il vient d’atteindre un état de calme extraordinaire, complètement isolé des cinq khandha. Il sait qu’il a vécu un état spirituel tout à fait extraordinaire et cela ne s’effacera jamais.
Du fait de cette conviction inébranlable qui s’inscrivit dans mon cœur suite à mon expérience, conviction qu’aucun doute ne pouvait plus atteindre, je repris ma pratique de la méditation samādhi avec sérieux. Cette fois ma détermination était encore plus forte et j’avais l’impression que la certitude de mon cœur m’attirait comme par un aimant vers l’absorption profonde. Le citta n’était pas long à s’unir dans le calme et la concentration du samādhi comme avant. Bien qu’il ne me fût pas encore possible de libérer complètement le citta de l’invasion des cinq khandha, mes efforts et ma persévérance pour atteindre les niveaux les plus hauts du Dhamma avaient décuplé.
Source:
http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/maha_boowa/face_a_la_douleur.html
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