Milarépa, le Yogi sans opinion

Disciple laïc a écrit:

De Milarépa, cette merveille de synthése quand à l'avancement dans la pratique (citée par le moine Matthieu Ricard). 

"Au début rien ne vient, au milieu rien ne reste, à la fin rien ne s'en va". 

Bonjour,

Confirmation: A mon petit niveau, comme Milarépa, je suis sans opinion.

Bien à vous.

tindzin

Disons que Milarepa est au-delà des opinions ....contrairement a nous qui en avons toujours au moins un petit peu 🤓

Ce passage m'interpelle... Quelqu'un de bien plus "sage" que moi pourrait développer?

Merci

Quel passage ?

Oups, celui-ci :
Je suis celui qui a vaincu toutes les pratiques.

Hummm intéressant: C'est le terme "vaincre" qui me turlipinait, le plus. Mais développement très intéressant.

Merci

Bonjour,
— Ce « doha » fait partie du cinquième chapitre « Le séjour à Ragma » du tome I des « cent mille chant », et il me semble bon de restituer le contexte de cette portion de ce  doha (poèmes mystiques tibétains chantés) et à qui il s'adresse.
Traduit par  Marie-José Lamothe sous la supervision de  Dongsey Thuktsé Rinpoché, il ne me semble pas qu'il puisse être “mal” interprété …
En outre, Milarépa campe une position sans concession dans ce premier tome en vers “le bonheur des pervertis” (ou samsara) et des mœurs villageoises de ses contemporains assez frustres. Sa “compassion” semble rude et exigeante, à la dimension sans doute des mentalités épaisses, et comportements rotors... !


LES CENT MILLE CHANTS  chapitre 5
LE SÉJOUR À RAGMA
« Au site solitaire du Fort de l’Éveil,
Moi Mila, l’Éveil j'accomplis.
De l'esprit d'Éveil, je pratique le yoga,
En maîtrisant pour l’Éveil mon esprit.
O, qu'après avoir obtenu le parfait Éveil, …
 
Tous les êtres comme une mère devenus (6)
Viennent s'attacher au sublime Éveil ! »

Chantant ainsi, ardemment, il renforçait sa méditation.
Quelques jours passèrent. Un donateur vint, qui présenta une demi-mesure de farine d'orge et un charge-ment de bois.
— Vous portez une robe mince et vous prendrez froid, dit l'homme. De toutes les régions du Sud, Ragma est l'endroit le plus froid, et ce toit rocheux est l'endroit le plus froid de Ragma. Comment vous appelez-vous, Lama ? Si vous vouliez bien l'accepter, je vous offrirais une robe fourrée.
Le Jetsün demanda :
— Quel est votre nom, bienfaiteur ?
— Je m'appelle Lhanbar.
— Un bon nom, admit le Vénérable. Vous ne devez pourtant pas vous soucier de pelisse, d'orge ou d'autres choses. Bien sûr, le présent de farine est merveilleux ; mais je n'ai nul besoin de robe fourrée.
Ayant ainsi répliqué, pour Lhanbar, il dit ce chant.
Enfant perdu, j'ai divagué comme la conscience (7)
Dans les villes illusoires des six mondes.
J'ai goûté aux visions fausses du karma.
Parfois j'ai éprouvé l'apparence trompeuse de la faim.
J'ai mangé des restes d'aumônes,
L'ascétisme m'a fait mordre les pierres.

D'autres fois je me suis nourri de shûnyatâ,
De temps en temps j'inventais la patience.

Parfois j'ai perçu l'appel illusoire de la soif.
Je me suis désaltéré à l'eau fraîche des roches,
J'ai compté aussi sur ma propre urine.
D'autres fois je me suis abreuvé au flot de la compassion,
De temps en temps je buvais le nectar des Dakinis.

Parfois j'ai subi l'emprise du froid.
L'habit que je portais étant de seul coton,
J'enflammais la bienfaisante chaleur mystique.
D'autres fois je créais l'endurance, ressource à la douleur.
Quelquefois se levait, chimérique, la vision des amis
Et je me reposais sur l'amitié de la sagesse ultime.

J'ai pratiqué les dix vertus,
Fait l'expérience d'une vue parfaitement pure,
Fouillé jusqu'aux racines l'esprit originel,
Je suis le lion des yogis.
Je développe la crinière turquoise de la contemplation
Et possède les crocs et les griffes de la méditation.
J'ai enquêté au sommet des montagnes enneigées,
Pour récolter, j'espère, le fruit du mérite.

Je suis le tigre des yogis.
Je perfectionne les trois agilités de la bodhicitta
Et possède le sourire où s'unissent méthode et sagesse.
J'ai résidé dans les forêts profondes de l'illumination,
Pour l'apparition, j'espère, de bons fruits pour autrui.
 
Je suis le vautour des yogis.
Je déploie les vastes ailes qui développent les étapes de création 8
Et possède les souples rémiges qui stabilisent les degrés d'accomplissement (9).
Je plane dans le ciel de la vraie réalité de l'union (10)
Et je dors dans la grotte de la vérité suprême,
Avec l'espoir que s'accomplisse le but fructueux de chacun.

« Je suis Milarépa, le meilleur des yogis.
Je suis celui qui pourchasse le visage des apparences,
Celui qui accueille tous les souhaits.
Je suis un yogi sans opinions,
Celui qui ne s’empresse jamais, quoi qu’il advienne.
Je suis le renonçant sans vivres,
Le mendiant sans possessions,
Le vagabond nu.
Je suis celui qui a vaincu toutes les pratiques,
Je demeure ici mais n'y réside pas,
Je suis un “Fou”, heureux de la mort,
Je ne possède rien, je n'ai besoin de rien. »

Si vous deviez acquérir les choses nécessaires,
Vous en éprouveriez difficultés, troubles, douleurs,
Vous vous engageriez, bienfaiteur, dans l'adversité.
Quoi qu'il arrive, ne flattez pas le yogi !
En vertu d'une intime conviction,
Attachez-vous seulement à lui donner l'aumône.
Puissiez-vous vivre longtemps, valide en cette vie,
Avec abondance, joie et bénédictions !

Puissiez-vous être admis, plus tard, dans le pur territoire,
Et pratiquer la Doctrine pour le bien d'autrui !

Il a chanté ainsi.
Transporté de foi, le villageois dit :
— Vous possédez en suffisance parce que vous êtes le grand Maître Mila, mais afin d'aider à l'accomplissement des rustauds que nous sommes, restez ici. Je me chargerai du coût de votre subsistance. Je vous supplie d'accepter cela.
Durant le séjour de Milarépa au Fort de l’Éveil, Lhanbar se fit le pourvoyeur de riches victuailles. Puis, le Jetsün retirant un très grand profit de ses exercices, l'humeur enjouée, reçut quelques habitants de Ragma en audience.
p. 84 à 88

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6. Les mères sont aussi infinies en nombre que les cieux dans leur étendue. Tous les êtres peuvent être aussi chers que l'est une mère, à cause de la croyance que tout être animé a été une mère à un moment donné de l'innombrable cycle des renaissances et des morts.
7. Tib.: rnam-çes. Skt. : Vijnâna. Principe conscient, conscience fragmentaire et fragmentée qui se conçoit en tant que “moi”. Principe de connaissance relatif, indirect et fragmentaire (selon Drukchen Dongsey Thuktsé Rinpoché).
8. Tib. : bskyed rim. Développement graduel d'exercices de méditation et de visualisation.
9. Tib. : rdsogs rim. Yoga d'accomplissement de l'esprit dans son état naturel. Réalisation de la vraie nature de l'esprit.
10.  Tib. : zung'djug. Yoga d'union de la vérité relative et de la vérité ultime.
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https://www.babelio.com/livres/Milarepa-Les-cent-mille-chants-tome-1/700680

Disciple laïc a écrit:

Mais être sans opinion... n'est pas déjà une opinion ?   

Ou du moins une prise de position ? 

Bonjour,

En fait je suis d'accord en tous points avec cette merveilleuse et très courte formule en trois parties de cette seule phrase:

"Au début rien ne vient, au milieu rien ne reste, à la fin rien ne s'en va".  

Que pourrait-on y rajouter ? Rien, car il me semble que c'est très clair!

Bien à vous.

tindzin