[size=31.33]Être heureux : un choix ![/size]
Par Catherine Barry
Psychiatre depuis 1992 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, Christophe André a révolutionné l’approche thérapeutique des patients blessés par la vie et leur enfance. On lui doit par exemple d’avoir introduit, avec succès, au sein du service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique où il travaille, une méthode venue des États-Unis : la MBCT. Basée sur la pratique de la méditation “de la pleine conscience”, elle permet de prévenir certains troubles anxieux et dépressifs et rechutes dépressives. L’initiative fut à l’époque décriée par une grande partie de ses pairs, dont beaucoup n’hésitent plus désormais à le suivre sur les nouveaux chemins de la connaissance de soi qu’il propose.
Les livres de Christophe André, toujours best-sellers, prouvent, s’il en était encore besoin, que ses lecteurs se sentent profondément compris par ce médecin à l’évidente empathie pour ceux qui souffrent. Une démarche d’aide qu’il poursuit dans Et n’oublie pas d’être heureux, un ouvrage dont la lecture savoureuse, réjouissante, amusante, émouvante aussi parfois, vous rendra, très certainement, heureux. Entretien.
Lyon Capitale : Votre dernier ouvrage s’intitule Et n’oublie pas d’être heureux… Comment peut-on oublier d’être heureux ?
Christophe André : Aussi étonnant que cela puisse paraître, on oublie, parfois, qu’il faut faire des efforts pour être heureux. On attend que le bonheur tombe du ciel, sans rien faire pour cela. Dans ce livre, je montre comment transformer cette attitude passive et inviter, sciemment, le bonheur dans nos existences. En développant par exemple une plus grande attention à l’expérience du moment. En prenant conscience de la joie, de la satisfaction, que l’on ressent quand on partage un moment avec une personne aimée ou que l’on participe à un événement qui compte pour nous. En comprenant la chance que l’on a d’être en vie. En décidant de mettre en place un certains nombre d’actions en vue de s’épanouir…
N’oublie pas… rappelle donc qu’être heureux est aussi un choix. Et qu’il repose sur une prise de conscience qui amène à poser des actes. J’aurais pu prolonger le titre et préciser “… de manière adaptée à tes vrais besoins”. Ce qui suppose de les connaître, de s’en occuper, de les comprendre, de les accompagner au mieux de nos possibilités, afin de ne pas laisser les circonstances et la société de consommation décider pour nous de ce que doit être notre bonheur.
C’est quoi, être heureux ?
Pour moi, le bonheur est du bien-être dont on prend conscience. Le bien-être se transforme en bonheur chaque fois que je mesure la chance qui est la mienne de faire telle ou telle chose, dans le moment. C’est une forme de plénitude de la conscience. L’impermanence demeure, les choses continuent à se transformer naturellement, certains moments restent difficiles, mais on apprend à savourer pleinement toutes les possibilités de bien-être qui s’offrent à nous au cours d’une journée. À se tourner vers ce qui favorise son équilibre intérieur : les émotions positives, l’altruisme, la gratitude… À choisir ce vers quoi on souhaite vraiment aller.
Quelle place donner à l’autre dans cette conquête du bonheur ?
De nombreuses études sur l’altruisme montrent que notre énergie, notre sentiment de plénitude, notre capacité à être satisfait croissent proportionnellement à notre aptitude à nous tourner vers les autres. Apprendre à être en lien, conscient, harmonieux, avec les autres et ses environnements est essentiel dans cet apprentissage du bonheur. Quand on s’en rend compte, on remarque alors toutes les opportunités que nous négligions auparavant, et qui participent, pourtant, à nous rendre heureux. C’est un peu comme s’il devenait, peu à peu, plus facile de trouver les chemins qui conduisent au bonheur.
Cette démarche s’accompagne. D’où ce livre et les exercices de psychologie positive que vous proposez. Comment définiriez-vous cette méthode, en quelques mots ?
Elle repose sur un triptyque. Elle est une conviction : vivre est une chance. Une science : des études cliniques, la biologie, les neurosciences valident les exercices qu’elle propose. Une pratique : si on veut progresser, il faut faire.
Ici, l’important est ce que je fais, pas ce que je sais. Il s’agit d’entraîner, quotidiennement, son esprit à activer les réseaux cérébraux qui agissent en mobilisant les émotions positives. Votre vie n’en devient pas aseptisée de toute souffrance pour autant, mais vous apprenez à y faire face. Et cela participe à vous rendre heureux.
Certains exercices pourront sembler presque trop simples à certaines personnes. Mais l’unique question à se poser ici est : “Est-ce que je les fais ?”Quand on les pratique, on s’aperçoit que positiver conduit à de grandes et profondes remises en question de nos automatismes mentaux et de notre vision du monde. À une introspection qui demande d’accepter de se connecter à ce que l’on ressent pour favoriser un mouvement d’ouverture vers l’extérieur. Cela n’est pas toujours facile et suppose de faire beaucoup d’efforts, un certain courage et de la constance. Ce n’est ni simple ni simpliste.
On va prendre trois exercices… Commençons par celui qui concerne le sourire. Il m’a fallu du temps pour le faire vraiment et songer à sourire dans l’adversité avant de songer à pleurer. Mais, il m’a beaucoup aidé. Des études scientifiques montrent que sourire le plus souvent possible, dans les moments de joie mais aussi quand on est triste, améliore le bien-être et la santé. Cela ne signifie pas que nous devions positiver ou sourire béatement tout le temps, mais aussi souvent que possible. Sourire donne une grande force intérieure.
Le second se fait avant de s’endormir. Il s’agit de penser à trois bons moments qu’on a vécus dans la journée. Même quand elle a été dure et que l’on sait que demain sera difficile. C’est un acte d’hygiène qui développe notre capacité à extraire de nous, jour après jour, ce qui va bien, et qui nous apprend à inverser notre tendance naturelle qui est de ruminer les problèmes quand on se couche. Je fais ce travail de rééquilibrage chaque soir. Cela me rend plus serein.
Le troisième est centré sur l’altruisme. Quand on est triste, donner un coup de main à quelqu’un, faire une bonne action nous sort de notre enfermement. Cela fait un bien fou. Cet exercice est à faire aussi souvent que possible. Y compris quand tout va bien.
Dans vos livres, vous parlez sans tabou de vos angoisses et états d’âme… Est-ce que cette proximité avec ceux qui éprouvent de semblables tourments explique en partie votre succès ?
L’un des grands progrès de notre époque est que la souffrance est moins cachée, moins dans le non-dit. J’ai fait psychiatrie pour soulager ceux qui viennent me voir. Je cherche donc, sans cesse, des solutions pour les aider, pour les apaiser. Ce qui me conduit à parler, parfois, de mes angoisses. Bien qu’étant thérapeute, je suis comme tout le monde : il m’arrive de douter, d’avoir des états d’âme, de souffrir. Je partage, par petites touches, ce vécu, simplement, avec les lecteurs, les patients. Cela les aide, ils me le disent, à relativiser leurs problèmes, à avoir confiance en l’avenir et dans les méthodes que je leur transmets. Je suis simplement un peu plus en avance qu’eux puisque je m’y exerce depuis plus longtemps.
Votre dernier chapitre s’intitule “À l’heure de ma mort” ! Dans ce chapitre, vous dites également avoir été très malade il y a peu… Est-ce que penser à la maladie et à la mort aide à mettre nos existences en perspective et à aller à l’essentiel ?
Forcément. Chercher à être heureux ne veut pas dire qu’il faille occulter la réalité. Réfléchir, méditer sur la maladie, la mort, participe à donner une profondeur de champ à ce que l’on vit, à mieux apprécier l’instant, à affronter avec un certain recul ce qui est douloureux dans nos vies. J’aime particulièrement cette phrase de Claudel qui dit : “Le bonheur n’est pas le but mais le moyen de la vie.” On vit grâce au bonheur. Il est une nécessité vitale. Il nous aide à transcender les moments difficiles.
Je ne pouvais pas parler de psychologie positive sans aborder la question de la maladie et de la mort. Cela n’aurait pas eu de sens. La construction du bonheur ne peut se faire qu’en intégrant ces données. Il est question d’être en prise avec le monde réel, pas de le fuir. Pour y parvenir, je propose un exercice : réfléchir à ce que nous changerions dans notre vie si nous devions mourir dans cinq ans. Si on le fait bien, avec sincérité, on apprend à aller à l’essentiel, à ouvrir les yeux, l’esprit, le cœur, sur ce qui est
Par Catherine Barry
Psychiatre depuis 1992 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, Christophe André a révolutionné l’approche thérapeutique des patients blessés par la vie et leur enfance. On lui doit par exemple d’avoir introduit, avec succès, au sein du service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique où il travaille, une méthode venue des États-Unis : la MBCT. Basée sur la pratique de la méditation “de la pleine conscience”, elle permet de prévenir certains troubles anxieux et dépressifs et rechutes dépressives. L’initiative fut à l’époque décriée par une grande partie de ses pairs, dont beaucoup n’hésitent plus désormais à le suivre sur les nouveaux chemins de la connaissance de soi qu’il propose.
Les livres de Christophe André, toujours best-sellers, prouvent, s’il en était encore besoin, que ses lecteurs se sentent profondément compris par ce médecin à l’évidente empathie pour ceux qui souffrent. Une démarche d’aide qu’il poursuit dans Et n’oublie pas d’être heureux, un ouvrage dont la lecture savoureuse, réjouissante, amusante, émouvante aussi parfois, vous rendra, très certainement, heureux. Entretien.
Lyon Capitale : Votre dernier ouvrage s’intitule Et n’oublie pas d’être heureux… Comment peut-on oublier d’être heureux ?
Christophe André : Aussi étonnant que cela puisse paraître, on oublie, parfois, qu’il faut faire des efforts pour être heureux. On attend que le bonheur tombe du ciel, sans rien faire pour cela. Dans ce livre, je montre comment transformer cette attitude passive et inviter, sciemment, le bonheur dans nos existences. En développant par exemple une plus grande attention à l’expérience du moment. En prenant conscience de la joie, de la satisfaction, que l’on ressent quand on partage un moment avec une personne aimée ou que l’on participe à un événement qui compte pour nous. En comprenant la chance que l’on a d’être en vie. En décidant de mettre en place un certains nombre d’actions en vue de s’épanouir…
N’oublie pas… rappelle donc qu’être heureux est aussi un choix. Et qu’il repose sur une prise de conscience qui amène à poser des actes. J’aurais pu prolonger le titre et préciser “… de manière adaptée à tes vrais besoins”. Ce qui suppose de les connaître, de s’en occuper, de les comprendre, de les accompagner au mieux de nos possibilités, afin de ne pas laisser les circonstances et la société de consommation décider pour nous de ce que doit être notre bonheur.
C’est quoi, être heureux ?
Pour moi, le bonheur est du bien-être dont on prend conscience. Le bien-être se transforme en bonheur chaque fois que je mesure la chance qui est la mienne de faire telle ou telle chose, dans le moment. C’est une forme de plénitude de la conscience. L’impermanence demeure, les choses continuent à se transformer naturellement, certains moments restent difficiles, mais on apprend à savourer pleinement toutes les possibilités de bien-être qui s’offrent à nous au cours d’une journée. À se tourner vers ce qui favorise son équilibre intérieur : les émotions positives, l’altruisme, la gratitude… À choisir ce vers quoi on souhaite vraiment aller.
Quelle place donner à l’autre dans cette conquête du bonheur ?
De nombreuses études sur l’altruisme montrent que notre énergie, notre sentiment de plénitude, notre capacité à être satisfait croissent proportionnellement à notre aptitude à nous tourner vers les autres. Apprendre à être en lien, conscient, harmonieux, avec les autres et ses environnements est essentiel dans cet apprentissage du bonheur. Quand on s’en rend compte, on remarque alors toutes les opportunités que nous négligions auparavant, et qui participent, pourtant, à nous rendre heureux. C’est un peu comme s’il devenait, peu à peu, plus facile de trouver les chemins qui conduisent au bonheur.
Cette démarche s’accompagne. D’où ce livre et les exercices de psychologie positive que vous proposez. Comment définiriez-vous cette méthode, en quelques mots ?
Elle repose sur un triptyque. Elle est une conviction : vivre est une chance. Une science : des études cliniques, la biologie, les neurosciences valident les exercices qu’elle propose. Une pratique : si on veut progresser, il faut faire.
Ici, l’important est ce que je fais, pas ce que je sais. Il s’agit d’entraîner, quotidiennement, son esprit à activer les réseaux cérébraux qui agissent en mobilisant les émotions positives. Votre vie n’en devient pas aseptisée de toute souffrance pour autant, mais vous apprenez à y faire face. Et cela participe à vous rendre heureux.
Certains exercices pourront sembler presque trop simples à certaines personnes. Mais l’unique question à se poser ici est : “Est-ce que je les fais ?”Quand on les pratique, on s’aperçoit que positiver conduit à de grandes et profondes remises en question de nos automatismes mentaux et de notre vision du monde. À une introspection qui demande d’accepter de se connecter à ce que l’on ressent pour favoriser un mouvement d’ouverture vers l’extérieur. Cela n’est pas toujours facile et suppose de faire beaucoup d’efforts, un certain courage et de la constance. Ce n’est ni simple ni simpliste.
On va prendre trois exercices… Commençons par celui qui concerne le sourire. Il m’a fallu du temps pour le faire vraiment et songer à sourire dans l’adversité avant de songer à pleurer. Mais, il m’a beaucoup aidé. Des études scientifiques montrent que sourire le plus souvent possible, dans les moments de joie mais aussi quand on est triste, améliore le bien-être et la santé. Cela ne signifie pas que nous devions positiver ou sourire béatement tout le temps, mais aussi souvent que possible. Sourire donne une grande force intérieure.
Le second se fait avant de s’endormir. Il s’agit de penser à trois bons moments qu’on a vécus dans la journée. Même quand elle a été dure et que l’on sait que demain sera difficile. C’est un acte d’hygiène qui développe notre capacité à extraire de nous, jour après jour, ce qui va bien, et qui nous apprend à inverser notre tendance naturelle qui est de ruminer les problèmes quand on se couche. Je fais ce travail de rééquilibrage chaque soir. Cela me rend plus serein.
Le troisième est centré sur l’altruisme. Quand on est triste, donner un coup de main à quelqu’un, faire une bonne action nous sort de notre enfermement. Cela fait un bien fou. Cet exercice est à faire aussi souvent que possible. Y compris quand tout va bien.
Dans vos livres, vous parlez sans tabou de vos angoisses et états d’âme… Est-ce que cette proximité avec ceux qui éprouvent de semblables tourments explique en partie votre succès ?
L’un des grands progrès de notre époque est que la souffrance est moins cachée, moins dans le non-dit. J’ai fait psychiatrie pour soulager ceux qui viennent me voir. Je cherche donc, sans cesse, des solutions pour les aider, pour les apaiser. Ce qui me conduit à parler, parfois, de mes angoisses. Bien qu’étant thérapeute, je suis comme tout le monde : il m’arrive de douter, d’avoir des états d’âme, de souffrir. Je partage, par petites touches, ce vécu, simplement, avec les lecteurs, les patients. Cela les aide, ils me le disent, à relativiser leurs problèmes, à avoir confiance en l’avenir et dans les méthodes que je leur transmets. Je suis simplement un peu plus en avance qu’eux puisque je m’y exerce depuis plus longtemps.
Votre dernier chapitre s’intitule “À l’heure de ma mort” ! Dans ce chapitre, vous dites également avoir été très malade il y a peu… Est-ce que penser à la maladie et à la mort aide à mettre nos existences en perspective et à aller à l’essentiel ?
Forcément. Chercher à être heureux ne veut pas dire qu’il faille occulter la réalité. Réfléchir, méditer sur la maladie, la mort, participe à donner une profondeur de champ à ce que l’on vit, à mieux apprécier l’instant, à affronter avec un certain recul ce qui est douloureux dans nos vies. J’aime particulièrement cette phrase de Claudel qui dit : “Le bonheur n’est pas le but mais le moyen de la vie.” On vit grâce au bonheur. Il est une nécessité vitale. Il nous aide à transcender les moments difficiles.
Je ne pouvais pas parler de psychologie positive sans aborder la question de la maladie et de la mort. Cela n’aurait pas eu de sens. La construction du bonheur ne peut se faire qu’en intégrant ces données. Il est question d’être en prise avec le monde réel, pas de le fuir. Pour y parvenir, je propose un exercice : réfléchir à ce que nous changerions dans notre vie si nous devions mourir dans cinq ans. Si on le fait bien, avec sincérité, on apprend à aller à l’essentiel, à ouvrir les yeux, l’esprit, le cœur, sur ce qui est
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