Les Dieux Voyagent Toujours Incognito
Laurent Gounelle
Analyse du livre :
« Dieu voyage toujours incognito », c’est le titre du dernier roman de Laurent Gounelle. On y découvre l’histoire d’Alan Greensmore qui a perdu le sens de sa vie mais a été retenu de mettre fin à ses jours par un homme qui va alors le guider afin de lui permettre, par des mises en situation, de dépasser ses inhibitions, ses peurs et ses conditionnements et sortir d’un chemin tout tracé qui ne lui apportait plus satisfaction. Auteur de L’homme qui voulait être heureux qui a connu un succès international et spécialiste des sciences humaines, Laurent Gounelle nous propose là un roman agréable à lire où la trame de l’histoire réussit à tenir en haleine le lecteur malgré certaines situations clairement présentes pour transmettre un enseignement sur le développement personnel ; cela fait partie de son projet et c’est loin d’être inintéressant !
Vers la fin du roman, le personnage principal doit prononcer un discours à l’occasion d’une assemblée générale. Or c’est pour lui quelque chose d’a priori insurmontable que de dépasser son manque de confiance en lui pour essayer de convaincre un auditoire imposant. Mais l’objectif étant là, il s’y prépare au mieux. Il participe même à une séance de formation de l’Institut Speech-Masters. Il soigne ses arguments et écrit l’intégralité de ce qu’il prévoit dire. Quand l’échéance arrive, l’auteur Laurent Gounelle nous gratifie d’une dizaine de pages qui non seulement relatent la teneur du discours du personnage Alan Greensmore mais aussi son ressenti en tant qu’orateur. A vrai dire, jusqu’à la lecture de ces lignes, je n’avais pas un instant imaginé faire de ce roman lu pendant mes vacances l’objet d’une note pour ce blog, mais je me suis dit qu’étaient exprimées là des idées qui pouvaient être utiles à l’art de prêcher. Je reproduis donc ici quelques extraits des pages 389 à 400 avant d’en faire quelques commentaires.
« Je parvins enfin à la tribune, point de focalisation de l’attention, en plein centre de la scène. J’étais terrorisé, l’ombre de moi-même. Je mis les feuillets à plat sur le pupitre, puis réglai la hauteur du micro. Ma main tremblait, et mon cœur battait à tout rompre : je sentais mon sang affluer dans mes tempes au rythme de ses pulsations. Il fallait absolument que je me recentre un minimum avant de commencer… Respirer, respirer. Je relus mentalement les premières phrases de mon discours. Je le trouvai subitement mauvais, inadapté, mal balancé… [...] C’est incroyable comme une salle remplie de gens porte en elle une sorte d’énergie qui lui est propre. C’est plus encore que la somme des émotions et des pensées individuelles qui la composent. C’est une énergie collective, émanant du groupe tout entier comme d’une entité distincte. [...] Les mots de Dubrovski me revinrent, m’apparaissant comme une évidence qui s’imposait à moi. Mais ce n’était plus une technique à appliquer. Juste une philosophie à adopter. « Embrasse l’univers de ton prochain, et il s’ouvrira à toi ». Embrasse l’univers de ton prochain… Nous n’étions pas des individualités qui s’affrontaient, nous étions des êtres humains reliés par les mêmes aspirations, la même volonté, le même désir de vivre et de vivre mieux. Mais comment partager ce sentiment avec eux, comment leur expliquer ? Comment trouver en moi la force de m’exprimer ? L’image des Speech-Masters passa devant mes yeux : je possédais quelque part au fond de moi les ressources nécessaires. J’étais capable, si je l’osais, d’aller vers ces gens, de leur parler, de les ouvrir à mon sentiment profond… La tribune devant moi m’apparut alors comme une barrière, une entrave, une protection incarnant notre opposition. Je tendis la main et saisis le micro, le détachant de son pied, puis je contournai la tribune, y abandonnant mes feuillets, et avançai vers la foule, seul et désarmé, lui offrant ma vulnérabilité. [...] Il m’apparut comme une évidence que je ne pouvais pas réciter mon texte. Ecrit depuis huit jours, il était déconnecté de l’instant présent, dissocié des émotions du moment. Je devais me contenter d’accepter les mots qui me venaient à l’esprit. « On parle avec son cœur » avait dit Etienne. [...] Je me sentais porté par ma propre sincérité. Je ne faisais qu’exprimer ce en quoi je croyais au plus profond de moi. Je ne prétendais pas détenir une vérité, mais je pensais ce que je disais, et cela me suffisait à me donner la force nécessaire pour continuer. [...] Ces mots me revinrent à l’esprit : « On ne peut pas changer les gens. On peut juste leur montrer un chemin, puis leur donner envie de l’emprunter » ».
Ces extraits mis bout à bout, qui expriment le ressenti du personnage principal lors de son discours, me semblent contenir de nombreuses vérités qui pourraient s’appliquer à la prédication, même si bien entendu un discours en assemblée générale et une prédication en Eglise sont assez radicalement différents. Je veux néanmoins souligner quelques éléments qui pourraient être utiles aux prédicateurs : Tout d’abord, l’importance de gérer ses propres émotions, ce qui peut passer par un travail physique : la respiration notamment, autant que psychique : l’acceptation de sa propre vulnérabilité. Il me semble aussi intéressant de signaler l’évocation des premières phrases du discours. Il me semble important de travailler la première phrase, et de savoir précisément ce que l’on va dire. Certes, il faudra savoir en changer si besoin en fonction de la situation, mais être au clair sur sa première phrase contribue à vivre les derniers moments avec de prendre la parole avec plus de sérénité. Concernant le rapport aux notes ou au texte rédigé de la prédication, il est ici souligné l’importance de savoir s’en détacher, non que l’inspiration lors de la préparation ne soit pas présente, mais il s’agit en prêchant de ne pas être déconnecté du moment présent, de l’ « énergie collective » (pour reprendre l’expression) du groupe d’auditeurs rassemblés, et j’ai envie de rajouter, la puissance de l’Esprit Saint. Cela induit une forme de décentration de soi pour une meilleure présence pour et avec les auditeurs, et ensemble pour un meilleur accueil de la présence de Dieu. Il s’agit de développer une forme d’empathie que cette belle formule met en évidence : « Embrasse l’univers de ton prochain et il s’ouvrira à toi ». Je mentionnerai encore l’importance, même si cela peut paraître une évidence, de croire soi-même à ce que l’on prêche « au plus profond de soi », avec « sincérité ». Car « on ne peut pas changer les gens. On peut juste leur montrer un chemin ». C’est dans la mesure où nous-mêmes serons de véritables disciples du Christ, qui suivent celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14.6), que notre prédication donnera envie à nos auditeurs d’emprunter à leur tour ce chemin et de marcher avec Jésus.
Au-delà de ces quelques pages en lien avec ce discours que fait le personnage principal, le roman dans son ensemble peut paraître étonnant en rapport avec le titre du livre. Il n’y est pas question de Dieu, alors pourquoi affirmer en titre « Dieu voyage toujours incognito » ? Peut-être justement parce que Dieu est présent sans forcément toujours se donner à reconnaître. Les voies d’action de Dieu peuvent parfois être surprenantes. La transformation du personnage principal du livre en est un témoignage. Appliqué à la prédication, on peut affirmer que nous ne savons pas forcément quand et comment les auditeurs peuvent être touchés ou interpellés. Et tant mieux, car Dieu désire malgré nos faiblesses et nos limites nous utiliser pour être ses porte-paroles, afin de pouvoir semer un message d’espérance dans les cœurs. Peut-être même que Dieu pourra se cacher dans une parole sans artifice, une attitude adaptée, un geste discret, un regard sincère… qu’importe : Dieu voyage souvent incognito !
Laurent Gounelle
Analyse du livre :
« Dieu voyage toujours incognito », c’est le titre du dernier roman de Laurent Gounelle. On y découvre l’histoire d’Alan Greensmore qui a perdu le sens de sa vie mais a été retenu de mettre fin à ses jours par un homme qui va alors le guider afin de lui permettre, par des mises en situation, de dépasser ses inhibitions, ses peurs et ses conditionnements et sortir d’un chemin tout tracé qui ne lui apportait plus satisfaction. Auteur de L’homme qui voulait être heureux qui a connu un succès international et spécialiste des sciences humaines, Laurent Gounelle nous propose là un roman agréable à lire où la trame de l’histoire réussit à tenir en haleine le lecteur malgré certaines situations clairement présentes pour transmettre un enseignement sur le développement personnel ; cela fait partie de son projet et c’est loin d’être inintéressant !
Vers la fin du roman, le personnage principal doit prononcer un discours à l’occasion d’une assemblée générale. Or c’est pour lui quelque chose d’a priori insurmontable que de dépasser son manque de confiance en lui pour essayer de convaincre un auditoire imposant. Mais l’objectif étant là, il s’y prépare au mieux. Il participe même à une séance de formation de l’Institut Speech-Masters. Il soigne ses arguments et écrit l’intégralité de ce qu’il prévoit dire. Quand l’échéance arrive, l’auteur Laurent Gounelle nous gratifie d’une dizaine de pages qui non seulement relatent la teneur du discours du personnage Alan Greensmore mais aussi son ressenti en tant qu’orateur. A vrai dire, jusqu’à la lecture de ces lignes, je n’avais pas un instant imaginé faire de ce roman lu pendant mes vacances l’objet d’une note pour ce blog, mais je me suis dit qu’étaient exprimées là des idées qui pouvaient être utiles à l’art de prêcher. Je reproduis donc ici quelques extraits des pages 389 à 400 avant d’en faire quelques commentaires.
« Je parvins enfin à la tribune, point de focalisation de l’attention, en plein centre de la scène. J’étais terrorisé, l’ombre de moi-même. Je mis les feuillets à plat sur le pupitre, puis réglai la hauteur du micro. Ma main tremblait, et mon cœur battait à tout rompre : je sentais mon sang affluer dans mes tempes au rythme de ses pulsations. Il fallait absolument que je me recentre un minimum avant de commencer… Respirer, respirer. Je relus mentalement les premières phrases de mon discours. Je le trouvai subitement mauvais, inadapté, mal balancé… [...] C’est incroyable comme une salle remplie de gens porte en elle une sorte d’énergie qui lui est propre. C’est plus encore que la somme des émotions et des pensées individuelles qui la composent. C’est une énergie collective, émanant du groupe tout entier comme d’une entité distincte. [...] Les mots de Dubrovski me revinrent, m’apparaissant comme une évidence qui s’imposait à moi. Mais ce n’était plus une technique à appliquer. Juste une philosophie à adopter. « Embrasse l’univers de ton prochain, et il s’ouvrira à toi ». Embrasse l’univers de ton prochain… Nous n’étions pas des individualités qui s’affrontaient, nous étions des êtres humains reliés par les mêmes aspirations, la même volonté, le même désir de vivre et de vivre mieux. Mais comment partager ce sentiment avec eux, comment leur expliquer ? Comment trouver en moi la force de m’exprimer ? L’image des Speech-Masters passa devant mes yeux : je possédais quelque part au fond de moi les ressources nécessaires. J’étais capable, si je l’osais, d’aller vers ces gens, de leur parler, de les ouvrir à mon sentiment profond… La tribune devant moi m’apparut alors comme une barrière, une entrave, une protection incarnant notre opposition. Je tendis la main et saisis le micro, le détachant de son pied, puis je contournai la tribune, y abandonnant mes feuillets, et avançai vers la foule, seul et désarmé, lui offrant ma vulnérabilité. [...] Il m’apparut comme une évidence que je ne pouvais pas réciter mon texte. Ecrit depuis huit jours, il était déconnecté de l’instant présent, dissocié des émotions du moment. Je devais me contenter d’accepter les mots qui me venaient à l’esprit. « On parle avec son cœur » avait dit Etienne. [...] Je me sentais porté par ma propre sincérité. Je ne faisais qu’exprimer ce en quoi je croyais au plus profond de moi. Je ne prétendais pas détenir une vérité, mais je pensais ce que je disais, et cela me suffisait à me donner la force nécessaire pour continuer. [...] Ces mots me revinrent à l’esprit : « On ne peut pas changer les gens. On peut juste leur montrer un chemin, puis leur donner envie de l’emprunter » ».
Ces extraits mis bout à bout, qui expriment le ressenti du personnage principal lors de son discours, me semblent contenir de nombreuses vérités qui pourraient s’appliquer à la prédication, même si bien entendu un discours en assemblée générale et une prédication en Eglise sont assez radicalement différents. Je veux néanmoins souligner quelques éléments qui pourraient être utiles aux prédicateurs : Tout d’abord, l’importance de gérer ses propres émotions, ce qui peut passer par un travail physique : la respiration notamment, autant que psychique : l’acceptation de sa propre vulnérabilité. Il me semble aussi intéressant de signaler l’évocation des premières phrases du discours. Il me semble important de travailler la première phrase, et de savoir précisément ce que l’on va dire. Certes, il faudra savoir en changer si besoin en fonction de la situation, mais être au clair sur sa première phrase contribue à vivre les derniers moments avec de prendre la parole avec plus de sérénité. Concernant le rapport aux notes ou au texte rédigé de la prédication, il est ici souligné l’importance de savoir s’en détacher, non que l’inspiration lors de la préparation ne soit pas présente, mais il s’agit en prêchant de ne pas être déconnecté du moment présent, de l’ « énergie collective » (pour reprendre l’expression) du groupe d’auditeurs rassemblés, et j’ai envie de rajouter, la puissance de l’Esprit Saint. Cela induit une forme de décentration de soi pour une meilleure présence pour et avec les auditeurs, et ensemble pour un meilleur accueil de la présence de Dieu. Il s’agit de développer une forme d’empathie que cette belle formule met en évidence : « Embrasse l’univers de ton prochain et il s’ouvrira à toi ». Je mentionnerai encore l’importance, même si cela peut paraître une évidence, de croire soi-même à ce que l’on prêche « au plus profond de soi », avec « sincérité ». Car « on ne peut pas changer les gens. On peut juste leur montrer un chemin ». C’est dans la mesure où nous-mêmes serons de véritables disciples du Christ, qui suivent celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14.6), que notre prédication donnera envie à nos auditeurs d’emprunter à leur tour ce chemin et de marcher avec Jésus.
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