L’explorateur des écritures bouddhistes
Image: JEAN-PAUL GUINNARD
Par Patrick Chuard Mis à jour à 09h38
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Le geste calme. La voix posée. La bouche fleurie de mots savants. Un air d’ancien prophète persan en grève de turban. Vincent Eltschinger est tout à fait ce qu’il semble être: un intellectuel pur sucre. Ce chercheur en bouddhisme et en philosophie indienne de 45 ans, docteur de l’Université de Lausanne, vient d’être nommé professeur à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) à Paris. L’aboutissement d’un vieux rêve. Parmi les grands noms qui enseignèrent en ces murs figurent quelques inspirateurs de Vincent Eltschinger.
A commencer par Georges Dumézil: un spécialiste du monde indo-européen, vieillard de 88 ans enfermé dans une bibliothèque babélique, qui confiait un jour à la télévision lire couramment plus de trente langues. Mais «seules les trois premières avaient été difficiles à apprendre». La séquence avait frappé le jeune Vincent, gymnasien à cette époque, ébahi par tant de savoir.
Il pratique le sanskrit
Trois décennies plus tard, le Fribourgeois n’affiche pas le même palmarès. Mais, en plus de quelques langues courantes sous nos contrées, il pratique tout de même le sanskrit (l’ancienne langue de l’Inde), le pali (l’une des premières langues du bouddhisme) et le tibétain.
Il n’en fallait pas moins pour s’attaquer aux textes de Dharmakîrti: un philosophe indien du VIIe siècle auquel Vincent Eltschinger a consacré sa thèse, plusieurs années de recherches, des dizaines d’articles et quelques livres. «J’ai découvert ce philosophe grâce au professeur Tom Tillemans, dès 1993, et ses écrits m’ont frappé. C’était un penseur de la connaissance avec une théorie de la logique extrêmement élaborée, qu’on a parfois comparé à Kant. Contrairement à tout ce que j’imaginais auparavant, l’Inde n’était pas seulement une terre de mythes et de mystiques.»
Comme un explorateur en Himalaya, l’indianiste sonde un territoire de mots écrits et agencés il y a plus de douze siècles. Le trek n’est pas musculaire, mais intellectuel. «Parfois le chemin de compréhension est facile, parfois il faut une semaine entière pour venir à bout de quelques phrases. C’est de la recherche en territoire inconnu.»
Chercheur rattaché à l’Académie autrichienne des sciences, il a aussi donné des cours comme professeur invité, à Vienne, à Budapest, à Leiden ou à Tokyo. Une poignée d’étudiants assistent aux cours. Ils sont plus nombreux quand les matières enseignées sont générales, du genre «Introduction au bouddhisme».
On ne lira pas sous la plume du chercheur des traités de «Bouddhisme pratique en dix leçons» avec une paire de tongs et un cône d’encens offerts en coffret. Vincent Eltschinger s’amuse d’ailleurs beaucoup de la perception du bouddhisme en Occident: «On en fait une philosophie du mieux-être, alors que c’est une religion de la rupture avec le monde.»
Grandi dans un repaire d'artistes Fils d’un verrier d’art de Villars-sur-Glâne (FR), aux portes de Fribourg, Vincent Eltschinger a grandi dans la maison qui abrite l’atelier de son père, un repaire d’artistes. Né quelques décennies plus tôt, ce chercheur en spiritualité serait peut-être devenu dominicain, féru d’exégèse et de théologie. Il en aurait eu l’orgueil intellectuel et l’humilité bienveillante. «J’étais trop séculier pour cela», sourit-il.
Façon pudique d’avouer qu’il aime la vie, la fête, la liberté. Jusqu’en 2011, Vincent Eltschinger s’est arrangé pour ne jamais travailler le matin, fréquentant les bistrots en alternance avec le travail ou la lecture jusqu’aux dernières heures de la nuit. Tout a changé avec la naissance de son fils Simon, conçu avec une agrégée de philosophie et spécialiste de la pensée shivaïte rencontrée à Vienne. «Quand il faut se lever pour un enfant, ça change la vie.»
La vérité est qu’il ne pratique pas le bouddhisme, comme aucune autre religion. Cet athée revendiqué préfère croire à la fraternité sans frontières, aux pouvoirs de l’intelligence et à la nécessité de chercher. «Mon travail ne signifie peut-être rien pour beaucoup de gens, mais il participe à la construction de notre mémoire collective. La mémoire de l’humanité.»
La recherche est nécessaire et immenses les terrains à défricher. «On ne sait pas ce que Bouddha a dit, assure Vincent Eltschinger, les premiers écrits datent de deux siècles après sa mort. Et on ne sait même pas comment il s’appelait.» Tout est plus complexe qu’il n’y paraît.
(24 heures)
PortraitVincent Eltschinger, indianiste.
Image: JEAN-PAUL GUINNARD
Par Patrick Chuard Mis à jour à 09h38
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Vous voulez communiquer un renseignement ou vous avez repéré une erreur?A commencer par Georges Dumézil: un spécialiste du monde indo-européen, vieillard de 88 ans enfermé dans une bibliothèque babélique, qui confiait un jour à la télévision lire couramment plus de trente langues. Mais «seules les trois premières avaient été difficiles à apprendre». La séquence avait frappé le jeune Vincent, gymnasien à cette époque, ébahi par tant de savoir.
Il pratique le sanskrit
Trois décennies plus tard, le Fribourgeois n’affiche pas le même palmarès. Mais, en plus de quelques langues courantes sous nos contrées, il pratique tout de même le sanskrit (l’ancienne langue de l’Inde), le pali (l’une des premières langues du bouddhisme) et le tibétain.
Il n’en fallait pas moins pour s’attaquer aux textes de Dharmakîrti: un philosophe indien du VIIe siècle auquel Vincent Eltschinger a consacré sa thèse, plusieurs années de recherches, des dizaines d’articles et quelques livres. «J’ai découvert ce philosophe grâce au professeur Tom Tillemans, dès 1993, et ses écrits m’ont frappé. C’était un penseur de la connaissance avec une théorie de la logique extrêmement élaborée, qu’on a parfois comparé à Kant. Contrairement à tout ce que j’imaginais auparavant, l’Inde n’était pas seulement une terre de mythes et de mystiques.»
Comme un explorateur en Himalaya, l’indianiste sonde un territoire de mots écrits et agencés il y a plus de douze siècles. Le trek n’est pas musculaire, mais intellectuel. «Parfois le chemin de compréhension est facile, parfois il faut une semaine entière pour venir à bout de quelques phrases. C’est de la recherche en territoire inconnu.»
Chercheur rattaché à l’Académie autrichienne des sciences, il a aussi donné des cours comme professeur invité, à Vienne, à Budapest, à Leiden ou à Tokyo. Une poignée d’étudiants assistent aux cours. Ils sont plus nombreux quand les matières enseignées sont générales, du genre «Introduction au bouddhisme».
On ne lira pas sous la plume du chercheur des traités de «Bouddhisme pratique en dix leçons» avec une paire de tongs et un cône d’encens offerts en coffret. Vincent Eltschinger s’amuse d’ailleurs beaucoup de la perception du bouddhisme en Occident: «On en fait une philosophie du mieux-être, alors que c’est une religion de la rupture avec le monde.»
Grandi dans un repaire d'artistes Fils d’un verrier d’art de Villars-sur-Glâne (FR), aux portes de Fribourg, Vincent Eltschinger a grandi dans la maison qui abrite l’atelier de son père, un repaire d’artistes. Né quelques décennies plus tôt, ce chercheur en spiritualité serait peut-être devenu dominicain, féru d’exégèse et de théologie. Il en aurait eu l’orgueil intellectuel et l’humilité bienveillante. «J’étais trop séculier pour cela», sourit-il.
Façon pudique d’avouer qu’il aime la vie, la fête, la liberté. Jusqu’en 2011, Vincent Eltschinger s’est arrangé pour ne jamais travailler le matin, fréquentant les bistrots en alternance avec le travail ou la lecture jusqu’aux dernières heures de la nuit. Tout a changé avec la naissance de son fils Simon, conçu avec une agrégée de philosophie et spécialiste de la pensée shivaïte rencontrée à Vienne. «Quand il faut se lever pour un enfant, ça change la vie.»
Suivant la théorie bouddhiste des réincarnations, le professeur Eltschinger a sans aucun doute été scribe sumérien, lama tibétain, homme médecine d’une tribu sioux, hibou nocturne, courtisane à Angkor, alchimiste, guerrier kung-fu et brasseur de bière en Flandres. La somme de toutes ces vies correspond aux poils d’une barbe qu’il porte depuis toujours, qu’elle soit ou non à la mode.«Mon travail participe à la construction de notre mémoire collective. La mémoire de l’humanité»
La vérité est qu’il ne pratique pas le bouddhisme, comme aucune autre religion. Cet athée revendiqué préfère croire à la fraternité sans frontières, aux pouvoirs de l’intelligence et à la nécessité de chercher. «Mon travail ne signifie peut-être rien pour beaucoup de gens, mais il participe à la construction de notre mémoire collective. La mémoire de l’humanité.»
La recherche est nécessaire et immenses les terrains à défricher. «On ne sait pas ce que Bouddha a dit, assure Vincent Eltschinger, les premiers écrits datent de deux siècles après sa mort. Et on ne sait même pas comment il s’appelait.» Tout est plus complexe qu’il n’y paraît.
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