Tout comme l'on trouve de prétendus "moines" bouddhistes en Birmanie prétendant justifier la violence, la haine, la xénophobie, au nom de la préservation du Dharma, le problème est rigoureusement le même pour l'Islam comme c'est très bien expliqué par Mme Chabbi, une linguiste experte du Coran.
La vidéo (et ci-dessous le texte). Pour tout un chacun aujourd'hui, musulman comme non musulman, la formule Allah Akbar est considérée comme une caractéristique majeure de l’islam.
Chacun a pu constater avec effroi que ceux qui crient Allâh akbar dans les actions violentes et meurtrières qu'ils commettent croient ainsi légitimer leurs forfaits.
Alors ceux qui entendent ce qui est hurlé par les tueurs et les assassins ne manquent pas d'assimiler l'islam à un allahakbarisme meurtrier qui serait présent depuis les origines.
Il est important d'explorer le passé historique pour rendre les hommes d'aujourd'hui pleinement responsables de leurs actes sans qu'ils puissent se revendiquer d'une légitimation mensongère.
Il faut donc revenir au texte et à ce qu'il a donné à signifier en son temps pour en tirer des leçons pour aujourd'hui.
La traduction de l'expression Allâh Akbar c'est "Allâh est grand".
Ce n'est pas "Allâh est le plus grand " car, dans le cas de cette formulation, le terme akbar a valeur de qualificatif et pas de superlatif.
Mais si on se réfère au Coran on cherche vainement l'expression Allâh Akbar. Elle ne s'y trouve pas.
Par contre, il y a toute une terminologie qui est associée à la racine KBR.
Cette racine se rattache à plusieurs notions :
Alors que l'arabe moderne retient surtout l'idée de "ce qui est grand" par opposition à "ce qui est petit", saghîr.
L'arabe du Coran offre des sens plus variés.
En dehors de l'idée d'être avancé en âge (que l'on trouve dans 14, 39 et 28, 23), les autres sens sont liés à "ce qui est important" positivement ou négativement.
Avec le sens positif on a l'importance d'une récompense.
Ainsi celui qui a bien agi durant sa vie reçoit une belle rétribution dans l'Au delà (35, 7).
On a aussi l'importance d'un événement auquel on participe par exemple le pèlerinage (9, 3).
Mais tout à l'inverse, le sens peut être extrêmement négatif.
C'est le cas d'une trangression majeure qui est sanctionnée par le divin ici bas ou dans l'Au delà (25, 19).
Les fautes graves sont dites kabîra au pluriel kabâ'ir (53, 32).
Il est intéressant de noter que l'orgueil et le fait pour des hommes de "se croire supérieurs" sont rattachés à la même racine (25, 21 ; 7, 40)
A côté de ce qui s'applique aux humains il y a aussi les qualificatifs qui s'appliquent exclusivement au divin.
Pour désigner le divin on trouve dans plusieurs passages (40, 12 ; 31, 30) des qualificatifs associés
On a ainsi al-'alîyy al-kabîr,que l'on peut traduire par "(Allah) le sublime et l'éminent".
Je traduis de cette façon car la traduction habituelle par "l'élevé et le grand" ne rend pas assez compte de l'intention du texte.
On a aussi l'utilisation du verbe dénominatif kabbara qui consiste à dire qu'Allâh est kabîr, donc qu'il est "éminent" .
Ce verbe est utilisé dans quatre passages.
Dans 74, 3 et 17, 111 qui sont de période mekkoise, il s'agit de reconnaître le vrai dieu.
Dans 22, 37 qui est de période médinoise, il s'agit de rendre grâce à Allâh au moment du pèlerinage et des nourritures qu'il offre.
Dans 2, 185 qui est aussi de période médinoise, il faut rendre grâce (shukr) au moment du mois de Ramadan.
Dans aucun de ces passages cette reconnaissance proclamée n'est liée à une action qu'elle légitimerait et, moins que toute autre, à une action violente.
Du point de vue du Coran, une action violente qui se réclamerait de l'éminence divine comme dans le cas des utilisations actuelles de la formule Allah akbar lors d'attentats ou de tueries relèverait d'une trangression gravissime.
J'ajouterai que sa proclamation dans un contexte revendicatif et porteur d'hostilité à l'égard d'autrui n'entre pas non plus dans l'utilisation normale de la reconnaissance de l'éminence divine, en tout cas, pas du point de vue du Coran.
Il ne faut pas oublier que le Coran n'autorise aucun humain à parler ni à sanctionner en son nom car ce serait préjuger de la volonté divine et de la possibilité de sa miséricorde.
La notion du "vouloir divin" est représenté par le verbe shâ’a.
La notion de la miséricorde divine est exprimée par le mot rahma auquel s'ajoute la tawba, le pardon.
Ce sont des notions absolument centrales dans le Coran (9, 118).
Nombre de ceux qui crient aujourd'hui Allâh akbar à tort et à travers semblent méconnaître cela et n'en avoir aucune idée.
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