L'Arbre des Refuges: Une Philosophie Non Confessionnelle

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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:29

    L’INDIVIDUALISME RÉVOLUTIONNAIRE




    « D’autres sociétés, en tout cas la nôtre, valorisent en premier lieu l’être humain individuel : à nos yeux, chaque homme est une incarnation de l’humanité tout entière et, comme tel, il est égal à tout homme et libre. C’est ce que j’appelle l’individualisme… » Louis Dumont

    « Que peut bien être la société, abstraction faite de tous les individus ? (…) L’individuel écarté, le social n’est rien » Tarde

    « La rébellion individuelle est un devoir culturel et le romantisme quotidien est la dernière conduite possible. » J.E Hallier

    L’imagination est le pouvoir libérateur de l’homme. » José Ortega y Gasset le

    La culture c’est ce qui nous permet de savoir ce qu’il nous est possible de faire. C’est avoir la conscience de ce qui est possible et comme le suggère Alain Jouffroy c’est ce qui nous permet de décider, « La vie est, avant tout, vie possible ; elle est ce que nous pouvons devenir. Elle consiste donc à décider, entre les possibles, ce que nous allons être en effet. La circonstance et la décision sont les deux éléments essentiels dont se compose la vie.[1] », Le but serait de réaliser le maximum des possibles qui s’offrent à nous et d’être fidèles à « nos promesses » : ne jamais compromettre nos possibilités par l’abandon de certains de nos possibles[2]. La fidélité à ses promesses (ses possibles) pouvant être considérée comme le fondement de toute éthique : faire ce qui est bon pour soi (se respecter) tout en respectant la présence des autres et la présence du monde qui sont des conditions à ma libre expérience.

    J’appellerai coûts culturels tout obstacle à la prise de conscience de mes possibles. Ces coûts culturels constituent, pour nos sociétés, au-delà des coûts économiques et sociaux, l’interrogation politique me paraissant la plus pertinente aujourd’hui, du fait des révolutions technologiques dans le domaine de l’information et de la communication[3]. Les coûts culturels étant les impossibilités d’un art de vivre personnel, provoquées par de fausses représentations de conditions de vie, par de fausses contraintes qui conduisent à une certaine détestation de soi[4]. Le malaise dans la civilisation serait avant tout un malaise de la culture entrainant une crise qui nécessiterait une « révolution de l’intelligence ». Je traiterai dans une intervention ultérieure cette notion de révolution de l’intelligence dont, aujourd’hui, je poserai les premiers jalons en développant la notion d’individualisme révolutionnaire.

    L’expression « Individualisme révolutionnaire » est le titre d’un essai du poète Alain Jouffroy. La formulation peut paraître provocatrice tant, dans nos sociétés le terme individualiste est péjoratif et contraire à l’imaginaire de la révolution qui implique le nombre, la foule et parfois même la masse.



    Approches de l’individualisme



    Comme le note Alain Laurent[5] « …l’anti-individualisme apparaît bel et bien comme la chose la mieux partagée du monde actuel, au point de prendre la consistance d’une idéologie dominante. »

    Il y a plusieurs formes de paresses intellectuelles qui conduisent à des clichés sur l’individualisme. Les représentations de l’individualisme, comme celles de l’anti-individualisme, ne sont souvent que des « paradigmes » d’une pensée paresseuse.

    Pour dénoncer certains avatars de l’individualisme je pars d’un postulat : le but de la vie personnelle est d’obtenir une harmonie de soi à soi, de soi aux autres et se soi au monde… Sachant que, dans sa vie, ces différentes harmonies sont indissociables et se confondent dans un tout que nous appellerons le « Style ».

    Ce postulat induit qu’il y ait une articulation entre le social, le communautaire et l’individuel. L’organisation sociale (le but du politique) devrait tendre à construire un cadre sécuritaire permettant des espaces de liberté où chacun puisse être créateur de sa propre vie. Cette organisation sociale implique des lois nécessaires et suffisantes. La liberté d’agir du sujet nécessite une claire perception de son intérêt qui ne peut que prendre en compte ces lois, c’est le rôle éducatif du communautaire qui sert de sas entre le social et l’individuel. Dans le cas d’un individualisme humaniste, l’éducation doit conduire à l’autonomie du sujet qui accepte les contraintes de la civilisation comme les garantes de sa culture (son autonomie).

    Dans ce cadre, les coûts culturels proviennent d’une mauvaise appréciation soit des lois nécessaires (l’individu ressent un manque de liberté faute de reconnaître l’aspect nécessaire de la loi : il méconnait ses devoirs), soit des lois suffisantes (l’individu se prive des libertés faute de reconnaître l’aspect suffisant des lois : il méconnait ses droits).

    Dans ce schéma (ô combien réducteur) la société comme la communauté sont des moyens qui ont pour fin d’établir les conditions de l’exercice de sa liberté pour tout un chacun (établir les conditions de son autonomie).



    Parmi les avatars de l’individualisme on trouve :



    1) L’atome social (nous parlerons par la suite de l’individualisme de masse), c’est une forme d’individualisme spontané (un individualisme égoïste, narcissique, égotique etc.). Un individualisme ou la société ne peut être conçue que comme répressive, ou la communauté n’existe pas ou alors joue un rôle clanique, elle est destinée à servir les intérêts individuels des membres du clan contre les autres et la société[6].



    2) Le culte du moi qui privilégie le communautaire, la hiérarchie, l’enracinement (Maurras, Nouvelle droite etc.), les communautarismes (ceci mériterait un développement beaucoup plus précis), Je me définis par rapport et contre les autres.

    « Une communauté est toujours menacée à la fois par l’individualisme et le collectivisme [7]»

    « La société éclate en factions, en partis, en syndicats antagonistes les uns avec les autres – et qui prétendent tous faire prévaloir leurs intérêts particuliers. Le terme de communauté (nationale ou populaire) devient proprement incompréhensible au plus grand nombre. Toutes les hiérarchies sont remises en cause. Et cet individualisme exacerbé produit son symétrique inverse, le totalitarisme et la massification.[8] »

    « Une autre grave erreur de notre enseignement public, c’est qu’il était une école d’individualisme. Je veux dire qu’il considérait l’individu comme la seule réalité authentique et en quelque sorte absolue. La vérité, c’est que l’individu n’existe que par la famille, la société », la patrie, dont il reçoit avec la vie tous les moyens de vivre (…) C’était grande pitié de voir, jusqu’à la veille de la guerre, nos journaux et revues tout pleins d’éloges de l’individualisme français, qui est exactement ce dont nous avons failli mourir. L’individualisme n’a rien de commun avec le respect de la personne humaine sous les apparences duquel il a essayé parfois de se camoufler. » Maréchal Pétain



    3) Le totalitarisme : l’État nécessaire pour établir le cadre sécuritaire dans lequel évoluera le citoyen devient une fin en soi. C’est tout pour et par l’état dans lequel l’individu devient un être programmable. « Nous sommes les premiers à avoir affirmé, en présence de l’individualisme démo-libéral, que l’individu n’existe qu’en tant qu’il est dans l’État et subordonné aux nécessités de l’État, et qu’au fur et à mesures que la civilisation prend des formes de plus en plus complexes, la liberté de l’individu se restreint toujours davantage. » Benito Mussolini



    L’individualisme et la politique



    L’individualisme est souvent un mot interdit et en y réfléchissant cela parait assez normal que les « politiques » et /ou les « intellectuels», qui font profession de penser pour les autres (pour les guider, leur montrer leur intérêt), aient du mal à concevoir une forme d’individualisme autonome qui invaliderait leur raison d’être. L’individu autonome sera toujours le grain de sable dans les rouages des pouvoirs[9]. Une certaine paresse intellectuelle de droite consiste à penser l’organisation sociale comme préexistante alors que le rôle du politique est justement d’organiser les dissensus (issus des représentations des individus) et de faire évoluer cette organisation au fur et à mesure de l’évolution des mœurs et des formes prises par la




    [1] Alain Jouffroy « L’individualisme révolutionnaire » p. 87


    [2] Ainsi le « Scandale » pour l’homme provient des possibles ignorés faute de culture.


    [3] Nous verrons par la suite que les évolutions technico-sociales nous obligent à une forme d’individualisme de résistance.


    [4] Ce que nous appellerons l’individualisme de masse proviendrait de la détestation de soi


    [5] « De l’individualisme, enquête sur le retour de l’individu » PUF 1985


    [6] Les représentations de l’individualisme se compliquent lorsque l’on prend en compte le libéralisme économique où souvent la liberté individuelle est réduite à une liberté économique.


    [7] Alain de Benoist Qu’est-ce que l’enracinement


    [8] « Dix ans de combat pour une renaissance culturelle » Ouvrage doctrinal du GRECE


    [9] Voir, par la suite, l’illustration du grain de sable par la photo « Place TIAN AN MEN 1989 »


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:35

    SUITE:

    L’individualisme et la politique



    L’individualisme est souvent un mot interdit et en y réfléchissant cela parait assez normal que les « politiques » et /ou les « intellectuels», qui font profession de penser pour les autres (pour les guider, leur montrer leur intérêt), aient du mal à concevoir une forme d’individualisme autonome qui invaliderait leur raison d’être. L’individu autonome sera toujours le grain de sable dans les rouages des pouvoirs[1].

    Une certaine paresse intellectuelle de droite consiste à penser l’organisation sociale comme préexistante alors que le rôle du politique est justement d’organiser les dissensus (issus des représentations des individus) et de faire évoluer cette organisation au fur et à mesure de l’évolution des mœurs et des formes prises par la condition humaine. Paresse intellectuelle qui ne cherche pas à articuler individu, communauté et société.

    Pour la doxa de gauche L’individualisme est quelque chose de bourgeois, l’individualisme est de droite, et lorsqu’un auteur se revendique individualiste il est généralement catalogué à droite comme en témoigne Jacques ELLUL « Vers 1950 un politiste avait fait une sociologie politique du protestantisme. Et, se penchant sur mon cas, il avait trouvé cette formule admirable : « Du moment qu’Ellul a des tendances anarchisantes[2], on doit le classer à droite. » En effet, à ce moment, la liberté et la défense de la liberté, était une opinion de droite. Avec 1968, la liberté, est revenue en force vers la gauche, et, de fait, pendant quelques années, il fut admis que le combat pour la liberté était l’apanage de la gauche. Maintenant on revient à l’ancienne mode…la gauche a été radicalement pourrie par son entrée dans le jeu politique. » Jacques Ellul[3]. Il y a une paresse intellectuelle de gauche « individu = produit de la bourgeoisie et suppôt du capitalisme = droite ». Longtemps on a pu dire que la gauche « avait mal à l’individualisme ». Pourtant en 1984 Max Gallo dans son essai « La troisième alliance » sous-titré « pour un nouvel individualisme » pose la question d’un individualisme de gauche. Ce qui entraîne un débat dans le Monde entamé par un article de Frédéric Gaussen daté du 23 02 84 « Peut-il y avoir un individualisme de gauche ? »

    Je trouve finalement la question déplacée puisque pour moi l’individu est à l’origine du politique : c’est lui le souverain. Lors de l’intervention sur « la mort du politique » j’avais essayé de montrer que la mort du politique était la conséquence de l’incapacité des citoyens à exercer leur souveraineté (c’est un des éléments de l’incapacité démocratique). Je partais du principe que le politique est l’organisation des dissensus provenant des situations particulières de chacun et que seuls les individus étaient capables de savoir ce qui était bon pour eux, à condition d’avoir acquis une culture autonome. Donc l’individu est l’alpha et l’oméga de l’organisation sociale. C’est pourquoi la droite et la gauche n’ont pas le choix, elles doivent œuvrer pour la mise en place d’une société qui tende à assurer les conditions nécessaires à l’épanouissement des citoyens. Le politique est le moyen de réaliser l’individualisme comme le montrent les citations de Marx, Jaurès et Durkheim que nus citerons plus loin.



    Les anti-individualismes, les plus fréquents, se déterminent à partir de deux paradigmes « évidents » de l’individualisme : le libéralisme économique et l’anarchisme.

    La première forme est une forme pervertie du libéralisme réduit au libéralisme économique, cette confusion menée à son terme aboutit à l’individualisme de masse qui ignore la socialité, que nous définirons, ici, comme la prise en compte des conséquences de l’action de chacun sur la société et des hommes qui la composent. C’et la différence essentielle, sur laquelle nous reviendrons, entre les formes dégradées de l’individualisme (l’individualisme de masse et/ou l’individualisme spontané) et l’individualisme responsable qui prend en compte les autres. Nous parlerons alors d’individualisme social.

    Nous avons principalement deux courants : l’individualisme libéral et l’individualisme libertaire qui, selon nos catégories, seraient d’une part un individualisme civilisé et un individualisme culturel. L’un s’intègre à la société hiérarchisée l’autre résiste, ce sont deux formes d’individualismes opposés tout en étant complémentaires et qui donnèrent lieu, tous deux, à des dérives servant aujourd’hui de point d’appui aux différents anti-individualismes.

    « … l’individualisme libertaire historique peut sembler, au regard du large et paisible « fleuve » libéral, n’alimenter qu’un simple, impétueux et erratique « torrent ».

    « … volontiers sauvage et subversif, l’individualisme du courant anarcho-libertaire s’exprime d’abord sur le mode de l’insoumission, de l’objection de conscience généralisée et du refus d’obtempérer à toute autorité –État ou ordre social –automatiquement perçue comme arbitraire et coercitive. Il diffère donc notablement de l’individualisme libéral, « civilisé » et à vocation raisonnable, sur de nombreux plans… « Il n’y a pas, dans d’individualisme libéral, opposition entre l’individu et la société (c’est la thèse anarchiste), mais hiérarchie. Le collectif, ses ressources et sa puissance ne sont pas niés. On leur refuse seulement des fins autonomes, en les subordonnant aux fins individuelles (…) c’est donc se méprendre sur le sens de l’individualisme libéral que de dénoncer son caractère antisocial (…) Ce que l’individualisme libéral repousse, ce sont toutes les conceptions dont l’avènement devant précisément provoquer son déclin et qui voient dans la société un être collectif ayant ses propres fins et organisé pour les atteindre. » Georges Burdeau[4]

    L’individualisme se développe sur plusieurs plans : sur le plan économique il se développe sous l’influence de la pensée d’Adam Smith : l’individu en poursuivant ses propres intérêts sert l’intérêt de la société ; et sur le plan culturel, entre autre avec le romantisme, « L’individualisme s’épanouit au plan culturel au XIXe siècle avec le romantisme, nourri des intuitions « géniales » et des émotions de l’individu comme des troubles et crises qui accompagnent la formation de sa personnalité.[5] »

    Mais cette libération qui apparaît profitable en termes de progrès économique, social et culturel pose, en réalité, beaucoup de problèmes à l’individu : « Si les talents furent ainsi libérés au bénéfice de l’économie, de la science, de la technique et de la création artistique, ce fut en soumettant l’individu à une tension psychologique des plus pénibles. Libéré des contraintes sociales, il ne pouvait plus en effet s’expliquer ses éventuels échecs que par une incapacité dont la conscience était inévitablement douloureuse. La société se divisait non plus entre nobles et roturiers mais entre « gagnants » et « perdants », les premiers n’étant eux-mêmes jamais sûrs de la pérennité de leur succès[6] : l’individu libéré porte seul l’angoisse de la réussite tout comme le protestant porte seul l’angoisse du salut[7].

    C’est ainsi qu’on en est arrivé à ce que l’on peut appeler l’individualisme de masse : un individu libéré des contraintes sociales mais n’ayant pas une culture d’autonomie lui permettant de créer sa propre morale une morale autonome pour remplacer les morales hétéronomes). D’où la démoralisation de nos sociétés (démoralisation dans les deux sens du terme : amoralisme et perte du moral), démoralisation qui joua un rôle important dans l’avènement des deux guerres mondiales (absence de « résistance » à l’idée de guerre); et qui peut aboutir à une esthétique du désastre que nous n’avons pas, ici, le temps d’aborder.

    L’individualisme de masse




    « « Il est aisé d’écraser, au nom de la liberté extérieure, la liberté intérieure de l’homme » Rabindranàth Tagore

    La « victoire » de l’individualisme libéralo-économique se traduit par de




    [1] Voir, par la suite, l’illustration du grain de sable par la photo « Place TIAN AN MEN 1989 »


    [2] Il est remarquable de constater que dès que l’on se réclame dun individualisme autonome surgit le terme anarchisme qui clôt tout débat.


    [3] Jacques Ellul « La deuxième gauche n’existe pas » Le Monde, référence perdue


    [4] « Le libéralisme » 1979, cité par Alain Laurent p. 115


    [5] Michel Volle « Brève histoire de l’individualisme » sur WWW.volle.com


    [6] Edward Luttwak (1942-), Turbo Capitalism, Harper Collins 1999


    [7] Søren Kierkegaard (1813-1855), Le concept d’angoisse, 1844 cité par Michel Volle


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:39

    suite:


    « « Il est aisé d’écraser, au nom de la liberté extérieure, la liberté intérieure de l’homme » Rabindranàth Tagore



    La « victoire » de l’individualisme libéralo-économique se traduit par de lourds coûts culturels dus, notamment, à la disparition des sas communautaires nécessaires à l’éducation citoyenne. La crise de la culture individualiste est avant tout une crise de l’éducation. Cet individualisme dégradé qui aboutit, pour le plus grand nombre à une atomisation sociale (qui sanctionne entre autre la disparition des consciences de classes et des cultures de classes), favorise le totalitarisme, puisque nous pensons (cf. le texte sur la mort du politique) que le seul contrepouvoir efficace est celui de l’individu souverain qui sait ce qui est bon pour lui (l’individu souverain autonome).

    « Le totalitarisme (est) la réaction logique à un processus d’atomisation, à la perte de solidarité organique, c’est la réponse affolée que trouve l’organisation économiste à un individualisme qui lui a été nécessaire au début, mais qui porte en lui des éléments d’anarchie, de désagrégation qui ne sont pas intégrables. » Michel Maffesoli[1]

    L’individualisme de masse est un individualisme sans conscience sociale, qui n’est pas humaniste dans la mesure où l’autre n’apparaît pas comme représentant et responsable de l’espèce humaine[2]. Nous en mesurons les effets aujourd’hui lorsque l’on voit l’apathie majoritaire concernant ne serait-ce que la loi sur les teste ADN concernant les regroupements familiaux et les traitements infligés aux sans-papiers. Aujourd’hui l’atomisation sociale facilite la mise en place d’un totalitarisme doux, car l’absence de conscience sociale et sociétale aboutit à une hyper-socialisation (les règlements gèrent de plus en plus ce qui devrait relever de la responsabilité individuelle qui est défaillante faute d’intériorisation des principes légitime de la vie sociale, faute d’une morale autonome). L’action gouvernementale (qui est avant tout une action de communication) réglemente et légifère à tout va. Dès qu’il y a un fait divers qui peut être dramatisé par les médias il y a une loi. Par exemple La mort d’une enfant de 10 ans tuée par les chiens des parents… Cela reste un fait divers tragique mais dans l’espace privé … et pourtant Madame Alliot-Marie décide de réglementer d’urgence à propos des chiens.

    José Ortega y Gasset dans « La révolte des masses », publié en 1929[3]) montre que le néo-individualisme de masse produit un homme standard, incomplet dont l’individualisme est purement formel : un individu sans réelle intimité (qui n’est plus capable d’intimité). « Derrière le prétendu néo-individualisme de masse : une masse réelle de pseudo individualistes, à l’individualisme purement formel, réduit aux apparences … »[4]

    « Partout l’homme masse[5] a surgi (…) un type d’homme hâtivement bâti, monté sur quelques pauvres abstractions[6] et qui pour cela se retrouve identique d’un bout à l’autre de l’Europe. C’est à lui qu’est dû le morne aspect, l’étouffante monotonie que prend la vie dans tout le continent. Cet homme masse, c’est l’homme vidé au préalable de sa propre histoire, sans entrailles de passé… Il lui manque « un dedans », une intimité inexorablement, inaliénablement sienne, un moi irrévocable[7]... C’est l’homme sans la noblesse qui oblige[8] –sine nobilitate – le snob.[9] »

    Il s’agit d’un homme dont une grande partie est occultée (l’homme délaissé) il n’a plus ni culture ni vie spirituelle

    « La vie publique n’est pas seulement politique, mais à la fois, et même avant tout intellectuelle, morale, économique et religieuse ; elle embrasse toutes les coutumes collectives et comprend jusqu’à la façon de se vêtir, jusqu’à elle de jouir de la vie.[10] »

    Ainsi cet homme masse se perd dans une société labyrinthique, il ne peut pas construire de projet (se construire …), il est dans l’incapacité d’être le créateur de sa propre vie.

    « Nous assistons en ces dernières années, au gigantesque spectacle d’innombrables vies humaines, qui marchent perdues dans leur propre labyrinthe, sans avoir rien à quoi réellement se vouer…

    Si je me résous à marcher seulement dans l’intérieur de ma vie, comme fait l’égoïste, je n’avance pas, je ne vais nulle part, je vais et viens dans un même lieu. Le voila le vrai labyrinthe, c’est un chemin qui ne conduit nulle part, qui se perd en soi-même à force de n’être qu’un chemin en soi-même.[11] »

    Le manque de morale ne permet pas à l’homme-masse d’assumer son rôle de citoyen, il ne peut réaliser « ses possibles ».

    « L’homme-masse manque tout simplement de morale, laquelle est toujours, par essence, un sentiment de soumission[12] à quelque chose, la conscience de servir et d’avoir des obligations.[13] »

    « L’homme masse est l’homme dont la vie est sans projet et s’en va à la dérive. C’est pourquoi il ne se construit rien, bien que ses possibilités et que ses pouvoirs soient énormes. [14]»

    L’individualisme, source du politique, se tarissant (il n’y a plus intériorisation des lois nécessaires et suffisantes), se met en place l’hyper socialisation qui pour pallier au « manque moral » de l’individu de masse recourt à une réglementation qui finit par rogner petit à petit les espaces de liberté … l’homme masse devient insupportable à ses semblables et à lui-même comme en témoigne l’hystérie anti-fumeurs et maintenant aux États-Unis le refus dans certains lieux publics des personnes « parfumées ». Le bruit, les odeurs … c’est en réalité la présence de l’autre qui gêne, sa présence est une intrusion dans la part d’espace public que j’estime devoir être conforme à mes normes et mes attentes. La liberté dans ces espaces communs est réduite au plus petit commun dénominateur.

    Le « moi » spirituel et moral évacué, il ne me reste plus que l’espace pour me donner un sentiment d’individualité, je revendique donc que l’espace public soit mien. Il s’ensuit une détestation de l’autre que je n’accepte que si j’ai l’impression d’avoir autorisé sa présence, là, près de moi dans cet espace public. Détestation de l’autre qui est en réalité alimentée par la détestation de soi-même (le manque d’intimité).




    [1] La violence totalitaire


    [2] Il n’y a pas « émergence » à l’autre, le regard est entièrement narcissique sans ouverture vers le social.


    [3] « La Révolte des masses, publiée en 1929, est l'œuvre maîtresse du philosophe espagnol José Ortega y Gasset. Dans cette œuvre, Ortega procède à une analyse magistrale et prophétique de notre civilisation en crise. Il pense qu'elle risque de périr sous la poussée d'une « invasion verticale ». Ses envahisseurs sont les barbares des temps modernes. Ils ne sont pas, comme à l'époque des grandes invasions, venus de l'extérieur. Ils sont endogènes et de ce fait, très difficile à combattre. Ils jouissent de tous les apports de la science et de la technique, mais ils en jouissent en primitifs, sans en connaître les principes. Comme cela comble tous leurs besoins, ils ne ressentent nullement la nécessité d'apprendre, de connaître, de comprendre, de se cultiver. Ce sont des brutes amorales aux idées grossières qui jouissent du nec plus ultra que leur procure une civilisation perfectionnée dont ils n'ont aucune conscience historique. Et de fait, cette culture est en danger. En effet, les masses incultes qui critiquent toutes les valeurs de l'Occident leur ayant permis d'accéder à un niveau de vie élevé, semblent prêtes à se retourner contre cette civilisation complexe et subtile qu'ils ne sont plus capables d'appréhender. Dans ces conditions, Ortega se demande si la civilisation ne s'apprête pas à vivre un nouvel âge des ténèbres qui, à terme, pourrait s'attaquer même aux conquêtes techniques qui en sont la manifestation la plus tangible, si le goût pour la connaissance et l'étude venaient à s'émousser.

    En outre, ses analyses sur le culte de la jeunesse, les États-unis d'Europe, le libéralisme face aux dangers de l'état totalitaire (bolchevique ou fasciste) qu'il pressent et dénonce, les dangers de la spécialisation sont d'une lucidité et d'une actualité souvent stupéfiante. »


    [4] La révolte des masses » p.49


    [5] Pour JoséOrtega y Gasset l’homme masse n’a rien à voir avec une hiérarchie sociale l’homme masse existe dans toutes les classes sociales « La société est toujours l’unité dynamique de deux facteurs, les minorités et les masses. »[5] « La division de la société en masses et en minorités d’élites, n’est donc pas une division en classes sociales, mais plutôt en classes d’hommes, et cette division ne peut coïncider avec un tableau hiérarchique en classes supérieures et en classes inférieures. »




    [6] Ainsi l’homme réduit à l’homme calculable voit délaissée une grande partie de sa vie et l’organisation sociale à partir de statistiques le condamne à abandonner un grand nombre de ses possibilités.


    [7] C’est la perte de l’ « irréductible humain » qui fait la dignité » humaine, qui est le ferment de toute résistance …


    [8] Pour nous la noblesse qui oblige c’est la fidélité à ses possibles, c’est la morale autonome, le respect de soi lié au souci de soi.


    [9] La révolte des masses p. 17-18


    [10] La révolte des masses p.45


    [11] Id. p.195-196


    [12] Nous verrons par la suite que l’authenticité de l’homme total, celui qui crée sa vie est une soumission morale à l’existant, ce qui est ; ce qui est totalement différent de se soumettre à des jugements préétabli (l’hétéronomie)


    [13] Id. p.249


    [14] Id. p.90, ce qui illustre en partie la notion de perte de ses promesses, de ses possibles.


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:45

    SUITE:


    Comment résister à cette hyper socialisation qui est une mise en place progressive d’un « totalitarisme doux [1]» formant des « automates sociaux » désocialisés ? La démoralisation des hommes de masse semble marquer un désengagement politique[2] et même si ces masses peuvent parfois se révolter, elles finissent toujours par retomber sous le joug d’un pouvoir souvent pire que le précédent. « … un type d’homme que les principes de la civilisation n’intéressent pas[3], s’est emparé de la direction de la société.[4] ». Certains pays issus de la décolonisation offrent le spectacle caricatural de ces hommes de masses qui prennent le pouvoir comme le prouve, entre autres, le pouvoir de la junte Birmane[5]. Cet aspect caricatural sert de révélateur de la tendance de nos pays occidentaux, c’est un mimétisme caricatural des tendances secrètes de nos systèmes « démocratiques », dont les travers sont grossis à l’extrême. Chez nous les affaires, pour être moins spectaculaires et moins sanglantes, révèlent, cependant, un état d’esprit assez semblable chez certaines de nos élites comme le prouve la dernière affaire EADS… Il y a bien une démoralisation, emblématique de l’homme de masse, parmi nos élites : la seule différence est dans le contexte institutionnel, car nos institutions font encore barrage à la mise en coupe réglée de nos vies économique, politique et sociale ; et la seule façon de préserver et d’améliorer nos instituions serait, à notre avis, la résistance de l’individu révolutionnaire dont nous reparlerons.

    Mais les civilisations sont mortelles, elles meurent toutes d’un excès de civilisation qui est un décalage entre l’institué (civilisation) et instituant (la culture) « Il est évident que toute vieille culture entraîne avec elle une lourde charge de matière dévitalisée, cornée, de tissus desséchés, de résidus toxiques qui engourdissent sa vie. Il y a des institutions mortes, des appréciations et des respects qui survivent, mais qui n’ont plus de sens ; des solutions inutilement compliquées, des normes qui ont prouvé leur manque total de substance. Tous ces éléments de l’ « action indirecte », de la civilisation, réclament une époque de violence simplificatrice. [6]»

    Les civilisations se vident de leur substance humaine qui est l’errance, la marche en avant, en un mot ce que nous appelons l’oeuvrant. « … ces siècles si satisfaits, si complets, étaient morts intérieurement. La vraie plénitude vitale ne consiste ni dans la satisfaction, ni dans l’accomplissement, ni dans la réussite. Déjà Cervantès disait que « le chemin est toujours meilleur que l’auberge.[7] » Si un temps a satisfait son désir, son idéal, c’est qu’il ne désire plus rien d’autre, et que la source de son désir est tarie. Ce qui revient à dire que cette fameuse plénitude est en réalité une conclusion.[8] »

    C’est pourquoi nous pensons que la seule façon de pouvoir résister au déclin d’une civilisation c’est l’autonomie créatrice personnelle, qui procure des moments intenses, au sein desquels l’homme est total et en harmonie avec son monde, « … je pense que toute vie, et partant, la vie historique, est composée de purs instants, dont chacun est conditions de créer sa vie. Les conditions permettant cette liberté vitale sont données par les civilisations qui ne sont que des cadres organisant la sécurité de l’individu au monde et aux autres, mais la résistance c’est toujours veiller à l’aspect suffisant de ce cadre civilisé et aussi veiller, qu’en fonction des évolutions provoquées par l’intervention humaine, soit mises en place les modifications nécessaires.

    C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’exister c’est résister.






    [1] L’expression est trompeuse, ce totalitarisme est doux par rapport aux exactions sanguinaires des fascismes rouge et brun, mais il prive les hommes de possibilités d’épanouissement et d’équilibre dans leur vie ce qui se traduit par la fatigue d’être soi de personnes de plus en plus nombreuses.


    [2] Lorsque l’homme de masse s’engage politiquement, il s’agit d’un engagement politicien ou l’intérêt public ne sert que de couverture à la défense d’intérêts privés … A ce sujet il y aurait beaucoup à dire sur l’exercice des pouvoirs dans le secteur associatif où le pouvoir devient non pas exercice d’une autorité mais un autoritarisme qui, s’il n’apporte pas toujours des « bénéfices » financiers, est source de bénéfices « personnels » gratifiants pour l’ego. C’est un aspect de la démoralisation : le dévouement comme moyen de profits personnels. Toutes ces dérives étant rendues possibles par l’absence d’esprit critique (résistant) chez la majorité des membres des structures de contrôles (C.A…)


    [3] Il ne faut pas oublier que la civilisation est nécessaire à la culture à laquelle elle doit fournir un cadre sécuritaire permettant une activité globale qui soit libre et gratuite … Une activité sans aucune interférence extérieure. Le but de l’homme total serait une forme d’homme ludique, qui possède « un grand style » lui permettant une activité libre et gratuite.


    [4] La révolte des masses » p.125


    [5] Les révolutions furent toujours trahies, à des degré plus ou moins violents, nous y reviendrons, il y a toujours un effet de balancier et ce ne sont pas touojurs les contre révolutionnaires qui sont les plus dangereux mais bien les révolutionnaires qui s’institutionnalise et qui deveinnet des hommes de pouvoir … On peut estimer qu’en France toutes les révolutions furent trahies …il serait intéressant de développer la trahison de Mai 68 qui perce au Grand jour avec les Gauchistes sensibles au sirènes sarkoziennes.


    [6] Id.p.123


    [7] Pour nous parcourir le chemin, c’est l’oeuvrant : il n’y a aucun but à atteindre, aucune révélation à réaliser : il s’agit d’œuvrer, c’est la seule façon de vivre pleinement.


    [8] « La révolte des masses » p.69-70


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:47

    Suite:



    Un individualisme humaniste est-il possible ?

    Les propositions pour un individualisme humaniste sont diverses : nous avions déjà noté l’importance prise par le protestantisme comme le souligne Alain Laurent

    * « En proclamant le droit universel au libre examen et en faisant de la vie intérieure le lieu privilégié où se décide le salut de l’âme, le protestantisme n’a d’ailleurs pas peu contribué à la diffusion d’une culture individualiste centrée sur le principe d’autodétermination. »

    * En théorie le marxisme à pour finalité l’évènement de l’homme total et Jaurès déclare « Le socialisme est un individualisme logique et complet »

    * Durkheim, lui-même, en tant qu’un des pères fondateurs de la sociologie, estime qu’« Il faudrait montrer que l’individualisme, quoi qu’on fasse, est notre seule fin collective ; que loin de nous disperser, il est le seul centre possible de ralliement… »

    * De même Sartre proclame que « l’existentialisme est un humanisme », alors que Simonne de Beauvoir et Camus proposent un individualisme humaniste à vocation universelle.

    L’individualisme humaniste ne peut être assimilé à de l’égoïsme

    « L’individualisme, bien entendu, n’est pas l’égoïsme, mais la pitié et la sympathie pour l’homme »

    « L’individualisme ainsi entendu c’est la glorification non du moi, mais de l’individu en général. Il a pour ressort non l’ego, mais la sympathie pour tout ce qui est homme (…), une soif ardente de justice. Sans doute il peut arriver que l’individualisme soit pratiqué dans un tout autre esprit (…) mais cette exploitation abusive de l’individu ne prouve rien contre lui » Durkheim[1]

    L’individualisme, en un mot, passe par la reconnaissance de l’autre comme représentant de l’espèce humaine et tout le problème est de comment passer d’un individualisme spontané (égoïste) à un individualisme qui se veut être un individualisme humaniste donc social. Ce n’est qu’en s’ouvrant au monde et aux autres que l’on peut ressentir la nécessité de la « socialité ». Ce n’est qu’en oeuvrant, en exprimant la totalité de son être en se créant soi même que l’on peut avoir l’intuition du monde, c'est-à-dire passer d’une culture close qui est toujours défensive et faite d’hostilité à une culture ouverte, il s’agit selon l’expression d’Alain Laurent d’inventer en permanence cette société ouverte : « C’est cette société ouverte qui est à inventer et à (re)composer selon un mot d’ordre qui serait moins « chacun pour soi et la société pour tous » que « chacun par soi et la société c’est nous [2]». Ce qui implique une société où la cas général est le « droit de » et non le « droit à »[3] ; le « droit de » confère une autonomie alors que le « droit à » induit une certaine forme de dépendance qui entrave l’autonomie (la souveraineté individuelle). C’est pourquoi Jacques Donzelot[4] pense que « l’État providence » doit maintenant faire place à « l’État animateur » seul capable, selon lui, de « provoquer la négociation en son sein du rapport entre l’autonomie de chacun et la responsabilité de tous… »




    [1] Lettre à C.Bouglé


    [2] De l’individualisme p.116


    [3] Cf. le proverbe chinois qui « Lorsqu’un homme a faim ne lui donne pas du poisson, apprend lui à pêcher».


    [4] Dans son livre « l’invention du social », Jacques Donzelot montre que l’État providence a « dévitalisé » la société. Il a réduit l’initiative et la responsabilité. Entre lui-même (qui dispense tous les biens) et l’individu (assisté) il a fait le vide.


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:48

    Suite:


    Le rôle de l’individualisme révolutionnaire serait donc d’inventer la société ouverte, qui permette à chacun d’exercer ses « droits de[1] » ; inventer la société historique, sans commencement ni fin, où vivre une histoire permanente où l’homme dans des rapports d’écologie généralisée avec lui-même, les autres et le monde invente sans cesse des réponses aux interrogations que posent ses actions.

    C’est cela l’autonomie : la capacité de créer ses rapports à soi (le souci de soi) les rapports aux autres[2] et les rapports au monde afin de trouver son (grand) style, son aisance à vivre « … l’autonomie n’a rien de commun avec ce quant à soi où l’on est ce que l’on a ; avec cet individualisme où l’on revendique son aliénation comme un bien inaliénable… [3]»

    Il s’agit bien de réinventer l’individualisme qui, face aux transformations technologiques et politiques, semble être la seule façon de dérégler les pouvoirs à vocation totalitaire, comme semble l’exprimer Roland Barthes « Je crois maintenant que le seul marginalisme vraiment conséquent, c’est l’individualisme. Mais il faut reprendre cette notion d’une façon nouvelle (…) Celui qui vivrait son individualisme radicalement aurait une vie difficile ? Pourtant il y a des possibilités de renaissance pour un individualisme qui ne serait pas petit-bourgeois, mais plus radical et plus énigmatique. » ; et comme l’indique Alain Jouffroy « Le problème le plus important en politique, c’est de trouver le moyen d’empêcher que ceux qui n’ont aucune part au gouvernement ne deviennent la proie de ceux qui nous gouvernent. »

    L’individualisme le plus radical, le plus énigmatique ne serait- ce pas être le créateur de sa propre vie : l’exigence d’être soi … l’individu révolutionnaire serait créateur de son moi. La culture c’est l’homme s’auto-créant, mais pas ex nihilo, il appartient à un monde que sa seule présence modifiera. Si bien que toute présence au monde exige une morale qui est respect de l’être : je suis le gardien de l’être.

    La création du moi ne saurait être un comportement révélé (ce qui invalide toute notion de guide, de chef, de modèle)

    … Il n’y a pas de modèle d’autonomie possible, l’autonomie cela se vit et l’autonomie des autres ne m’apporte rien si ce n’est parfois, me donner l’envie de devenir moi même autonome (l’exemplarité de l’aisance, du savoir-vivre créatif qui ne peut se transmettre, il peut seulement donner envie de soi aussi créer son style. c’est un comportement qui ne tend pas vers un but externe à soi, qui n’est pas imitation. La dignité humaine est dans la créativité morale … jusqu’ici cet individualisme créateur fut toujours le fait de minorités (les phares de la pensées, les frères voyants…) Il s’agissait d’une aristocratie non-conformiste (ce qui n’avait rien à voir avec l’aristocratie institutionnelle[4]). L’idéal pour une démocratie serait que chacun puisse y vivre en aristocrate (être créateur de soi et de ses valeurs) c’est ce que nous montrerons, par la suite, l’individualisme révolutionnaire tendrait a la disparition de l’art et des artistes, car l’art reste une activité séparée réservée à des spécialistes, alors qu’il s’agit d’instaurer un art de vivre de l’homme total. C’est pourquoi les modèles de l’individualisme humaniste ne peuvent être retenus comme tels malgré leur intérêt car le propre de l’individualisme est d’être il n’admet aucune définition car il est toujours vivant (en mouvement).révolutionnaire et






    [1] Dont le principal est le droit de créer. Mais il ne faut pas oublier qu’un droit sans moyens n’est rien … Aujourd’hui les résistances passent par la lutte pour les moyens de disposer de temps libres nécessaire à l’expression « globale » de soi.


    [2] Ce qui pose la question du vivre ensemble Cf. le séminaire de Roland Barthes « Vivre ensemble »


    [3] Raoul Vaneigem Le livre des plaisirs 1979


    [4] Nombre d’aristocrates, sont des aristocrates de masse.


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:52

    SUITE:


    Les révolutions sont trahies par la mise en place d’un Golem idéologique qui, prenant son indépendance, finit par être plus oppressif que le pouvoir contre lequel se fit la révolution. C’est pourquoi la lutte révolutionnaire est selon Jouffroy toujours double : la lutte se mène aussi en soi-même « … l’individu révolutionnaire est cet homme qui commence à savoir qu’il est double, et que la même lutte se livre aussi bien en lui que hors de lui. [1]». Lors de l’intervention sur la mort du politique j’avais parlé de démocratie intérieure … avant d’être démocrate sur le plan social il faut déjà faire vivre en harmonie ses différents « moi(s) » (ses différents « rôles »). Cette harmonie c’est le style. Cette démocratie interne (cette harmonie) est nécessaire à la volonté de puissance qui est cette énergie potentielle qui nous oblige à agir pour être cet être unique, en harmonie avec soi-même, avec les autres et avec le monde.

    « La volonté de puissance, ce n’est pas la volonté d’avoir du pouvoir, mais comme dit (…) Nietzsche, c’est la « volonté de la volonté », la volonté qui se veut elle-même, qui veut sa propre force, et qui ne veut pas, en revanche, être affaiblie par les déchirements internes, les culpabilités, les conflits mal résolus. Elle se réalise donc seulement par et dans le « grand style », dans des modèles de vie au sein desquels on pourrait enfin en finir avec les peurs, les remords et les regrets, tous ces tiraillements internes qui nous épuisent, qui nous « alourdissent » et nous empêchent de vivre avec la légèreté et l’innocence d’un « danseur ».[2] »

    Le véritable révolutionnaire serait donc celui qui atteint le grand style et qui a le « geste libre » et qui se bat contre tout ce qui peut entraver cette liberté. Comme le dit Luc ferry « Il s’agit plutôt de se représenter ce que serait une vie qui prendrait pour modèle le « geste libre », le geste du champion ou de l’artiste qui compose en lui la plus grande diversité pour parvenir dans l’harmonie à la plus grande puissance, sans effort laborieux, sans déperdition d’énergie. Telle est au fond, la «vision morale » de Nietzsche, celle au nom de laquelle il dénonce toutes les morales réactives, toutes celles qui depuis Socrate, prônent la lutte contre la vie, son amoindrissement.[3] »

    L’individualiste révolutionnaire est un artiste dont l’œuvre est sa vie.

    Se pose la question de l’articulation de l’individu et de la révolution. Pour Alain Jouffroy

    « L’enjeu de l’individualisme révolutionnaire consiste, en effet, à dévoiler comment les révolutions intellectuelles, politiques et artistiques, loin de surgir toutes vaillantes du social et du collectif comme la cuisse de Jupiter, naissent d’individus, pour la plupart rebelles, assoiffés de vie et d’immense liberté, qui prétendent pouvoir penser par eux-mêmes, ne dépendre que de leurs désirs, de leurs volontés, désobéir aux lois et aux principes qu’ils récusent, échapper à toute vindicte, à toute morale autoritaire, et dont l’opinion publique ne constitue, en rien, jamais et nulle part, ni la boussole ni , moins encore, le bréviaire ou le guide.[4]

    L’individualisme révolutionnaire, qui m’a semblé jusqu’à présent qu’une utopie marginale, parce qu’il s’opposait à l’individualisme majoritaire, égoïste et donc apolitique, est devenu, de toute évidence, le seul horizon ouvert de toute liberté personnelle en acte. »

    « L’individu le plus individualiste, celui qui s’oppose à toute fixation de sa pensée dans un cadre idéologique préétabli, celui qui croit à la subversion de la pensée individuelle quant elle rompt avec ses dernières illusions solipsistes, celui qui veut marquer chacune de ses idées, chacun de ses gestes du sceau parlant et signifiant de la différence, cet individu que l’on a jusqu’alors considéré comme l’ennemi potentiel, ou réel, de toute révolution collective, représente au contraire le noyau inéliminable de cette révolution.[5] » p. 160

    L’individu fait place au peuple « L’individu fait place au peuple comme la mort fait place aux nouveau-nés, il est la négation nécessaire du peuple[6] ». Nous avions nous-mêmes lors des deux dernières interventions opté pour la notion de multitude qui est finalement composée d’individus.»

    C’est la lucidité de l’individu sur sa condition qui nourrit son comportement révolutionnaire « « L’individualisme révolutionnaire n’est rien d’autre, pour l’individu, que la forme la plus aiguë de sa lucidité.[7] »




    [1] Id. p.24


    [2] Luc ferry « Apprendre à vivre » p.205


    [3] Id. p.207-208


    [4] L’individualisme révolutionnaire p.10-11


    [5] Id p.160


    [6] Id. p-26


    [7] Id. p.26


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:53

    Suite:


    L’originalité politique des individus révolutionnaires c’est qu’il n’y a pas délégation (pas de représentativité) « Personne ne les délègues, ils ne représentent que l’avenir possible du peuple, non pas le peuple. [1] », Ce sont des éclaireurs, des frères voyants, des phares, des enseignants d’un type particulier car selon Alain Jouffroy « Chaque homme qui change sa vie, qui invente son langage, peut devenir un enseignant[b][2], doit être considéré comme tel ...[3] » [/b]et comme le dit Alain Jouffroy des dadaïstes « l’humanité n’est pas l’ennemi, mais la société telle qu’elle est organisée. » C’est en vivant intensément des moments de plénitude qui donnent une cohérence à sa vie au-delà de toutes les activité s séparées, dans l’oeuvrant que l’individu révolutionnaire joue » son rôle et ses relations aux autres échappant à toutes hiérarchies sont parties intégrantes de cette cohérence. « Il ne s’agit rien de moins que de découvrir une cohérence inconnue entre des contradictions jugées définitivement insurmontables par la plupart des spécialistes de l’économie, de la sociologie et de la politique. [4]»




    [1] Id. p.23


    [2] Cf. Jaurès : « On n’enseigne pas ce que l’on sait mais ce que l’on est.»


    [3] L’individualisme révolutionnaire


    [4] Id. p.51


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Lun 15 Oct 2007, 16:57

    SUITE et Fin


    Il n’y a aucun rapport hiérarchique avec les autres c’est dans l’amour et l’amitié que l’individu révolutionnaire va vivre avec les autres «L‘individualisme révolutionnaire, qui s’oppose à la fois à l’individualisme dictatorial, au narcissisme et à la fermeture sur soi des individus contemporains, cherche dans l’amour comme dans l’amitié, à multiplier les nouvelles complicités, qui fondent toute association dont le but est de favoriser une révolution… [1]»

    Comme nous l’avons répété à satiété, nous pensons que l’originalité profonde de l’individu révolutionnaire est dans l’ « oeuvrant », c'est-à-dire qu’il crée sa vie, c’est un artiste qui a un grand style de savoir vivre. Ses relations aux autres sont des relations de complicité, l’artiste ne se donne pas en modèle mais sa présence est une incitation à œuvrer soi-même et ce n’est pas une des moindres contradictions de l’artiste révolutionnaire (qui peut être sans œuvre, l’œuvre n’est que secondaire) c’est qu’il œuvre à la disparition de toutes les activités séparées, y compris la sienne. La révolution contemporaine serait ; compte tenu des révolutions technologique la nécessité et la possibilité de devenir créateur de sa propre vie. De devenir l’artiste de soi-même. C’est ainsi qu’Alain Jouffroy parle de la révolution du regard « La révolution du regard dont je parle depuis 1960, qui tend à renverser le pouvoir de l’« artiste créateur » au bénéfice de tous les « regardeurs », cette révolution mentale dont parle Marcel Duchamp et l’orientation de quelques peintres, poètes et cinéastes, m’ont aidé à rendre plus apparente et plus décisive que l’ « originalité » des œuvres d’art proprement dites, l’heure est maintenant venue d’en tirer des conséquences pratiques.[2] » Il appelle à la mort de l’œuvre d’art « « La mort de l’œuvre d’art – comme le fut celle de Dieu – est une chance : elle ouvre tous les possibles en nous libérant d’une hantise de spécialisation séparatrice.[3] »

    Mais « cours camarade le vieux monde est derrière toi », comment œuvrer à cette révolution de l’art commencement de toute activité révolutionnaire ? Il y a d’abord une contradiction qui est régulièrement dénoncé par les tenant de l’ordre la liberté des artiste les mènent à dénoncer l’absence de liberté « C’est le paradoxe de l’individu révolutionnaire que de montrer plus de liberté et d’indépendance pour dénoncer le manque de liberté et d’indépendance. [4]» Que chacun devienne l’artiste (l’artisan) de sa propre vie nécessite un grand saut dans l’inconnu, découvrir sa vie au fur et à mesure que l’on avance, créer sa vie ce n’est pas la maîtriser a priori, c’est l’inventer au fur et à mesure. Si bien qu’actuellement le rôle de l’individu révolutionnaire est de faire la révolution dans la révolution, c’est à dire d’avoir un art de vivre qui soit un grand style et qui en tant que tel est harmonie à soi, aux autres et au monde. « De l’abolition de l’art à l’individualisme révolutionnaire, c’est le désert intégral qu’il faut traverser. Et pourtant nous sommes là, nous vivons, nous allons tout redécouvrir dans l’obscurité, tout réapprendre dans l’ignorance. Mais il faut que nous décidions enfin de ne plus tout recommencer. .. Le seul art qui reste à réinventer c’est l’art de faire la révolution.[5] »

    Cette révolution, cette abolition de l’art, cette autonomie devrait aboutir à ce que « … rien ne suffise plus jamais à personne. Pas même le renversement de l’autorité. »

    BERNARD RAME Sociologue Université du Havre Octobre 2007




    [1] Id. p.49


    [2] Id. p. 147


    [3] Id. p. 152


    [4] Id ; p.161


    [5] Id. p.165





    Bonne Lecture, le débat est ouvert



    Jean Claude Un texte d'un Ami et Collégue 36_11_3 Un texte d'un Ami et Collégue 11_12_12











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    Message par Karma Yeshé Gyatso Mar 16 Oct 2007, 10:52

    LE STIRNERISME



    C’est à Bayreuth, en Bavière, le 25 octobre 1806, que Max Stirner vit le jour.
    Ce ne fut pas un écrivain d’une fécondité extraordinaire, les soucis de
    l’existence l’accaparèrent trop. De ses écrits, un seul a surnagé, un volume où il s’est livré tout entier, où il a exprimé toute sa pensée et a essayé
    d’indiquer une voie d’issue aux hommes de son temps : L’Unique et sa Propriété.
    ***
    Il y a Stirner et son oeuvre, il y a L’Unique et sa Propriété et le «
    Stirnérisme ». Il est arrivé qu’en s’adressant aux hommes de son temps,Max Stirner s’est adressé aux hommes de tous les temps, mais sans assumerl’allure de prophète tonnant théâtralement du fond de sa caverne, que Nietzsche savait si bien prendre. Stirner ne se présente pas non plus à nous comme un professeur enseignant ses élèves : il parle à tous ceux qui viennent l’entendre, tel un conférencier ou un causeur qui a rassemblé autour de lui un auditoire de toutes les catégories, manuelles comme intellectuelles.
    Aussi, pour comprendre la portée du Stirnérisme, faut-il retrancher de l’Unique et sa Propriété tout ce qui est relatif à l’époque où ce livre a été écrit. Sans ce travail préparatoire, la tentation risque de venir au lecteur qu’il se trouve en présence d’une confession ou d’un testament philosophique. Cet étayage fait, on a devant soi un arbre robuste et bien planté, une doctrine parfaitement cohérente et on ne s’étonne plus qu’elle ait donné naissance à tout un mouvement.
    Le Stirnérisme considère que l’unité humaine est la base et l’explication de
    l’humanité ; sans l’humain pas d’humanité, la totalité ne se comprend que par l’unité. Autant s’arrêter tout de suite si l’on ne s’assimile pas ces prémisses. Cette unité sociologique n’est pas un être en devenir ni un surhomme, mais un homme comme vous et moi que son déterminisme pousse à être comme il doit être, comme il peut être - rien de plus ni de moins que ce qu’il a la force ou le pouvoir d’être, Mais l’homme que nous connaissons est-il bien ce que son déterminisme le voulait, en d’autres termes : est-il ce qu’il devait, ce qu’il pouvait être ? Cet homme que nous côtoyons dans les lieux de plaisir ou de travail, est-il un produit naturel ou une confection artificielle, est-il volontairement l’exécuteur du contrat social ou ne s’y conforme-t-il que parce qu’éducation, préjugés et conventions de toute espèce lui bourrent le crâne ?

    C’est ce problème que le Stirnérisme va s’appliquer à résoudre. Premier temps !Pour replacer l’individu dans son déterminisme naturel, le Stirnérisme se met à ébranler tous les piliers sur lesquels l’homme de notre temps a édifié sa masure de membre de la Société : Dieu, Etat, Église, religion, cause, morale, moralité, liberté, justice, bien public, abnégation, dévouement, loi, droit divin, droit du peuple, piété, honneur, patriotisme, justice, hiérarchie, vérité, bref les idéaux de toute espèce. Ces idéaux, ceux du passé, comme ceux du présent, ces idéaux sont des fantômes embusqués dans « tous les coins » de sa mentalité, qui se sont emparés de son cerveau, s’y sont installés et empêchent l’homme de
    suivre son déterminisme égoïste.
    Les préjugés-fantômes battant en retraite les uns après les autres, les piliers de sa foi et de ses croyances croulant successivement, l’individu se retrouve seul. Enfin, il est lui, son Moi est dégagé de toute la gangue qui le comprimait et l’empêchait de se montrer tel que. La table rase a été faite, les nuages qui obscurcissaient l’horizon ont disparu, le soleil brille de tout son éclat et la route est libre. L’individu ne connaît plus qu’une cause : la sienne, et cette cause, il ne la base sur rien d’extérieur, sur aucune de ces valeurs fantômales dont, auparavant, son cerveau était farci. Il est l’égoïste dans le sens absolu du mot : sa puissance est désormais sa seule ressource. Toutes les règles extérieures sont tombées ; il est délivré de la contrainte intérieure, bien pire que l’impératif extérieur ; force lui est maintenant de chercher en lui seul et sa règle et sa loi. Il est l’Unique et il s’appartient, en toute propriété. Il n’est pour lui qu’un droit supérieur à tous les droits : le droit à son bien-être. « La peine doit disparaître pour faire place à la satisfaction ».
    Pensez donc où l’Unique en est arrivé ! Pas une vérité n’existe en dehors de lui. Il ne fait rien pour l’amour de Dieu ou des hommes, mais pour l’amour de soi. Il n’y a entre son prochain et lui qu’un rapport : celui de l’utilité ou du
    profit. C’est de lui seul que dérivent tout droit et toute justice. Ce qu’il
    veut, c’est ce qui est juste. Foin donc de toute cause qui n’est pas la sienne !
    Il est lui-même sa cause et n’est ni « bon », ni « mauvais » (ce sont là des mots). Il se déclare l’ennemi mortel de l’Etat et l’irrespectueux adversaire de la propriété légale.
    Quelques citations tirées de l’Unique et sa Propriété feront comprendre que
    Stirner n’a rien épargné et qu’aucune idole n’a trouvé grâce à ses yeux :

    « Toujours un nouveau maître est mis à la place de l’ancien, on ne démolit que pour reconstruire et toute révolution est une restauration. C’est toujours la différence entre le jeune et le vieux philistin. La révolution a commencé en petite-bourgeoise par l’élévation du Tiers-Etat, de la classe moyenne, et elle monte en graine sans être sortie de son arrière-boutique. »

    « S’il vous arrivait, ne fut-ce qu’une fois, de voir clairement que le Dieu, la loi, etc.., ne font que vous nuire, qu’ils vous amoindrissent et vous corrompent, il est certain que vous les rejetteriez loin de vous, comme les chrétiens renversèrent, jadis, les images de l’Apollon et de la Minerve et la morale païenne. »

    « Tant qu’il reste debout une seule institution qu’il n’est pas permis à
    l’individu d’abolir, le Moi est encore bien loin d’être sa propriété et d’être autonome. »


    Dernière édition par le Mar 16 Oct 2007, 11:04, édité 1 fois


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    Message par Karma Yeshé Gyatso Mar 16 Oct 2007, 10:53

    SUITE

    « La culture m’a rendu PUISSANT, cela ne souffre non plus aucun doute. Elle m’a donné un pouvoir sur tout ce qui est force, aussi bien sur les impulsions de ma nature que sur les assauts et les violences du monde extérieur. Je sais que rien ne m’oblige à me laisser contraindre par mes désirs, mes appétits et mes passions, et la culture m’a donné de les vaincre : je suis leur MAÎTRE. »

    « Celui qui renverse une de ses BARRIERES peut avoir par là montré aux autres la route et le procédé à suivre ; mais renverser leurs BARRIÈRESreste leur affaire. »

    « On se contenta pendant longtemps de l’illusion de posséder la vérité, sans qu’il vînt à l’esprit de se demander sérieusement s’il ne serait pasnécessaire, avant de posséder la vérité, d’être soi-même vrai ».

    « Celui qui doit, pour exister, compter sur le manque de volonté des autres, est tout bonnement un produit de ces autres, comme le maître est un produit du serviteur. Si la soumission venait à cesser, c’en serait fini de la domination. »

    « Pour l’homme qui pense, la famille n’est pas une puissance naturelle, et il doit faire abstraction des parents, des frères, des soeurs, etc... »

    Sur quels rivages son déterminisme poussera-t-il l’égoïste chez lequel il a été fait table rase des préjugés-fantômes ? Et voici le deuxième temps du
    Stirnérisme.Tout bonnement vers les rivages de l’union, de l’association... Mais une union contractée volontairement, une association d’égoïstes que ne hanteront pas les fantômes du désintéressement, du dévouement, du sacrifice, de l’abnégation. etc... Une association d’égoïstes où notre force individuelle s’accroîtra de toutes les forces individuelles de nos co-associés, où l’on se consommera, où l’on se servira mutuellement de nourriture. Une union dont on se servira pour ses propres fins, sans que vous trouble l’obsession « des devoirs sociaux ». Une association que vous considérerez comme votre propriété, votre arme, votre outil et que vous quitterez quand elle ne vous sera plus utile.

    Mais qu’on ne s’imagine pas que l’association, si elle permet à l’individu de se réaliser par elle, n’exige rien en échange.Certes, l’association stirnérienne ne se présente pas comme une puissance spirituelle supérieure à l’esprit de l’associé - l’association n’existe que par les associés, elle est leur création ; mais voici : pour qu’elle remplisse son but, pour qu’on y échappe « à la contrainte inséparable de la vie dans l’Etat ou la société » il faut bien comprendre que n’y manqueront pas « les restrictions à la liberté et les obstacles à la volonté ». « Donnant, donnant ». Egoïste, mon ami, tu consommeras les autres égoïstes, mais à condition d’accepter de leur servir de nourriture. Dans l’association stirnérienne, on peut même se sacrifier à autrui, mais non en invoquant le caractère sacré de l’Association ; tout bonnement parce qu’il peut vous être agréable et naturel de vous sacrifier.

    Le stirnérisme reconnaît que l’Etat repose sur l’esclavage du travail ; que le travail soit libre et l’Etat est aussitôt détruit. (Der Staat beruht auf der Sklaverei der Arbeit. Wird der Arbeit frei, so ist der Staat verloren) : voilà pourquoi l’effort du travailleur doit tendre à détruire l’Etat, ou à s’en passer, ce qui revient au même.

    Troisième temps. Reste la façon dont l’égoïste ou l’Association des égoïstes réagira contre les habiles et les rusés qui usent à des fins de domination et d’exploitation des fantômes qui ont pris possession des cerveaux deshommes. Le Stirnérisme n’entend pas jouer le rôle de l’Etat après l’avoir détruit ou avoir clamé son inutilité, forcer ceux qui ne le veulent ou ne le peuvent à former des associations d’égoïstes. Le Stirnérisme ne préconise pas la révolution. Le Stirnérisme n’est pas synonyme de messianisme. Contre ceux qui possèdent et exploitent au point de ne laisser aux exploités ni pain à manger, ni lieu où reposer leur tête, ni de leur payer le salaire intégral de leur effort, l’insurrection est de mise, la rébellion convient. Il y a des biens improductifs au soleil, des coffres-forts pleins à déborder, que diable ! Et pas de sentimentalisme quand il s’agit d’affirmer son droit individuel ou associé au bien-être. L’ego guidé par la conscience de soi, ne saurait s’embarrasser de scrupules qui pouvaient hanter les hommes aux cerveaux habités par des fantômes.


    « La révolution ordonne d’instituer, d’instaurer, l’insurrection veut qu’on se soulève ou qu’on s’élève. »

    « Je tourne un rocher qui barre ma route jusqu’à ce que j’aie assez de poudre pour le faire sauter ; je tourne les lois de mon pays tant que je n’ai pas la force de les détruire. »

    « Un peuple ne saurait être libre qu’aux dépens de l’individu, car sa liberté ne touche que lui et n’est pas l’affranchissement de l’individu ; plus le peuple est libre, plus l’individu est lié. C’est à l’époque de la plus grande liberté que le peuple grec établit l’ostracisme, bannit les athées et fit boire la ciguë au plus probe de ses penseurs. »

    « Adressez-vous donc à vous-mêmes, plutôt qu’à vos dieux ou à vos idoles : découvrez en vous ce qui est caché, amenez-le à la lumière et révélez-le. »

    Telle est l’essence du message que Max Stirner, en le délivrant aux hommes de son temps, adresse aux hommes de tous les temps.
    Nous avons dit qu’en Stirner il y avait l’homme et l’oeuvre. Après avoir parlé
    de la doctrine, parlons de son fondateur. Stirner n’est que le nom de plume de Johann Caspar Schmidt et ce surnom n’est qu’un sobriquet, dû au front (Stirn en allemand) développé de l’auteur de l’Unique et sa Propriété et qu’il a conservé pour ses écrits.
    Un des épisodes de la vie de Stirner qui retient le plus notre attention est sa fréquentation, dix ans durant, du club des « Affranchis », groupement
    d’intellectuels animés des idées libérales des esprits avancés d’avant 48. Ils
    se réunissaient dans une brasserie et dans l’atmosphère enfumée des longues pipes de faïence, discutaient sur toutes sortes de sujets : théologie (le livre de Strauss sur Jésus venait alors de paraître), littérature, politique (la révolution de 48 était proche). Ce fut en 1843 que Max Stirner, l’homme d’aspect impassible, d’un caractère fort et concentré en soi, épousa en secondes noces une Mecklembourgeoise, rêveuse et sentimentale, assidue elle aussi du club des « Affranchis », Marie Daehnhardt. Pourtant, leur union ne fut pas heureuse. L’incompréhension mutuelle des deux époux et les calomnies insinuant que Stirner cherchait un profit dans ce mariage par la dot de sa femme, amenèrent la rupture
    en 1845.
    Stirner continua à produire. L’Unique et sa Propriété date de la fin de 1844. Il a successivement publié de 1845 à 47 une traduction allemande des
    maîtres-ouvrages de J.-B. Say et d’Adam Smith avec notes et remarques en 8 volumes en 1852, une « Histoire de la Réaction » en deux volumes, toute de sa plume ; en 1852 encore, la traduction d’un essai de J.-B. Say sur le capital et l’intérêt, avec des remarques... Puis, il ne publia plus rien. Ses dernières années furent miséreuses. Réduit à gagner son pain comme il le pouvait, isolé, emprisonné deux fois pour dettes, il succomba en 1856 à, une infection charbonneuse dans un garni. De nouvelles recherches de mon ami John-Henry Mackay, mort en mai 1933, semblent attester que la fin de son existence ne fut ni si misérable ni si dépourvue d’amitié qu’on l’a cru tout d’abord.
    ***
    Revenons à l’oeuvre de Stirner. Un des passages les plus remarquables de L’Unique et sa Propriété est celui où il définit la bourgeoisie par rapport aux
    déclassés. Cette citation est la meilleure réponse à faire à ceux qui voient
    dans Stirner et ses continuateurs des individualistes bourgeois :

    « La bourgeoisie se reconnaît à ce qu’elle pratique une morale étroitement liée à son essence. Ce qu’elle exige avant tout, c’est qu’on ait une occupation sérieuse, une profession honorable, une conduite morale. Le chevalier d’industrie, la fille de joie, le voleur, le brigand, et l’assassin, le joueur, le bohème sont immoraux, et le brave bourgeois éprouve à l’égard de ces « gens sans mœurs » la plus vive répulsion. Ce qui leur manque à tous, c’est cette espèce de droit de domicile dans la vie que donnent un commerce solide, des moyens d’existence assurés, des revenus stables, etc... ; comme leur vie ne repose pas sur une base sûre, ils appartiennent au clan des « individus » dangereux, au dangereux prolétariat : ce sont des « particuliers » qui n’offrent aucune garantie et n’ont « rien à perdre » et rien à risquer. »

    « Tout vagabondage déplaît d’ailleurs au bourgeois, et il existe des vagabonds de l’esprit, qui, étouffant sous le toit qui abritait leurs pères, s’en vont chercher au loin plus d’air et plus d’espace. Au lieu de rester au coin de l’âtre familial à remuer les cendres d’une opinion modérée, au lieu de tenir pour des vérités indiscutables, ce qui a consolé et apaisé tant de générations avant eux, ils franchissent la barrière qui clôt le champ paternel, et s’en vont par les chemins audacieux de la critique, où les mène leur indomptable curiosité de douter. Ces extravagants vagabonds rentrent eux aussi dans la classe des gens inquiets, instables et sans repos que sont les prolétaires, et quand ils laissent soupçonner leur manque de domicile moral, on les appelle des « brouillons », des « têtes chaudes » et des « exaltés ».

    « On pourrait réunir sous le nom de vagabonds conscients tous ceux que les
    bourgeois tiennent pour suspects, hostiles ou dangereux. »

    Stirner n’est pas descendu vers le peuple, comme les Bakounine, les Kropotkine, les Tolstoï, par exemple. Ce n’est pas un producteur massif comme Proudhon aux préjugés de bourgeois moyens et généreux ; ce n’est pas un savant comme Reclus( Compagnon d'Alaxandra David NEEL), doublé d’un esprit de bonté évangéliste ; ni un aristocrate comme Nietzsche ; c’est l’un de nous. C’est un homme qui ne se trouva jamais nanti d’une position sûre et profitable ou renté. Il connut la nécessité de pratiquer les métiers les plus divers pour se subvenir. La gloire qui entoure les proscrits célèbres, les militants révolutionnaires ou les chefs d’école, lui fut inconnue. Il dut se débrouiller comme il le pouvait et au lieu des marques de considération que la bourgeoisie décerne, malgré tout, à certains illustres révolutionnaires, il n’en reçut que les rebuffades dont elle accable les individus sans situation et sans garantie.
    Instruit par ses propres expériences, Stirner a donc tracé du bourgeois un
    portrait beaucoup plus frappant que ne le fit plus tard Flaubert qui se plaçait uniquement au point de vue esthétique.
    Pour Stirner, la caractéristique du monde bourgeois c’est de posséder une occupation sérieuse, une profession honorable, de la moralité, bref ce qui
    constitue un droit de domicile dans la vie. Le bourgeois peut être ouvrier ou rentier, se dire républicain, radical, socialiste, syndicaliste, communiste,
    voire anarchiste ; il peut appartenir à une Loge, à la Ligue des Droits de
    l’Homme, à un Comité électoral socialiste, à une cellule communiste ; il peut
    même payer sa cotisation à un parti révolutionnaire. Tant que sa vie repose sur une base sûre, tant qu’il offre des garanties morales, bourgeois il est et bourgeois il reste.

    En Allemagne même, ce ne fut qu’au bout de cinquante ans que parut une seconde édition de L’Unique et sa Propriété (1882). En 1893, la grande maison d’éditions Reclam, de Leipzig, éditait ce livre dans sa Bibliothèque Populaire. C’était le rendre accessible à tous. En 1897, John-Henry Mackay, qui s’est donné tant de mal pour retrouver des traces de Stirner et dissiper le mystère qui couvre sa vie, publiait la première édition de Max Stirner, sein Leben und sein Werk.En France, L’Unique et sa Propriété paraissait en 1900 en deux traductions, celle de Robert L. Reclaire, chez Stock ; celle de Henri Lasvigne à la Revue Blanche (En 1894, Henri Albert avait traduit une partie de l’ouvrage au « Mercure de France » ; un peu plus tard, Théodore Randal avait fait de même dans les « Entretiens Politiques et Littéraires » et dans le « Magazine International »).
    En 1902, il était traduit en danois (avec préface de Georges Brandes), et en
    italien (avec préface d’Ettore Zoccoli) une deuxième édition italienne a paru en 1911 et a été réimprimée en 1920. En 1907, précédé d’une préface de l’auteur de la philosophie de l’Égoïsme, James Walker, il en paraissait une traduction anglaise par Steven T. Byington, éditée par Benjamin R. Tucker (sous le titre The Ego and his own). En 1912, L’Unique et sa Propriété avait, de plus, été traduit en russe (on compte huit éditions de cet ouvrage en cette langue, la septième traduite par Léo Kasarnowski, la dernière datant de 1920), en espagnol, en hollandais et en suédois. En 1930, ont paru deux traductions japonaises dont une bon marché par J. Tsuji. Je pense qu’il existe des traductions de l’Unique en d’autres langues. (J’ai entendu parler de la traduction de l’Unique en dix-huit langues, mais je n’ai pu vérifier).
    Sous le titre de Kleinere Schriften - petits écrits - John-Henry Mackay a réuni les études, articles, comptes rendus et réponses de Stirner à ses critiques parus de 1842 à 1848. Je connais une édition italienne de cet ouvrage, intitulée Scritti minori.

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    Un texte d'un Ami et Collégue Stirne10

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    Jean Claude





    Un texte d'un Ami et Collégue Sig


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    Le sot gagne t'il en intelligence,
    Elle ne fait que causer sa perte,
    détrusiant sa bonne fortune.
    Lui faisant eclater la tête

    Dhammapada

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