La réalisation de la Sagesse
Invités : Roland Yuno Rech et Lama Tcheuky
Présentation : Aurélie Godefroy
Réalisateur : Claude Darmon
Invités : Roland Yuno Rech et Lama Tcheuky
Présentation : Aurélie Godefroy
Réalisateur : Claude Darmon
EXTRAITS DE L'EMISSION
Dans la précédente émission, nous avons essayé de démontrer ce que représentait la notion de Sagesse dans le bouddhisme. Dans cette émission, il sera mis l'accent sur les moyens de sa réalisation et les chemins qui y mènent.
A.G. - Roland Rech, bonjour. Je rappelle que vous enseignez au dojo zen de Nice et que vous pratiquez le zen depuis trente cinq ans. Lama Tcheuky, bonjour. Vous êtes disciple de Bokar Rimpoché et vous dirigez les éditions Claire Lumière. Pour commencer cette émission, il est important de souligner que la sagesse n'est pas seulement un savoir, mais que, dans le bouddhisme, c'est également une pratique ?
Roland Rech : Oui, c'est surtout une manière de pratiquer qui fait que toutes les pratiques deviennent des pratiques d'Eveil. C'est pratiquer avec la conscience éclairée, notamment par la pratique de la méditation, du fait que notre propre ego est sans substance et que nous n'existons qu'en interdépendance avec tous les êtres. Avec cette conscience de la véritable nature de notre existence, toutes les autres pratiques deviennent l'actualisation de cette sagesse, la renforcent et la rendent réelle, c'est-à-dire pas un savoir, mais quelque chose qui anime notre vie. Par exemple, la pratique du don, qui est une pratique fondamentale dans le bouddhisme, peut être d'un certain point de vue, une pratique qui sert à accumuler de bons mérites, mais elle peut être aussi la pratique du lâcher prise d'avec notre avidité, d'avec notre désir de possession, qui est la manifestation la plus forte de notre ego.
A.G. : On est donc plus libre, d'une certaine façon ?
Roland Rech : Oui. Sagesse veut dire " libération " et il y a des chemins qui y conduisent. ..
A.G. : Quels sont ces chemins ?
Roland Rech : Dans l'école zen, c'est la pratique de la méditation, le zazen, qui est le chemin prioritaire, mais en fait c'est parce que nous considérons que le zazen inclut tous les autres chemins. Normalement, on peut dire qu'il y a trois grands chemins : l'éthique, les préceptes, la concentration et la sagesse. Dans le bouddhisme mahayana, on parle plutôt des six paramitas, que nous avons précédemment évoquées. Dans la pratique du zen, nous considérons que le zen n'est pas une de ces six paramitas bien qu'il en ait l'air dans la pratique de la méditation, mais qu'il est vraiment le cœur de la Sagesse, c'est-à-dire la pratique dans laquelle se réalise profondément la compréhension de la véritable nature de notre existence, et pas seulement une compréhension intellectuelle, mais une compréhension avec le corps, avec la respiration et une compréhension qui est actualisée, c'est-à-dire qu'en zazen, on ne s'attache à aucune pensée.
A.G. : Lama Tcheuky, vous êtes d'accord avec ce que vient de dire Roland Rech, ou est-ce qu'il y a des pratiques très spécifiques au bouddhisme tibétain ?
Lama Tcheuky : Dans le bouddhisme tibétain, on dira plutôt qu'il y a deux approches de la réalisation de la sagesse. L'une est ce qu'on appelle la voie directe, et l'autre, c'est la voie des moyens. La voie directe, c'est le chemin de la méditation au sens ordinaire. C'est la voie qui cherche à percer directement jusqu'à la réalité. La voie indirecte, la voie des moyens, est celle qui s'appuie sur la manifestation qu'on appelle pure, c'est-à-dire les sons purs que sont les mantras, le formes pures que sont les corps des divinités etc…
A.G. : La récitation des mantras est donc très importante dans le bouddhisme tibétain ?
Lama Tcheuky : C'est très important et les visualisations des divinités aussi. Mais pourquoi est ce que ce sont des formes pures, des sons purs ? Parce que ce sont des expressions de la réalité éveillée, ce sont des transmissions directement faites par le Bouddha ou par des êtres éveillés, et ainsi, si l'on utilise ces sons ou ces formes, c'est une grande force de transformation qui mène aussi à la réalisation de la sagesse.
A.G. : Comment peut-on réaliser cette méditation qui semble être la voie royale vers la sagesse ? Y a-t-il des étapes ?
Lama Tcheuky : Dans la méditation, on va dire qu'il y a trois étapes : La première étape, c'est d'apprendre simplement à se concentrer. Si on regarde notre esprit tel qu'il est ordinairement, il est extrêmement dispersé et cet esprit dispersé n'est pas un outil utilisable pour aller voir des choses très subtiles. On apprend à se concentrer, c'est une première étape. Une fois que l'on est concentré, il y a une deuxième étape, ce qu'on appelle la vision supérieure. C'est avec cette vision supérieure, forgée grâce à la concentration, que l'on peut regarder, avec une analyse très subtile, ce que nous sommes vraiment, ce que sont vraiment les phénomènes. Arrive la une troisième étape : on n'a plus besoin d'analyse, on est arrivé au bout de l'analyse et, à ce moment là, on dit que c'est l'union des deux premières étapes. C'est-à-dire que l'esprit est stable, et, en même temps qu'il est stable, il voit directement la véritable nature des choses. Mais on ne peut pas se passer de la première étape, car sinon notre esprit n'est qu'une grande confusion, et cette grande confusion est inutilisable.
A.G. : Quelles sont les qualités qui permettent dans la vie de concrétiser justement ces qualités pour appliquer la sagesse ?
Lama Tcheuky : Ce qui permet de soutenir le développement de la sagesse, ce sont principalement les qualités de dévotion et de compassion. Pour moi, la dévotion est extrêmement importante, car elle permet de se relier à ceux qui ont déjà réalisé cette sagesse. C'est un peu comme si on mettait une prise de courant, là où le courant arrive, c'est donc extrêmement important. La compassion est une aide aussi, parce qu'elle ouvre considérablement notre esprit.
A.G. : Comment cette sagesse peut-elle s'accomplir dans nos actes quotidiens, Roland Rech ? Pouvez vous me donner des exemples concrets de cet accès à la Sagesse ?
Roland Rech : Oui. La première chose, c'est de comprendre que la pratique de la voie n'est pas séparée de notre vie. Tout peut devenir une pratique de méditation et une pratique de sagesse. Par exemple, le travail. Dans les monastères zen, le travail est extrêmement important. C'est ce qu'on appelle le samu qui veut dire le service. Et travailler, notamment travailler physiquement, avec son corps, préparer la cuisine, faire le ménage, construire éventuellement des bâtiments, cultiver le jardin, etc, c'est à la fois concentrer notre énergie et notre attention, être totalement présent à l'instant, de faire les choses pour elles-mêmes, pas pour nous-mêmes, pas pour faire carrière, pas pour obtenir une rémunération importante, mais comme un don de notre temps, de notre énergie, pour la communauté, pour la collectivité. C'est l'actualisation de la sagesse, parce que c'est une manière d'actualiser le fait que nous n'existons pas séparément des autres, que notre véritable nature de Bouddha, c'est d'être UN avec tous les êtres. A ce moment là, le travail est une merveilleuse occasion d'actualiser cette sagesse et dans la vie de famille aussi. Parfois, on considère la famille comme un obstacle à la pratique de la voie. Moi, je considère que la famille peut être une merveilleuse occasion de pratique de l'amour, de la générosité, de la patience.
A.G. : Vous avez utilisé aussi un exemple très parlant, c'est celui de votre voiture, qui, pour vous, est un dojo ?
Roland Rech : Oui, pour moi, c'est l'occasion de la pratique de la patience. C'est une pratique que je trouve importante et avec laquelle j'ai parfois du mal. Au lieu de m'impatienter au volant, je me dis que je suis seul dans mon dojo, le dojo est le lieu de la pratique de la voie et j'observe comment je réagis par rapport aux embouteillages, par rapport aux infractions que peuvent faire les autres. J'essaye d'être dans le " non jugement ", de me dire que mon temps n'est pas plus important que le temps des autres, et puis, en même temps, de voir apparaître nos propres bonnos, ce qu'on appelle les kleshas, c'est-à-dire nos propres illusions. On n'a pas parlé d'illusions depuis le début de cette émission et cela me frappe tout à coup. Parce que je me dis qu'il n'y a pas de sagesse sans éclairer ces illusions. Il n'y a pas un objet de la sagesse, comme ça, à atteindre. Bien sûr, on dit qu'il faut réaliser la vacuité, la non dualité, l'interdépendance, mais cela risque de n'être que des concepts. Ce qui est important, c'est d'éclairer nos propres illusions. C'est cela le premier stade de la sagesse, c'est de comprendre à quel point, nous ne sommes pas sages. Et dans une émission comme celle-ci, consacrée à la sagesse, je voudrais citer maître Ryokan, un maître zen, qui était un poète et un ermite et qui écrivait ceci, au jour de l'an :
" Voilà le premier jour de l'année, l'année dernière, (en parlant de lui) un moine idiot. Cette année, rien de nouveau. "
J'ai toujours un peu de mal à parler de la sagesse, parce que, pour en parler vraiment, il faut être un sage confirmé. Pour moi, la sagesse, c'est d'abord d'éclairer l'illusion et ne pas se prendre pour un sage.
A.G. : Vous avez évoqué tous deux la compassion assez rapidement. Peut-on revenir sur cette notion, puisqu' elle semble complémentaire de la sagesse ?
Lama Tcheuky : La compassion est importante comme préparation à la sagesse, je pense. La compassion veut dire qu'on se considère soi-même comme moins important que les autres. Donc, automatiquement, notre ego perd de sa force et ainsi, c'est donc une excellente préparation à la sagesse.
Roland Rech : Je suis d'accord avec cela et j'ajouterais que, pour moi, la compassion, c'est ne pas créer de séparation entre soi et les autres, et c'est avoir aussi de la compassion avec soi-même et avec les autres. On a de la compassion avec les autres, parce qu'on désire les soulager de leurs souffrances et on désire partager avec eux le caractère libérateur de la pratique dont on fait l'expérience, mais il faut aussi avoir de la compassion avec soi-même, c'est-à-dire, par exemple, s'engager avec beaucoup d'énergie dans la voie, au lieu de perdre son temps à poursuivre toutes sortes d'objets de désir, qui vont s'avérer tous insatisfaisants. C'est avoir une véritable compassion pour soi-même. Car la compassion, cela ne consiste pas à faire uniquement plaisir aux autres, en étant gentil avec eux, en leur donnant satisfaction par rapport à leurs désirs. Non, c'est leur donner des outils pour se libérer eux-mêmes de la souffrance. Et ce n'est pas les faire dépendre de la compassion de celui qui est compatissant, ce qui serait une pitié, un peu dangereuse presque, mais c'est justement leur transmettre une part de sagesse, qui va leur permettre de se libérer eux-mêmes de leur propre souffrance. Donc, c'est partager la sagesse avec les autres au fond et leur donner l'occasion de s'éveiller. C'est cela, la véritable compassion.
A.G. : Pour terminer ces deux émissions consacrées à la sagesse, est-ce que vous pouvez nous citer une parole, qui exprime, selon vous, le mieux, cette idée de sagesse ?
Lama Tcheuky : J'ai choisi une petite strophe, qui est extraite d'un texte qui s'appelle : Les souhaits du Mahamudra et rédigée par le troisième Karmapa. Cette strophe dit :
" Par un regard sans cesse posé sur l'esprit qu'on ne peut regarder, la réalité invisible est vue supérieurement, telle qu'elle est. Les doutes sont éliminés sur ce qui est ou qui n'est pas. Puisse ai-je sans erreur connaître mon propre visage. "
Cette strophe illustre la sagesse, du point de vue de la méditation, cette deuxième phase de la méditation dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire où l'on apprend à regarder son esprit. Et ce qui est très joli dans la manière dont le dit le Karmapa, c'est qu'on regarde l'esprit qui ne peut être regardé et l'on voit ce qui est invisible. C'est un paradoxe, bien sûr, mais c'est cela la sagesse : c'est voir ce qui pour le moment est invisible. Nous ne voyons que le visible, nous croyons que c'est cela la réalité mais il nous faut apprendre à voir l'invisible.
A.G. : Roland Rech, quelle parole avez-vous choisie ?
Roland Rech : Je voudrais citer maître Dôgen, qui disait dans le gensho koan que le dharma du Bouddha, c'est-à-dire l'enseignement du Dharma, ou l'Eveil du Bouddha, consiste à apprendre à se connaître soi-même. Apprendre à se connaître soi-même, c'est s'oublier soi-même, c'est-à-dire oublier son petit ego. S'oublier soi-même, c'est être éveillé par toutes les existences ou avec toutes les existences, en réalisant notre unité avec toutes les existences et en faisant de toutes les existences une occasion d'Eveil dans la relation avec elles, le contact avec elles, en voyant qu'elles manifestent toutes l'ultime réalité, qu'elles sont un miroir de cette ultime réalité. Réaliser cela, c'est se dépouiller de tout attachement à son propre corps et à son propre esprit et donc à son propre ego et aider les autres à faire de même. Ceci est la réalisation d'un Eveil qui se continue sans traces dans la vie quotidienne, sans traces, c'est-à-dire sans même conscience d'Eveil ou sans attachement à l'Eveil, c'est dans la pratique et dans le quotidien.
A.G. : Merci beaucoup à tous les deux.
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