Des jours ont passé depuis ce 10 mars 2008 et les jours à venir passeront

Aujourd’hui,j’ai besoin d’apporter mon grain de sel et donner à voir ce que j’ai ressenti auprès de ce peuple de culture tibétaine, que ce soit en monastère comme dans la rue, en lieu sacré comme n’importe où ailleurs, en terre d’exil pour eux et d’accueil pour moi, qu’est l’Inde.

Vivreavec les Tibétains, c’est ouvrir son cœur, bien au-delà de tout ce qui m’avait été offert à vivre, avec une amplitude remarquable, une forme de liberté intérieure extraordinaire qui semble poser un éclairage tellement sincère et évident, au point de se demander, mais comment n’y avais-je pas pensé avant, c’est tellement simple et cependant si profond.

Je n’y ai jamais senti aucune violence et une compassion extraordinaire, renvoyant chacun à sa responsabilité propre en ce qu’il vit, subit ou engendre et n’entachant en rien la personne qui demeure avant tout un cœur pur, même voilé, derrière est pureté.

Le choix de faire ou être d’une certaine façon amène à un résultat de fait, mais nul ne jugera telle ou telle posture, elle fait partie du parcours de la personne qui mène sa propre barque de la vie à la mort, et libre à lui de la porter au mieux et au plus loin.

Il se pose ainsi naturellement un respect de sa vie, de l’autre, de toute vie en vie.

Et chaque satellite suit sa trajectoire au plus près de ce qu’il est et a à faire en tentant de ne pas influer sur le parcours d’un autre sinon pour du mieux.

Ainsi, chacun semble savoir ce pour quoi il est là et le tout s’harmonise sans heurts afin de tendre au plus près du mieux possible.

Vénérant certains, adorant d’autres, ayant cœur à son ouvrage qui est déjà une prière en soi, et s’ouvrant à l’extérieur sans autre attente particulière que partager l’instant venu avec bonne heure.

Ainsi, je me suis retrouvée dans une sorte de gymnastique pour retrouver ce que mon cœur semblait avoir oublié, car il connaissait déjà cette dimension mais elle était plus que poussiéreuse.

Nul espace ici à l’intérêt personnel, la jalousie, l’orgueil, l’avarice, la vanité, médisance qui sont des poisons de l’esprit venant altérer une perception juste et entraîner d’autres conséquences vaines qui finiront par s’évanouir faute d’existence propre en ayant l’unique conséquence de générer plus de difficulté et de ralentissement pour la personne qui émet de telles attitudes, mais également l’énergie que cela véhicule pour tous sans exception.

Et si elles se produisent, c’est un caillou sur le parcours de la vie, si elles se répètent, c’est une montagne supplémentaire à gravir, si elles s’élèvent au-delà du possible, ça devient un mur infranchissable qui aura rassemblé toutes les pierres de la terre au point de sentir sous les pieds le sol se dérober faute d’absence de fondations solides.

MONASTERE NYINGMAPA, BIR, LE 25 OCTOBRE 1993

J’étais de passage entre Dharamsala et Dehradun, en messager de rassurer une maman tibétaine et donner des nouvelles de sa fille, exilée en Europe, à laquelle j’avais promis ce détour.

Le papa, décédé depuis environ 3 ans fut l’un des trois Teurtens du Tibet qui, selon les prédictions de Dilgo Kyentsé Rinpotché, reviendrait dans 2 ans au Bhoutan.

Je dormais dans la pièce où se trouvait l’autel, avec la maman dans le lit jouxtant le mien, comme le faisait sa propre fille.

Elle se levait chaque jour à 4 heures du matin pour débuter sa pratique rituelle. Chose habituelle, naturelle et courante pour beaucoup, sinon une simple offrande journalière pour d’autres…

Depuis la rue, je fus interpellée par les appels des moines de l’Institut Nyingmapa.

Ils chargeaient de grosses pierres plates destinées à la confection du parvis du temple et m’invitaient à les accompagner en me tendant leurs bras pour m’aider à grimper dans la charrette tirée par un vieux tracteur.

Je me retrouvais donc assise sur les cailloux au beau milieu des robes pourpres animées par des gestes précis imageant les joutes oratoires de Nalanda, engageant de larges sourires de gaîté et éclats de rire spontanés.

A peine l’engin à l’arrêt, je fus comme transportée jusqu’au monastère, bientôt conviée à visiter le temple en construction, et le Guéguen ou « maître instructeur » qui me conduira vers le Lama directeur…

Simple émotion de me tendre une photo du Dalaï Lama sans craindre la prison et la joie dans chaque regard du travail accompli, réplique presque parfaite ici de là-bas, aujourd’hui en ruine…

Comment dire simplement que cette merveilleuse culture à droit d’être et évoluer en belle liberté ?