Le XVIIème Gyalwa Karmapa, Urgyen Trinley Dorjé (2)

Le retour à Tsourphou

L'arrivée à Tsourphou fut un moment de grande émotion pour les milliers de Tibétains qui s'étaient rapidement assemblés à l'annonce de la grande nouvelle. Le Karmapa descendit de voiture et accomplit la dernière partie du trajet monté sur un magnifique coursier blanc somptueusement harnaché, portant une coiffe spéciale et accompagné de moines portant des bannière de soie et jouant des instruments musicaux traditionnels. Les Tibétains sont d'excellents cavaliers, et le Karmapa était suivi d'une escorte impressionnante de cavaliers, fiers et dignes, montés sur de petits mais puissants chevaux. Le Karmapa entra dans Tsourphou sous un gigantesque parasol doré, signe de son haut rang, acclamé par une foule nombreuse. Assis devant le temple principal, il assista aux danses et aux cérémonies de bienvenue, dégageant une présence impressionnante malgré son jeune âge. Chaque jour, il bénit la foule assemblée.

Le 27 juin, le gouvernement de la République Populaire de Chine reconnut officiellement Ourgyen Trinlé Dordjé comme la 17ème réincarnation du Karmapa. Celui qui, huit cent ans plus tôt, fut le premier lama réincarné du Tibet, devint le premier tulkou admit et reconnut par le gouvernement chinois depuis 1959. Le fait que de nombreux Karmapas ont été autrefois les gourous d'empereurs chinois y a sûrement contribué.


L'intronisation

Tai Sitoupa et Goshir Gyaltsabpa demandèrent des visas d'entrée au Tibet pour pouvoir officiellement introniser Sa Sainteté. Ils demandèrent aussi la permission pour accomplir la cérémonie où l'on coupe une mèche de cheveux et où on donne son nom au Karmapa, cérémonie qui devait avoir lieu dans le fameux temple du Jokhang à Lhasa. Le Jokhang abrite la statue du Bouddha Sakyamouni apportée de Chine par la Princesse Wen Cheng comme dote pour son mariage avec le roi Songtsen Gampo. On raconte que cette statue a été sculptée en Inde du temps du Bouddha par l'artiste Visvakarman, qu'elle fut bénie par le Bouddha lui-même, et plus tard amenée en Chine. Elle est chargée de puissantes bénédictions pour tous ceux qui la contemplent. C'est aussi au cours de cette période que de nombreux représentants du bouddhisme Kagyu de par le monde se préparèrent au pèlerinage pour assister à l'intronisation du maître dont eux et leurs organisations avaient attendu si longtemps le retour. Après tant d'années d'incertitude et d'anxiété, l'annonce de la découverte du Karmapa apporta une joie extraordinaire à tous ceux qui vivaient comme dans les limbes depuis sa disparition. La prédiction de Chogyour Lingpa, ce grand visionnaire Nyingma, devenait ainsi claire comme le cristal, à présent qu'il devenait évident que Tai Sitoupa serait le principal gourou du nouveau Karmapa. Il y a près d'un siècle, Chogyour Lingpa eut une vision des 21 incarnations du Karmapa. Voici comment il décrit sa vision du 17ème Karmapa :

Dans le domaine (de la vision) devant les montagnes, (il y a des) rochers et (des) pins, et le dix-septième du rosaire des incarnations, accompagné de Khentin Tai Sitou, leurs esprits fusionnés en un. Cela (signifie) que les feuilles et les pétales des enseignements du Bouddha vont s'épanouir (sous lui) et qu'il y aura de nombreux fruits de l'essence même de la transmission de Gampopa.

Le Tai Sitoupa à qui le précédent Karmapa confia sa lettre de prédiction serait " un " avec l'esprit du jeune Karmapa. C'est ce que la lettre de prédiction elle-même annonçait :

Il est soutenu par le Seigneur Deunyeu Droup

Péma Deunyeu est le nom que le 16ème Karmapa avait donné lui-même au Tai Sitoupa, trente ans plus tôt, en accord avec les prophéties énoncées par Gourou Rinpoché dans le texte Gongdou, texte dans lequel il énumère les noms des Tai Sitoupas. Dans la communication qu'il fit sur la radio indienne à l'attention des membres de l'école Kagyu, SS le Dalai Lama annonça également clairement que le Tai Sitoupa et Goshir Gyaltsabpa étaient les principaux lamas responsables de la découverte et de l'établissement du 17ème Gyalwa Karmapa.


Tsourphou

Tai Sitoupa et Goshir Gyaltsabpa arrivèrent au Tibet le 12 juillet. Ayant passé la nuit à Lhasa et rendu visite en chemin au monastère de Pawo Rinpoché où ils bénirent des centaines de pélerins, ils arrivèrent à Tsourphou où ils furent reçus en grande pompe.

Tsourphou, fondé en 1190 par Karmapa Dusoum Khyenpa, a été le siège des seize Karmapas précédents. Avant la révolution culturelle, il abritait quelque 900 moines et comprenait quatre monastères établis en un vaste complexe de bâtiments. L'un des ces quatre monastères était le siège des Goshir Gyaltsabpas, qui assurent traditionnellement la régence entre les incarnations. Gyaltsab signifie en fait " régent ".

Droupeun Détchen Rinpoché, l'actuel abbé de Tsourphou, était l'ancien maître de retraite de Roumtek. Il avait fuit le Tibet 1959 avec SS le 16ème Karmapa, mais celui-ci lui avait conseillé de retourner à Tsourphou pour superviser les travaux de reconstruction. C'est grâce à lui et au travail d'un grand nombre de personnes dévouées que le monastère actuel est réapparu au cours des dernières années des ruines où la révolution culturelle l'avait laissé. Ward Holmes, et la fondation Tsourphou qu'il a créée, ont notamment stimulé un intérêt mondial pour ce lieu exceptionnel, niché entre de hauts sommets dans la vallée de To, aux bords des eaux bouillonnantes d'une rivière qui rappelle les puissants torrents d'Ecosse.

Sur le plan de la géomancie, il s'agit d'un endroit très spécial, situé de manière tout à fait favorable par rapport aux collines et aux vallées. Les montagnes environnantes sont considérées comme des lieux sacrés qui concentrent les énergies et les bénédictions du mandala Vajrayâna.


Rencontre avec les anciens disciples et les futurs maîtres

La première rencontre entre le Karmapa et les deux Rinpochés fut traditionnelle et formelle. Au cours des jours qui suivirent, l'occasion leur fut offerte de se connaître de manière moins formelle. Des liens délicats d'amour et de respect se tissèrent très naturellement entre eux. Rencontre immaculée entre grands êtres, les émanations d'Avalokiteshvara, de Maitreya et de Vajrapani se retrouvaient comme elles s'étaient rencontrées tant de fois de par le passé comme l'attestent les écritures. Tai Sitoupa et Gyaltsabpa découvrirent, comme avait pu le faire Akong Rinpoché depuis plus d'un mois, l'extraordinaire continuité reliant le 17ème Karmapa au 16ème Karmapa. : son intrépidité, son assurance, son sens de l'humour et sa sincère compassion naturelle.