Parlons un peu de ce qui fait mon originalité ici : le jazz !

J'ai lu que le Bouddha Sakyamuni a eu un disciple musicien,
et qu'il s'est servi de son rapport à l'instrument pour lui donner un
enseignement. Il disait en substance qu'il est important de rester dans une
voie sans excès dans la pratique : il ne faut ni se tendre trop dans l'effort
car sinon, comme avec un instrument à corde, la tension fait crisser les
cordes. Il n'est pas utile non plus d'être trop mou, car alors plus aucun son
ne sort.
Ne peut-on pas penser qu'on peut jouer d'un instrument de musique en accord avec
le dharma ?
Même de cette musique profondément empreinte de sensualité qu’est le jazz... de
plus ne déconseille-t-on pas de se divertir dans l'art, alors que celui-ci peut
nous conduire à développer un culte de la sensualité et de l'artifice, et nous
éloigner du réel ? Il peut en effet privilégier le mental et les fausses
perceptions, sans aucune volonté de nous éveiller à la réelle beauté de la vie…
Je pense que c'est une idée qui n'a pas beaucoup de sens dans notre société
actuelle. Je dirais plutôt que c'est la tendance politique actuelle à diminuer
le budget culturel qui prive le public d'une chance d'ouvrir ses horizons.
Hors, comment peut-on s'épanouir dans la vie sans ouvrir ses horizons ? Il n’y
a pas que l’art, loin de là, mais si c’est un bon moyen, c’est que ça vaut le
coup de s’y intéresser.


Si je crois avoir compris quelque chose du bouddhisme, c’est
qu’il est inutile de vouloir défendre à tout prix son monde contre celui des
autres, que ce conflit ne fait pas de sens, puisque au fond notre mental est plein
d’illusions, de névroses, d’ignorance. Donc la vérité se trouve davantage dans
le lâcher prise vis-à-vis de cet attachement à nos concepts, à notre moi-moi,
et à notre croyance en un soi séparé etc. Car alors on peut vraiment être « dans »
la vie, sentir vraiment les choses avec son cœur, et sans préjugés ni peur
(enfin petit à petit, ou éveil après éveil), et on peut vraiment se sentir
proche de l’autre, l’aimer pour ce qu’il est, éprouver la compassion, la joie d’exister…
toutes ces choses magnifiques.


Donc le but du bouddhisme est de s’épanouir en se libérant
des illusions de notre mental ! C’est le bonheur qu’on recherche tous !


Et je suis prêt à défendre l’idée qu’une bonne partie du jazz donne une
nourriture satisfaisante pour nous entretenir dans un bon état d’esprit. D’ailleurs
je ne devrais pas dire « Le Jazz » , car même les jazzman sont
peut à parler du jazz comme d’un genre à part, car après tout il est toujours
et seulement question de musique.


Donc, dans cette mouvance musicale explosivement productive
et condensée qu’est le jazz, j’aimerais vous parler de la musique qui fait du
bien, celle que j’aime. Cette musique de bonnes nourritures qui selon moi est
en accord avec l’idée que je me fais du dharma.


D’abord, soulignons le fait que comme la musique occidentale
qui est vraiment née avec le sentiment religieux, le jazz est né des work songs
et autres refrains aux tons nostalgiques, avec les esclaves noirs américains,
et aussi du gospel (c’est très schématisé je crois mais bon, je ne vais pas faire
un cours non plus). A la base, l’idée d’entretenir la joie, de soulager son cœur
et de regarder vers le ciel est très importante dans cette musique.


L’allégresse de la Nouvelle-Orléans, avec l’emblématique « what
a wonderful world » de Louis Armstrong, amène l’idée d’une musique qui
sourit toujours à la vie… Bon des fois c’est tourné de façon caricaturale, avec
l’image du musicien noir à la bouche démesurément grande, souriant de son air
de gentil idiot né dans les chaînes.


Sinon, il est clair que l’histoire du jazz n’est pas un
chemin de piété, et qu’elle est entachée des ravages de la drogue et de
personnalités retorses comme Miles Davis, qui vivait dans un désir de paraître
excessif à la vue du public. Cependant je reste très admiratif de ces hommes
qui ont su élever la voix dans un système qui les opprimait et usait d’une
violence quotidienne contre eux. Comment ne pas en être marqué à vie ?


Cela dit, ce n’est pas ce débat qui va confirmer ma thèse, à
savoir que le jazz est une musique d’une richesse peu connue pour ouvrir ses
horizons, et pour se nourrir.


Ecoutons John Coltrane et son A Love Supreme, pour l’initié,
c’est un miracle, un chef d’œuvre, la voix des anges dans un saxophone.


Ecoutons un Thelonious Monk vivant dans une vraie pauvreté
matérielle, et sous ses allures faussement gauches, nous touchant profondément.


Ecoutons Herbie Hancock et ses claviers multicolores,
ensoleillant toute une époque de ses sons électriques.


Ecoutons un Sonny Rollins et son son chaud et sexy, n’est-il
pas aussi plein d’un amour profond à la fin de sa carrière, et empli d’une
vitalité très positive au début ?


Ecoutons un Oscar Peterson, qui nous laisse voir la beauté
du piano jazz dans un souffle de pureté émotionnelle. Un oiseau du clavier,
comme Art Tatum.


Keith Jarrett et ses solos merveilleusement interminables n’est-il
pas lui aussi un témoin de la richesse de l’homme et de sa richesse
émotionnelle ?


Ecoutons la musique indienne, avec Ravi Shankar, n’est-ce
pas un pur délice ? Quel enchantement pour l’âme que sa musique, et bien
je ne pense pas que le fossé soit si grand entre sa musique et celle de John
Coltrane à la fin de sa carrière.


Au fond, que ce soit par n’importe quel biais, le but de la
musique est d’exulter. Or oui ça passe par les énergies instinctives,
sexuelles, et aussi par l’émotionnel et l’intellect.


Mais les illusions du mental ne sont pas l’objet d’un
musicien qui joue avec sincérité. Dés lors, il exprime des choses vraies, car
sincères, et même si il y a une esthétique, inévitablement, le dharma est
présent je crois des les instants de grâce.


Exulter, c’est communier avec notre vérité profonde. Et je
crois qu’il n’y a pas que certaines musiques qui peuvent nous y amener, même si
un John Coltrane nous y emmène avec plus de grâce et de sûreté. Du Bach ou du
Mozart peut très bien faire l’affaire aussi, je ne vois pas pourquoi bouder les
romantiques alors que leur désespoir et leur emphase est chose que l’on
retrouve dans la vie. Après tout, il est question de la vie non ?


Finalement, le bouddhisme n’interdit pas le plaisir, loi de
là, le but n’est pas d’en faire un nihilisme comme dit Thich Nhat Hanh. C’est
le culte du plaisir qui est à éviter je crois. Or la musique ce n’est pas le
culte du plaisir, sinon on a qu’à sortir en boîte de nuit ou aller taper sur
une batterie pour se défouler. La musique c’est une recherche d’expression
sincère ou au moins avec une certaine idée de la liberté par le plaisir, ce qui
est bien différent. Le grand but étant la grâce, exulter.

La musique ... doit avoir une place très particulière dans le cosmos !

La beauté de la vacuité exprimée par la pleine conscience.

Moi qui ne suit pas musicien (pas d'oreille, ni de rythme, pas éduqué à l'enfance, ....)

quand je vois les musiciens jouer et je les entends faire,

oublier la contrainte physique pour cheminer dans l'espace sonore,

partager son émotion avec les auditeurs ou le vide d'ailleurs,

que bella !

musique, formidable moyen de communication universel et plus encore !

Tu connais Ani Choying Drolma ?

A bientot !

Le Bouddhisme ne rejette rien mais recadre les choses essentielles à l'Eveil.
Il faut se servir de ses qualités ( quelles qu'elles soient )
et les utiliser au bénéfice des autres.
Si tu es musicien, il est naturel que tu défendes ton art et la pratique du Bouddhisme t'apportera encore plus de concentration et de sensibilité, que tu mettras au service et au bonheur des autres. Car la musique comme d'autres arts, apporte du bonheur.

Le tout est de garder cette attitude d'offrande et de ne pas tomber dans une passion excessive.
De ne pas en tirer trop d'orgueil comme cela arrive souvent dans les sensibilités artistiques et de rester lucide.
Il y a une divinité qui représente la musique, c'est SARASVATI
qui est l'épouse de Manjushri ( qui représente le Sagesse )
Je t'envoie une image de Sarasvati qui joue de la Vina.