Ordinairement, l'Occidental considère l'étendue de son existence en termes opposés de vie et de mort, cette dernière étant bien souvent considérée comme l'anéantissement définitif de l'individu, la négation de l'existence. Or, il faut se rappeler que, selon la tradition tibétaine, il apparaît un continuum de l'existence qui n'est qu'une suite d'états de conscience (ou domaines, champs d'expérience) techniquement appelés "bardo*", c'est-à-dire « état intermédiaire ».
Le pratiquant bouddhiste aborde son existence dans la perspective globale des différents bardos (classés en six généralement), de leur continuité et interaction. La mort n'est donc pas l'objet d'une focalisation particulière, mais s'inscrit dans un processus global continu qui est pris en compte dans son ensemble.
* Dans l'enseignement qui suit, l'emploi du terme "bardo" tel quel se réfère plus particulièrement au bardo du devenir.
Bardo est un mot tibétain qui signifie "intervalle". On considère que la totalité du processus existentiel peut être définie en six bardos différents :
- Le bardo de la vie, la part de l'existence qui se situe entre le moment de la conception (l'entrée dans la matrice) et le moment de la mort (les premiers symptômes de la mort).
Au sein même de ce bardo se trouvent deux autres bardos :
- Le bardo du rêve (ou du sommeil).
- Le bardo de l'absorption méditative, qui sont des moments où l'on change d'état de conscience.
- Le bardo du moment de la mort.
- Le bardo du dharmata, le moment où l'esprit expérimente la possibilité de reconnaître sa propre nature.
- Le bardo du devenir, globalement l'intervalle entre une existence et la suivante.
Actuellement, nous sommes dans le bardo de la vie au sein duquel nous faisons l'expérience du bardo du rêve (ou du sommeil) qui se situe bien sûr entre l'instant où l'on s'endort et celui où l'on se réveille.
Si nous pratiquons la méditation, il est possible de faire l'expérience d'un autre type de bardo, l'intervalle de temps s'écoulant entre le moment où nous entrons en absorption méditative et celui où nous en sortons.
Le bardo du moment de la mort commence dès l'apparition des premiers symptômes liés à la résorption successive des principes vitaux et il se termine lors de l'apparition de la Claire lumière fondamentale ; ou bien, pour ceux qui ne la
reconnaissent pas, il se prolonge jusqu'au moment où l'on émerge d'une période d'inconscience totale qui peut durer de quelques heures jusqu'à trois jours.
La durée du bardo du moment de la mort varie de quelques instants à trois ou quatre jours, en fonction de l'état d'esprit du mourant, suivant qu'il a été préparé ou non à ce moment.
Le bardo du dharmata est l'intervalle durant lequel se manifeste la nature fondamentale de l'esprit, nommée Claire lumière, qui ne peut être reconnue que par celui qui en aura développé au cours de son existence la compréhension et l'expérience, à travers la pratique de la méditation.
Il y a trois types de Claire lumière :
- La claire lumière de base, qui est le dharmata, nature fondamentale de tous les phénomènes et de l'esprit.
- La claire lumière du chemin, aperçu de la claire lumière qui se manifeste en l'esprit lors des expériences méditatives au cours de notre existence.
- La claire lumière du fruit, l'expérience de reconnaissance de la claire lumière que l'on peut faire au moment de la mort.
Il est dit que la Claire lumière de base est semblable à la mère, et que la Claire lumière du chemin (celle qui est développée à travers la méditation) est semblable au fils. Et, de même qu'un petit enfant se jette spontanément dans les bras de sa mère dès qu'il la voit, la reconnaissant immédiatement, celui qui a développé la Claire lumière du chemin se fond immédiatement dans la Claire Lumière de base qui se manifeste lors du bardo du dharmata, cette reconnaissance du dharmata étant semblable à la rencontre du fils et de la mère, la Claire lumière du fruit.
La raison pour laquelle les grands méditants meurent en principe en posture de méditation et y demeurent un certain temps est qu'ils font alors l'expérience de cette Claire lumière fondamentale, dont la durée peut varier de quelques instants à plusieurs jours. Pour un être ordinaire, quelqu'un qui n'aura pas médité suffisamment et donc pas développé la Claire lumière du chemin, cette expérience passera totalement inaperçue, et il entrera immédiatement dans le bardo du devenir.
Certains textes ne distinguent que quatre bardos. Quoiqu'il en soit, que l'on parle de quatre ou six bardos, cela n'a pas d'importance car il s'agit de la même chose.
Du bardo du devenir au bardo de la vie
Le processus de transmigration d'un bardo existentiel à un autre diffère suivant le niveau de développement spirituel des individus, quant à la maîtrise, la conscience et la lucidité.
Pour un être totalement éveillé comme un Karmapa par exemple, le processus d'entrée de la conscience individuelle (ou principe conscient) dans la matrice n'aura rien de commun avec ce qui est expérimenté par un être ordinaire : la transmigration n'est pas ici le résultat inéluctable des tendances karmiques accumulées, mais la concrétisation d'un choix délibéré lié au vœu de venir en aide à tous les êtres. Le processus sera parfaitement contrôlé et perçu d'une manière dépourvue de toute illusion. Ainsi, la conception et la naissance se produiront dans les conditions les plus adéquates à l'accomplissement d'une activité bénéfique choisie. Le Karmapa va déterminer son père et sa mère pour sa vie future ; l'entrée dans la matrice sera expérimentée comme le confert d'une initiation, et les parents et les circonstances entourant la naissance vont être perçus comme un mandala... Tout le processus s'accomplira selon un aspect pur, déterminé par l'être éveillé.
Pour les êtres ordinaires, conception et naissance s'accomplissent sans aucun libre-arbitre, sans aucun contrôle possible, d'une façon complètement illusoire, trompeuse et confuse, hallucinatoire.
Dans certains textes, sont décrits les processus de renaissance en différents états d'existence. Lorsqu'on doit renaître en des états animaux, on n'expérimente pas l'entrée dans la matrice en tant que telle, on ne perçoit pas non plus ses futurs parents ni soi-même en tant qu'animaux. On a simplement l'impression, par exemple, comme dans un cauchemar, de se trouver dans un paysage désolé, exposé à des conditions pénibles, aux intempéries, telles la pluie ou la grêle. Poussé par le désir de se mettre à l'abri, on se précipite dans un terrier, une grotte... C'est ainsi qu'est perçue l'entrée dans la matrice, et dès cet instant on se retrouve prisonnier d'une nouvelle existence.
Si l'on doit renaître en des états infernaux, voulant échapper à des circonstances insupportables, au froid ou à la chaleur extrême, on va se précipiter dans des maisons, des constructions qui vont s'écrouler... Ainsi sera perçue l'entrée dans une existence de type infernal.
Au lieu d'être une démarche consciente, pour un être ordinaire le passage d'une existence à une autre est un processus totalement incontrôlé, semblable à un cauchemar, un état hallucinatoire.
Pour illustrer la dimension illusoire et trompeuse de ce qui est expérimenté dans le bardo au moment d'entrer dans une nouvelle existence, nous citerons une anecdote extraite de la biographie de Drugpa Künley, grand yogi tibétain. Cet être totalement éveillé adoptait un aspect et une conduite extérieure plutôt choquants et pouvant prêter à confusion : il était volontairement non-conformiste et se moquait des institutions et des gens en place, afin de permettre à chacun de secouer routines et habitudes et de prendre conscience de ses propres erreurs. Un jour, donc, il vit un jeune âne près d'un monastère et, s'adressant aux moines, il leur dit : « Vous croyez que c'est un petit âne, mais en fait c'est votre abbé, celui qui est mort il n'y a pas si longtemps, et savez-vous ce qui lui est arrivé ? Eh bien, dans le bardo, il a cru entrer dans un magnifique palais de cristal alors qu'en fait il entrait dans la matrice de l'ânesse ! »
Ces manifestations illusoires dénuées de toute réalité objective sont expérimentées individuellement, tout comme ceux dormeurs seront sujets à des productions oniriques indépendantes et différentes. C'est pourquoi, bien qu'il y ait de grands traits communs à tous au sein d'un même bardo, il n'est cependant pas possible de donner une description précise des mondes expérimentés durant le bardo (du devenir).
Le processus hallucinatoire qui nous fait expérimenter l'illusion du bardo n'est pas différent de celui qui nous fait percevoir l'univers tel qu'il nous apparaît ordinairement, cette perception étant elle aussi tout à fait illusoire. Quoiqu'il en soit, notre perception de l'univers nous semble extrêmement réelle, solide, du fait des tendances inconscientes qui habituent notre esprit à appréhender comme réel ce qui est irréel, comme permanent ce qui est impermanent, comme plaisir ce qui est en réalité souffrance... Ces mêmes tendances inconscientes continuent après la mort à conditionner ce processus de création d'illusions qu'est la traversée du bardo.
Le bardo du rêve
D'une manière générale, on inclut dans le bardo du rêve toute la période de sommeil entre l'endormissement et le réveil (bien que les périodes de sommeil profond soient sans rêves).
Lorsque nous dormons, les tendances inconscientes qui vont se manifester à travers le rêve sont les habitudes et inclinations générées et renforcées au cours de l'état de veille.
Ces tendances plongent un individu ordinaire dans une illusion onirique conditionnée par les actions et le vécu antérieurs ; le rêve est donc une conséquence karmique directe.
Le monde onirique est perçu comme étant parfaitement réel, dans la mesure où nous percevons des lieux et des êtres que nous avons connus à un moment ou à un autre, des circonstances déjà expérimentées auxquelles nous aspirons ou que nous redoutons, tous ces aspects étant en fait des extrapolations de notre vie à l'état de veille. Le rêve est donc vécu comme étant tout-à-fait réel, objectif et stable, bien qu'éminemment insubstantiel et impermanent, ne durant parfois qu'un bref instant ; cependant lorsque nous sommes dans le rêve, il ne nous vient jamais à l'esprit que ce rêve va s'arrêter !
Tout comme à l'état de veille, les tendances profondes qui nous font considérer notre vision de l'univers comme réelle entraînent en nous la production d'émotions conflictuelles telles attachement, aversion, jalousie, etc. Or si notre expérience du monde est en quelque sorte illusoire, à fortiori la plupart des rêves sont comme l'illusion d'une illusion !
Il faut cependant mentionner l'existence de certains rêves prémonitoires pouvant annoncer des événements ultérieurs, ou d'autres types de rêves qui sont des réminiscences d'existences antérieures faisant référence à des événements de notre passé profond. Ces rêves néanmoins illusoires se produisent généralement au petit matin, juste avant le réveil.
Le bardo de la vie
Nous nous trouvons actuellement dans le bardo de la vie.
Contrairement au bardo du rêve et aux bardos qui se déroulent durant la mort, nous jouissons maintenant d'un certain libre-arbitre, de la possibilité d'agir par rapport aux circonstances externes et internes ; nous avons de plus l'opportunité de pratiquer le Dharma. C'est la raison pour laquelle nous devons profiter de cet intervalle qui s'étend de la naissance à la mort pour nous efforcer de dissiper l'illusion qui recouvre notre esprit, pour essayer d'entretenir des habitudes vertueuses et créer des empreintes, des tendances profondes positives. Sans cela, si nous ne faisons rien pour calmer notre esprit et diminuer l'emprise des émotions conflictuelles, nous repartirons dans un nouveau cycle complètement illusoire.
Pour nous préparer et nous accoutumer à ce qui va suivre le moment de la mort, il existe certaines techniques, en particulier les Six doctrines de Naropa, qui furent transmises à celui-ci par Tilopa. Parmi ces six doctrines, se trouve ce qu'on appelle le yoga du rêve et le yoga du bardo. Celui-ci consiste à percevoir effectivement à l'état de veille tous les phénomènes (la manifestation) comme étant illusoires et donc pas différents fondamentalement de ceux que l'on perçoit après la mort dans le bardo. Quant au yoga du rêve, on peut dire globalement qu'il s'agit de prendre conscience, lorsqu'on rêve, qu'on est en train de dormir et de rêver, et de percevoir les productions oniriques pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire dans leur dimension illusoire, n'ayant aucun pouvoir sur nous et pouvant être changées, manipulées à volonté.
Cela exige évidemment une grande stabilité mentale et un entraînement intensif de longue haleine. Cependant, si l'on pratique convenablement ces yogas, on développe très profondément en l'esprit la faculté de reconnaître les phénomènes tels qu'ils sont en réalité. Ainsi, lorsqu'arrive le moment de la mort, au lieu d'être emporté dans un maëlstrôm, un tourbillon d'émotions et de terreurs, de bruits fracassants, de lumières aveuglantes, on est conscient de parvenir dans le bardo (du devenir en particulier) et on voit les choses telles qu'elles sont.
On peut donc échapper à la frayeur, tout le processus s'accomplit d'une manière beaucoup plus paisible, et on peut aussi, d'une certaine façon, s'en rendre maître.
Toujours dans les Six doctrines de Naropa, le yoga du corps illusoire consiste à percevoir toutes les formes comme étant insubstantielles et n'ayant pas plus de réalité que l'arc-en-ciel, tous les sons comme étant vides tel un écho, et toutes les pensées comme étant semblables à des mirages. Cette pratique permet d'approcher la reconnaissance de la nature vraiment illusoire des phénomènes, que nous considérons ordinairement comme étant objectivement réels. Grâce à cet entraînement et à cette accoutumance à aller au-delà de la simple apparence des choses pour en voir l'essence, on développe en l'esprit une habitude ancrée, une empreinte profonde qui permet, au moment de la mort, de passer au-delà des illusions du bardo.
Bien entendu, il est sans intérêt de simplement parler de tous ces aspects, qui ne peuvent en fait être compris en dehors d'une pratique sérieuse et assidue. La seule utilité de ces yogas est justement de faire sortir l'esprit de ses jeux, habitudes et tendances profondes, ce qui ne peut s'effectuer qu'à travers la force d'un entraînement continu. Pour celui qui peut mener à bien un tel entraînement, dans le cadre d'une retraite par exemple, la transition dans les bardos sera grandement facilitée.
Tout comme les illusions oniriques, le monde manifesté que nous appréhendons à l'état de veille en tant que la réalité est en fait illusoire. Quoiqu'il en soit, nous sommes prisonniers de cette apparence que nous considérons comme réelle, solide, fixe, permanente (nos maisons, notre environnement, nos proches, etc.). Ce qui nous en rend prisonnier, c'est notre incapacité d'en reconnaître la nature fallacieuse. Lorsque nous rêvons, nous faisons l'expérience de situations parfois extravagantes, mais dont toutefois il ne nous viendrait pas à l'idée de mettre en cause l'existence. Dans le rêve, il n'y a pas d'autre réalité, d'autre univers que le rêve même. Et pourtant, au réveil, on se rend compte du caractère irréel, parfois invraisemblable, de ce que nous venons d'expérimenter dans le sommeil. De la même façon, si nous pouvions nous éveiller de cette pseudo-réalité que nous appréhendons à l'état de veille, nous réaliserions son caractère totalement illusoire.
Ce qui renforce notre conviction que cette réalité est stable et objective (c'est-à-dire indépendante de nous), c'est que nous en partageons la même vision avec une multitude d'êtres, les humains. Cependant, les animaux par exemple ont une autre perception de la réalité. De plus, à l'intérieur de chaque classe d'êtres, existent de subtiles différences quant à la perception de la réalité. Ainsi, chaque être humain appréhende le monde d'une manière qui lui est propre, individuelle, en fonction de son "karma de perception". Mais tant que l'on est pris dans ce processus illusoire engendré par l'ignorance fondamentale (avidya), on est incapable de le reconnaître. On demeure absolument persuadé que tout ce qui nous entoure existe par soi-même, indépendamment de nous, et qu'il n'y a pas d'autre réalité possible. Tout comme dans le rêve on expérimente de grandes joies ou de grandes peines, la chaleur, le froid, etc., nous appréhendons une réalité qui n'est que le reflet de nos illusions.
La réalité fondamentale est la même pour tous les êtres : elle est simplement perçue différemment suivant les différents états d'existence. Les êtres au karma négatif qui ont développé des tendances extrêmement néfastes vont percevoir la réalité fondamentale en tant que souffrance, telles les flammes dévorantes ou la glace éternelle des enfers ; d'autres vont expérimenter l'univers comme le domaine d'existence particulier de certaines classes d'animaux ; d'autres comme la félicité hélas temporaire des dieux, ou encore comme nous-mêmes humains le percevons.
Cette réalité fondamentale, lorsqu'elle est libre de toute illusion et complètement débarrassée des tendances inconscientes, se révèle comme les Terres pures de félicité, les Champs purs des Bouddhas. En fait, il n'y a pas d'un côté un monde qui est le samsara et de l'autre les Champs purs du nirvana ; il n'y a qu'une seule et même réalité fondamentale perçue respectivement suivant un mode confus ou dans sa nature propre, telle qu'elle est. La clé pour se libérer de l'illusion et de la souffrance qu'elle entraîne est la reconnaissance : à partir du moment où l'on reconnaît la nature véritable des phénomènes, leur caractère illusoire, on est délivré de l'illusion, exactement comme lorsqu'on s'éveille d'un rêve. Quel que soit le bardo dans lequel s'opère cette reconnaissance, elle est libératoire de l'illusion. Mais pour cela, il faut avoir pacifié son esprit, l'avoir établi dans la vigilance et la clarté nécessaires.
QUESTIONS/RÉPONSES
Qu'est-ce qui relie d'une existence à l'autre, pour qu'il n'y ait pas d'identité permanente mais qu'il y ait une continuité ?
L'esprit, l'individu, n'est pas quelque chose de fermé, de limité, avec un commencement et une fin. L'être est un peu comme un courant, comme un fleuve : il ne passe jamais la même eau et pourtant c'est toujours le même fleuve. De la même façon, il y a un "courant d'être", ou "courant de conscience", qui passe d'existence en existence. Il ne faut pas toutefois saisir le terme"conscience" au sens où on l'entend habituellement, car il s'agit ici d'un niveau extrêmement profond, primordial, ou primaire si l'on veut. Ce courant de conscience suscite la formation des agrégats, les éléments psycho-physiques qui composent notre individu et qui se dissolvent au moment de la mort pour retourner à l'état primordial. Au travers de toutes ces expériences passe un courant de conscience primordiale, et c'est cela qui transmigre.
Quoiqu'il en soit, il convient de ne pas le considérer comme quelque chose de permanent ; c'est pour cela que l'on parle de "courant de l'être".
Pourrait-on dire qu'un enterrement classique ne pose pas de problème, puisqu 'on ne perturbe pas le corps, tandis qu'une incinération peut être très nuisible, dans la mesure où la conscience individuelle reste liée au corps un certain temps ?
Il faut savoir que le contact entre l'esprit et le corps est maintenu jusqu'à la fin du processus de résorption des principes vitaux. A la fin de ce processus, on tombe dans un état d'inconscience dont on émerge en s'éveillant dans la dimension de la Claire lumière fondamentale. Cependant cette Claire lumière n'est perceptible comme telle que par celui qui s'est sérieusement entraîné durant sa vie à la reconnaître. Ainsi, pour l'immense majorité des gens, que l'on enterre ou incinère le corps n'a pas vraiment d'importance, pourvu qu'on leur permette de mourir dans le calme et qu'on ne s'empresse pas de manipuler le corps dès le décès.
Par contre, la situation est différente lorsqu'on a affaire à quelqu'un qui a pratiqué la méditation de manière profonde et intensive durant son existence.
Pour un grand méditant, il se produit au moment de la mort une sorte de"stase". Avant de mourir, il s'asseoit en posture de méditation. Les signes vitaux s'arrêtent complètement, cependant le yogi demeure en posture assise et le corps ne s'affaisse pas. Il peut rester ainsi plusieurs jours, sans qu'apparaisse aucun signe de début de décomposition. Le corps se refroidit, mais au niveau du milieu de la poitrine persiste une zone tiède. Et pendant toute cette période, le méditant demeure dans la contemplation de la Claire lumière fondamentale. Certains signes comme l'élasticité de la peau, le pincement des narines permettent d'autre part de déterminer de façon sûre que l'on a réellement affaire à un yogi en contemplation, et non pas simplementà un cadavre vidé de son courant de conscience.
Des personnes reviennent de comas dépassés et racontent qu'elles ont vu une lumière blanche formidable qui les envahissait, et que cette expérience, dans certains cas, leur apporte un approfondissement spirituel. Pensez-vous que ce soit possible ?
Si d'un point de vue clinique ces personnes étaient considérées comme mortes, du point de vue tibétain elles n'avaient pas réellement franchi le seuil de la mort, celui-ci se situant au-delà de ce qu'on définit habituellement comme la mort. Ces personnes ont vraisemblablement expérimenté le début du processus qui précède immédiatement la mort réelle, processus qui ne s'est pas poursuivi : juste avant la mort proprement dite, les deux principes vitaux blanc et rouge viennent se résorber au niveau du cœur. Ce processus s'accompagne d'états et de sensations provoquant des visions : à la résorption du principe vital blanc correspond l'apparition d'une lumière blanche, et à la résorption du principe rouge l'apparition d'une lumière cuivrée. Ainsi, cette lumière qu'ont perçue certaines personnes ayant fait des comas dépassés n'estpas la Claire lumière fondamentale du dharmata, la perception de la nature des phénomènes tels qu'ils sont.
Que pensez-vous de la mise à la morgue immédiate d'une personne qui vient de décéder, comme dans le cas notamment d'une personne qui meurt à l'hôpital ?
D'une certaine manière, mourir à l'hôpital n'est jamais très positif, du fait de l'acharnement thérapeuthique qui, s'il peut éventuellement être acceptable pour des individus ordinaires, est plutôt nuisible à un yogi ayant développé une pratique intensive. Rinpoché connaissait un lama, grand méditant qui avait obtenu les signes certains des accomplissements de sa pratique. Ce lama étant très malade, on le mit à l'hôpital. Là, voyant sa dernière heure arriver, il s'assit en posture et entra en méditation. Ses fonctions vitales commencèrent à se ralentir, il allait mourir, de la bonne façon. Mais alors un médecin a cru bon de planter des aiguilles, de le mettre sous perfusion et de le ramener à la vie ; il l'avait donc "sauvé". Seulement, pendant sept jours, le lama, qui était veillé par un moine, tint des propos complètement incohérents, parlant des apparences du bardo, etc. Et une semaine plus tard il est revenu à la raison et a dit : « Voilà, j'étais pratiquement dans le bardo et on m'a rappelé, comme ça ; il n'en est absolument plus question ! Je vais mourir demain, mais je ne me mettrai pas en posture de méditation. » Ainsi, il a dû renoncer à ce que font la plupart des grands méditants,à savoir demeurer assis en posture pendant quelques jours dans la contemplation de la Claire lumière du dharmata.
De la même façon, se retrouver immédiatement à la morgue n'est pas souhaitable et plutôt néfaste pour un méditant. Rinpoché a connu un lama qui est mort à Delhi, à l'hôpital. Bien entendu il faisait très chaud et quand Rinpoché arriva à l'hôpital pour aider ce lama en faisant la pratique de powa, le corps avait déjà été placé à la morgue, en chambre froide. Rinpoché fit les tests préliminaires indispensables pour pouvoir effectuer powa (il faut en effet s'assurer de l'état réel de la personne en question). Toutefois, dans son appréciation, il dut tenir compte des circonstances particulières (la peau, par exemple, qui aurait dû pour un méditant rester souple lorsqu'on la pince, avait perdu son élasticité à cause de la basse température du corps).
Il est dit que dans le rêve se manifestent les tendances profondes. Je voudrais savoir si Rinpoché conseillerait, comme le font les psychologues occidentaux, d'être vigilant et attentif vis-à-vis des rêves, afin de devenir conscient de ces tendances inconscientes ?
Les tendances inconscientes constituent l'un des voiles qui recouvrent notre esprit. Il y a le voile des émotions conflictuelles et, à la fois plus profond et subtil, il y a le voile des tendances fondamentales. Pour parvenirà l'Eveil, il faut se libérer de ces tendances inconscientes ; or ce n'est pas en les voyant qu'on s'en libère, mais en les purifiant, ce qui n'est pas la même chose. Pour ce faire, on va en premier lieu purifier au maximum le voile des émotions conflictuelles, et ensuite s'attaquer directement aux voiles plus profonds qui obscurcissent l'esprit. Ainsi, la connaissance détaillée des tendances inconscientes n'est pas en soi un but à poursuivre. Cette prise de conscience s'effectue d'ailleurs lorsque se dissipe le voile des émotions conflictuelles : l'esprit devient beaucoup plus clair et està même de percevoir ces tendances et de les purifier. Quoiqu'il en soit, on ne peut pas "court-circuiter" une partie du processus.
La date et les circonstances de notre mort sont-elles "programmées" dès la naissance, et si oui, par quoi ?
En principe, les circonstances de la mort sont tout à fait contingentes et dépendent de quantité de conditions et d'événements liés à l'existence présente. En fonction de son karma, chacun dispose d'une expérience de vie plus ou moins longue.
Mis à part de très rares exemples de karma extrêmement lourd et puissant qui impose une durée de vie relativement précise, il n'y a pas au départ de"programmation" inéluctable. La plupart du temps, lorsque le karma d'une personne prédispose celle-ci à rencontrer des obstacles suceptibles de raccourcir la durée de sa vie, il y a possibilité de les écarter lorsqu'ils apparaissent, dans la mesure où l'on agit de manière appropriée. Bien évidemment, lorsqu'on expérimente le mûrissement d'un karma très lourd, on ne peut plus dans ce cas parler réellement d'obstacle ; c’est le potentiel vital qui s'arrête, et il n'y a rien à faire.
Pour une mort sans peur
Tout ce qui naît doit mourir, du plus petit insecte jusqu'au Bouddha pleinement éveillé. Bien que la mort soit une fatalité et que personne ne puisse y échapper, nous la craignons, refusant bien souvent de nous confronter à cette réalité.
Quoiqu'il en soit, il faudra y faire face un jour ou l'autre, sans espoir d'y échapper. L'attitude devant la mort est différente suivant que l'on a pratiqué les enseignements du Bouddha, s'étant ainsi préparé à la mort, ou que l'on est profane. Pour celui qui n'a accompli aucune pratique spirituelle, la mort est totalement effrayante.
Elle est d'abord l'instant où il va falloir se séparer de tout ce à quoi l'on est attaché : sa famille, ses amis, ses possessions...Cela seul suffit à rendre l'idée de la mort insupportable, De plus, les souffrances de la mort, l'inconnu qui y fait suite rendent sa perspective encore plus effrayante.
Le pratiquant du Dharma sait que la seule chose qui puisse lui être réellement utile à ce moment est l'entraînement qu'il aura pu développer au cours de son existence ; et cette pratique commence justement par la contemplation de l'impermanence et de la mort, c'est-à-dire prendre conscience que tout (êtres et choses) est transitoire et que parents, amis et possessions devront tôt ou tard être abandonnés. C'est pourquoi de son vivant le pratiquant du Dharma se prépare à la mort, cet événement inéluctable. Il étudie les différentes phases du processus — la résorption les uns dans les autres des différents éléments subtils qui composent son corps : il se prépare aux désagréments liés à l'approche de la mort, ainsi qu'aux hallucinations qui apparaissent dans l'esprit à ce moment ; il se dispose à affronter ces souffrances et ces craintes le plus sereinement possible. Il sait ce qui va lui advenir au moment de quitter cette vie et qu'il y a de nombreuses façons de se préparer à ce voyage de la mort et du bardo. Il peut donc parvenir à cet instant dans une meilleure disposition d'esprit, un certain calme qui assurera une transition plus paisible.
Eléments, énergies, fonctions vitales
Notre corps qui sert de support à notre principe conscient est composé de cinq éléments qui sont la terre, l'eau, le feu, l'air et l'espace, et ceci à ta fois sur le plan physique et subtil.
Au niveau du corps, l'élément "terre" correspond aux os, aux parties les plus denses de l'organisme ; l'élément "eau" correspond au sang, à la lymphe et aux différentes humeurs qui parcourent le corps : l'élément "feu" correspond à la chaleur interne du corps ; l'"air" est associé au mouvement respiratoire, ainsi qu'à la circulation des énergies subtiles dans les canaux subtils ; l'élément "espace" correspond aux interstices qui autorisent la mobilité des différents organes internes les uns par rapport aux autres, au fait qu'ils ne forment pas un bloc compact. Au moment de la mort, la conscience quitte l'enveloppe charnelle et le corps devient un cadavre qui va peu à peu se décomposer : les cinq éléments vont retourner à l'univers, au milieu ambiant d'où ils avaient été extraits pour former notre corps.
Dans le processus du moment de la mort, ce sont les aspects subtils des éléments composant notre corps qui vont se résorber les uns dans les autres : l'élément terre va se résorber dans l'eau, puis l'eau dans le feu, le feu dans l'air et l'air dans l'élément espace. Conjointement, les "loungs", c'est-à-dire les vents, les énergies subtiles qui parcourent notre corps, vont cesser de circuler et d'être engendrés, entraînant la cessation des fonctions vitales qui leur sont liées et la production de symptômes correspondants.
Lorsque deux de ces énergies cessent de circuler, l'organisme devient incapable d'assimiler et de transformer la nourriture ; le corps cesse de produire la chaleur interne. On constate ainsi un refroidissement progressif à partir des
extrémités. La cessation d'un autre type de loung, l'énergie vitale qui circule dans les canaux médians, entraîne la perte de la faculté de compréhension et la confusion des pensées. Une autre énergie règle les fonctions excrétoires et d'élimination, et sa disparition entraîne la perte totale de contrôle de ces fonctions. Lors de la diminution de l'énergie motrice qui correspond à peu près à l'énergie nerveuse du système moteur, on est pris de mouvements incohérents, spasmodiques, et à sa cessation le corps devient incapable de tout mouvement. Une autre énergie dirige les fonctions de déglutition et de respiration ; à sa cessation, on devient incapable d'avaler quoi que ce soit, ainsi que d'inspirer ou d'expirer.
Résorptions successives, sensations et symptômes
Tout comme de notre vivant les différents éléments s'appuient les uns sur les autres pour former notre corps physique et subtil, à noire mort ils se résorbent les uns dans les autres, entraînant la production de signes internes et externes.
Lors de la résorption de la "terre" dans l'eau", le corps devient incapable de mouvement cohérent, Il devient impossible de maintenir la tête et on a l'impression de tomber, de glisser vers des profondeurs.
C'est le moment où le mourant demande qu'on le redresse sur son lit, qu'on remonte son oreiller ; il s'accroche aux draps comme s'il avait peur de tomber.
En général, rien ne peut le soulager car il s'agit d'une sensation interne de chute, un signe qui annonce vraiment l'imminence de la mort. A ceux qui ont activement pratiqué la méditation, apparaît également un signe secret consistant en certaines lumières qui commencent à se manifester en l'esprit, reflets de la luminosité primordiale.
Ensuite, vient la résorpiion de I'"eau" dans le "feu", associée à la dissolution du chakra du niveau du cœur. On constate à ce moment-là une irrégularité prononcée du rythme cardiaque, les muqueuses se dessèchent et on ressent une soif intense. Intérieurement, on perd le contrôle de ses émotions, qui s'élèvent subitement ; on peut se mettre en colère très rapidement.
Puis vient la dissolution du "feu" dans l' "air" accompagnée de la dissolution du chakra au niveau de la gorge. A ce moment, le corps commence à se refroidir par les extrémités et on a de plus en plus de mal à respirer ; les inspirations deviennent courtes et pénibles. Il est dit que l'on n'a plus alors que des respirations "froides", c'est-à-dire qu'on expire de l'air de plus en plus froid. Notre perception du monde extérieur devient précaire et intermittente ; à certains moments on reconnaît ceux qui nous entourent, à d'autres on est plongé dans la confusion.
A la dissolution de l'"air" dans l'"espace" correspond celle du chakra qui se trouve près des organes génitaux. Se manifestent alors les "râles" de l'agonie, c'est-à-dire de courtes expirations rauques et pénibles presque sans phase
d'inspiration.
A ce moment-là vont se produire des visions, des hallucinations qui varient grandement suivant l'individu, étant le reflet de l'existence qu'il aura menée. Celui qui a tué des hommes ou des animaux aura l'impression de voir ceux-ci se rapprocher pour se venger. Celui qui a mené une existence paisible et pratiqué le Dharma aura parfois l'impression que le Bouddha Amitabha vient le chercher, ou aura d'autres visions semblables de nature paisible ; il lui arrivera même de prononcer le nom d'Amitabha au moment de la mort.
Pour celui qui a développé une pratique intensive et dont l'esprit est stable, c'est le moment de se souvenir de son maître spirituel et de s'établir dans les pratiques du moment de la mort, de manière à n'avoir pas à subir les illusions du bardo mais à intégrer directement les champs purs. Se souvenir du lama et des yidams est toujours d'une très grande aide au moment de la mort, même pour ceux qui n'ont pas atteint un tel degré de stabilité.
Jusqu'à ce stade, il y a possibilité de revenir de la mort : on est dans ce que l'on peut appeler un coma profond. Ainsi certaines personnes, qui étaient sous l'emprise d'obstacles, peuvent revenir de ce qui était une mort apparente.
Le point de non-retour : fusion des deux principes vitaux
Ensuite vient la mort clinique, c'est-à-dire l'arrêt total du cœur et de la respiration extérieure ; c'est le moment de la résorption de l'élément "espace" dans la conscience. A partir de cet instant on entre dans un domaine d'où l'on ne revient pas. A ce point cessent tous les phénomènes de pensées discursives : l'esprit est soumis à des perceptions qui viennent de la dissolution de ce qui est l'essence même de la vie. En effet, durant toute notre existence, se trouvent en notre corps deux tiglés (billes, sphères) qui sont deux concentrations d'énergie subtile. Ces tiglés n'ont pas de couleur tangible, mais sont définis comme une sphère de lumière blanche au sommet de la tête, qui est le principe masculin provenant de notre père, et une sphère de lumière rouge au niveau du nombril, principe féminin issu de la mère. Ces deux tiglés sont les pôles de notre corps subtil. Au moment de la mort, ils vont converger vers la zone du cœur, faisant apparaître en l'esprit ce que l'on appelle le chemin blanc et le chemin rouge. La manifestation en l'esprit du chemin blanc — la descente du principe masculin — est comparée à cette grande clarté très belle, douée et blanche, qui apparaît dans le ciel lorsque la lune se lève. Le chemin rouge —remontée du principe féminin — se manifeste comme une grande clarté également très douée et belle, de couleur cuivrée, semblable à celle qui inonde le ciel avant le lever du soleil. Ces "chemins" se manifestent également au moment où l'on entre dans le sommeil, mais ils ne sont généralement pas perçus. Si l'on pouvait entrer consciemment dans le sommeil, on aurait l'opportunité d'expérimenter ces instants où la conscience est envahie d'un espace blanc puis d'une lumière cuivrée, dorée.
Au moment où les deux tiglés se rejoignent et fusionnent au niveau du cœur, se produit un obscurcissement total de la conscience, évanouissement complet de tout phénomène mental pouvant être parfois précédé de la sensation d'entendre
un bruit violent, comme un coup de tonnerre. Cette phase d'inconscience dure jusqu'à trois ou quatre jours pour les individus ordinaires ; pour ceux qui y sont préparés, elle peut ne durer que quelques secondes, voire être quasiment imperceptible. De cet état d'inconscience totale, on émerge dans la Claire-lumière du Dharmata, la nature fondamentale des phénomènes. Les grands méditants vont entrer directement dans la contemplation de cette Claire-lumière, sans cette phase de transition inconscience qui suit la fusion des deux principes vitaux.
La mort éveillée
Celui qui a poursuivi durant son existence un entraînement intensif fera en sorte de s'asseoir en posture de méditation lorsqu'il sentira venir le moment de la mort. Si ce n'est pas possible, on se couchera en adoptant la posture d'entrée en parinirvana du Bouddha : allongé sur le flanc droit, la main droite est glissée sous la joue, l'annulaire obturant la narine droite de façon à établir une circulation subtile qui favorise les dispositions positives et apaise l'esprit ; le bras gauche est posé sur le flanc gauche. Entrer ainsi dans la mort aide à dissiper les obstacles éventuels.
Rinpoché évoque la mort de Kalou Rinpoché : au moment où celui-ci est entré dans le processus de mort, il a manifesté le désir de s'asseoir en posture de méditation. Son entourage l'a aidé et a récité pour lui "les instructions qui permettent de voir clairement son yidam". Kalou Rinpoché est demeuré sept Jours durant parfaitement droit dans la posture. Lorsque le temps fut venu, lui furent données les instructions appropriées, qui disent : "Maintenant, fils de bonne famille, il te faut choisir entre te rendre dans les Terres Pures et y demeurer ou bien revenir pour le bien de tous les êtres. Il te faut désormais abandonner cette enveloppe charnelle afin de poursuivre ton chemin". A ce moment, la tête de Kalou Rinpoché a basculé sur le côté, et se produisit un écoulement de sérum d'une narine et d'un liquide rougeâtre de l'autre : ce sont les signes précis indiquant l'instant où la conscience individuelle quitte le corps, qui se sont donc manifestés très clairement.
Rinpoché raconte aussi l'histoire d'un de ses maîtres, Khempo Chimé, qui est mort seul à l'hôpital. Il demeurait dans une chambre individuelle et un serviteur s'occupait de lui. Peu de temps avant, le médecin lui avait dit ; " Il faut vous amputer les deux jambes, sans quoi je ne réponds de rien." Khempo Chimé répondit : "Non, je suis vieux maintenant, cela ne servirait à rien ; laissez-moi comme cela." Il demanda à son serviteur de l'habiller, puis, s'étant assis sur son lit, lui dit que tout allait très bien et qu'il pouvait vaquer à ses occupations. Se retrouvant seul, il fit "Ah, Ah" et expulsa son principe
conscient dans le Dharmakaya ; il demeura ensuite trois jours durant assis en méditation, immobile.
Il y a aussi l'histoire d'un Mahasiddha, yogi accompli, nommé Djamyang Tenpel, qui vivait au 19è siècle et fut disciple d'un des premiers Djamgœun Kongtrul. A l'origine, il était marchand, puis il réalisa subitement qu'il perdait son temps à parcourir le monde pour acheter et vendre des marchandises. Il conçut une profonde aversion pour le cycle des existences et demanda à recevoir des instructions. Les ayant reçues, il les mit en pratique, tant et si bien qu'il manifesta des accomplissements : il apparaissait à cheval dans l'espace en des endroits isolés ; c'était vraiment des productions miraculeuses. A la fin de sa vie, il souhaita demeurer en retraite dans une grotte ; il s'installa, continuant à méditer. Au moment de sa mort, on aurait dit quelqu'un de complètement malade et décrépi ; cependant, comme dernière preuve de sa réalisation, il griffa la roche, y laissant l'empreinte de sa main. Cette empreinte est toujours présente : Rinpoché l'a vue, étant lui-même allé méditer dans cette grotte. On raconte aussi qu'il avait une chèvre apprivoisée qui a laissé les empreintes de ses cornes sur le plafond de la grotte... Elle devait elle aussi voler quelque peu !
Rinpoché a connu un autre yogi de ce niveau, mort il y a seulement trois ou quatre ans, qu'il a rencontré lorsqu'il était retourné au Tibet. Ce yogi pratiquait une forme d'ascèse qui lui permettait de ne se nourrir chaque jour que d'une pincée de farine d'orge grillée et d'un peu d'eau. Il subsista ainsi pendant plus de vingt ans, méditant à plus de quatre mille mètres d'altitude, vêtu simplement d'un vêtement de coton blanc. Il vivait dans une sorte de hutte faite de rochers assemblés les uns contre les autres, y demeurant tout à fait serein et en parfaite santé.
Il existe beaucoup d'autres grands lamas comme cela. Notamment dans le monastère de Rinpoché en Inde, se trouve un lama qui peut s'il le désire arrêter de respirer pendant trois ou quatre heures, ou bien demeurer en méditation sans interruption et sans dormir : il n'a jamais sommeil ! Il y a deux ans, ce lama annonça à son entourage qu'il avait vu des signes de mort prochaine. Il est entré dans le processus de la mort, et au moment où il allait passer la limite au-delà de laquelle on ne revient pas, il a entendu une voix féminine qui lui a dit que ce n'était pas encore le moment de mourir et qu'il fallait attendre. Le processus s'est interrompu et il est revenu de l'"au-delà". Il vit toujours dans un monastère de Rinpoché.
Dernière édition par karma djinpa gyamtso le Sam 08 Jan 2011, 22:11, édité 1 fois
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