Les bouddhistes croient-ils en la réincarnation ?
Par Thich Nhat Hanh
Thich Nhat Hanh
Village des pruniers
Centre Martineau
33580 Dieulivol
Téléphone :05 56 61 84 18
http://www.villagedespruniers.org/
Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance et de mort et nous utilisons le mot de remanifestation.
Par Thich Nhat Hanh
Enseignement du 22 décembre 1994 donné par Maître Thich Nhat Hanh au Village des Pruniers
Je voudrais savoir combien parmi vous ont vu le film intitulé " Little Buddha " ? Une enquête a permis d’établir en 1983 que 25 pour cent des Européens croient en la réincarnation. Huit ans plus tard, aux Etats-Unis, on a découvert que 23 pour cent des Américains croient à une certaine forme de réincarnation. Il y a donc beaucoup de gens qui sont prêts à croire ou qui sont favorables à l’idée de réincarnation. Parmi ces gens il y a des catholiques, des protestants, etc. Des dirigeants chrétiens disent que les enseignements de la réincarnation ne correspondent pas à ceux du christianisme. Mais comme tant de personnes y croient, ils pensent qu’il est impossible de refuser cette notion.
La notion de réincarnation est populaire pour plusieurs raisons : d’abord il semble que certains individus qui nuisent aux autres par leur comportement ne souffrent pas du tout ; c’est une forme d’injustice, il faudrait donc qu’il y ait une vie future pour que ces gens puissent en quelque sorte payer en échange du mal qu’ils ont commis.
L’autre raison c’est que la durée de la vie terrestre est trop courte pour à elle seule décider de l’éternité. Nous vivons 50, 60 , 70 ans seulement et nous voudrions avoir d’autres possibilités pour réussir à être en harmonie avec Dieu, pour prouver que nous sommes capables de vivre mieux.
Une autre raison c’est la peur du néant. Si ce corps disparaissait, recommencer dans un autre corps plus sain, ce serait comme de changer de vêtement. Il faut donc qu’il y ait d’autres vies pour continuer et ainsi la notion de réincarnation est très réconfortante et elle prend racine en Occident.
A cause du film de Bertolucci les gens pensent de plus en plus à la réincarnation. Une chose amusante est qu’en Asie on n’aime pas tellement l’idée de réincarnation parce qu’on voudrait plutôt que la roue de l’existence cesse et avec elle le cycle des souffrances. Mais en Occident, il semble que l’on aime cette idée. Il y a donc une différence de mentalité entre l’Occident et l’Orient. C’est un fait que l’idée de réincarnation avec la notion de continuation qu’elle implique est actuellement très populaire.
Au cours du troisième siècle après J.C. un théologien catholique du nom de Origen a enseigné la préexistence de l’âme avant son entrée dans le corps. Il s’agit donc d’incarnation et non de réincarnation. Il semble que cette idée soit très proche de l’autre parce que si vous êtes incarné une fois il est possible que vous le soyez une autre fois. En 540 environ Origen a été condamné par le concile de Constantinople à cause de cette idée.
La notion de résurrection est proche de celle de réincarnation. Qu’est-ce qui doit être ressuscité sinon le corps ? Donc nous pouvons utiliser la notion de réincarnation. Lorsque le corps est restauré l’âme entrera à nouveau dans le corps. D’après les enseignements du Jugement Dernier chacun doit retrouver son corps ressuscité et c’est bien une réincarnation. Il est difficile de dire qu’il n’y a pas de réincarnation dans le christianisme. Certains théologiens chrétiens disent que pour inclure la notion de réincarnation il faudrait modifier de nombreux enseignements à l’intérieur même du christianisme. Nous ne sommes pas sûr de cela parce que les éléments de réincarnation sont vraiment là dans les enseignements du christianisme.
Nous voulons tous savoir ce qui va arriver après notre mort et nous nous révoltons tous contre l’idée que nous devons mourir. C’est pourquoi l’idée de réincarnation est très importante pour nous. Devons-nous continuer ou pas après la mort ? et où et quand ?
Nous savons que les humains ne peuvent pas être heureux s’ils ne croient pas en quelque chose. La foi est importante, mais la foi c’est quelque chose de vivant, c’est comme l’amour, la haine, le désespoir , c’est une formation mentale. C’est une chose vivante et tout ce qui est vivant change. Votre foi c’est quelque chose de vivant qui doit changer au cours du temps, qui doit grandir comme un arbre. La foi qui était la vôtre quand vous aviez dix ans n’est plus là. Que vous soyez chrétien, musulman, marxiste, bouddhiste ; la foi est quelque chose qui doit changer tout le temps : il faut accepter ce fait. L’avantage de l’étude et de la pratique du bouddhisme, c’est qu’on nous rappelle constamment que tout change y compris notre foi, la foi est une chose vivante.
Alors que vous continuez à vivre, votre foi grandit. C’est la même chose dans toutes les traditions spirituelles et nous ne devons pas craindre l’arrivée d’un changement dans notre façon de croire. En fait, lorsque les choses arrêtent de se développer, la vie devient impossible. D’une part, nous savons que sans foi nous ne pouvons pas vivre, nous ne pouvons pas être heureux. D’autre part, nous savons que la foi est quelque chose qui change. Il y a donc le risque de perdre votre foi et dans ce cas vous devenez une sorte de fantôme affamé.
C’est pourquoi notre attitude vis-à-vis de la foi est très importante. Nous devons prendre soin de notre croyance, de notre foi, d’une façon très sage, de sorte que notre foi se développe dans la direction qui nous apportera plus de paix et de joie.
Il y a plusieurs années vous aviez une idée à propos du Bouddha, cette idée était en rapport avec votre foi dans le bouddhisme. Maintenant après plusieurs années de pratique vos notions à propos du Bouddha ont beaucoup changé et bien sûr votre foi a aussi changé. Donc votre foi dépend de vos notions, de votre perception, de vos études, de votre pratique. Nous devons abandonner nos perceptions, nos notions, de façon à avoir une perception meilleure, une foi meilleure. Nous ne pouvons pas nous associer une seule notion à un objet unique de notre foi.
D’abord il se peut que nous croyions que la réincarnation correspond à l’idée que l’âme entre dans le corps. Nous pouvons dire que l’âme est permanente et le corps impermanent. Lorsque nous nous débarrassons d’un corps nous pouvons entrer à nouveau dans un autre corps. L’immortalité de l’âme et l’impermanence du corps, c’est peut-être une première notion de réincarnation. Il se peut que nous commencions comme cela et que nous nous appelions bouddhistes, c’est accepté pour un débutant. Mais si vous continuez à être un bouddhiste vous devez pratiquer plus et l’idée de l’immortalité de l’âme doit faire place à une autre idée plus proche de la réalité.
Si vous étudiez les soutras, si vous pratiquez l’observation de votre esprit ; vous verrez qu’il n’y a rien de permanent dans l’ensemble des cinq skandas : le corps, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Tout change constamment. Il n’y a pas une seule chose qui reste identique pendant deux moments consécutifs. Vous voyez que non seulement le corps, mais aussi l’âme est impermanente, parce que l’âme est faite d’éléments tels que les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. En dehors de ces éléments il n’y a rien que vous puissiez appeler une âme. L’idée d’immortalité de l’âme doit être remplacée et votre compréhension de la réincarnation sera plus proche de la réalité.
On appelle bouddhisme populaire le bouddhisme des masses. Mais si vous continuez, vous entrez dans un autre bouddhisme : le bouddhisme profond ; et c’est un domaine que nous explorons. A cause de cette exploration nous sommes plus proches de la réalité de nous-même et du Dharma. L’idée de réincarnation est encore là mais notre compréhension est différente.
Ré-in-carnation : "carn", c’est la chair. L’idée consiste en ce qu’il y ait une âme, un corps et l’âme pénètre dans le corps. Dans le bouddhisme on n’utilise pas le mot réincarnation mais le mot renaissance, parce que la notion de réincarnation implique l’existence d’une âme immortelle qui entre et sort du corps et entre à nouveau dans un autre corps. Il n’existe rien de tel que cette âme immortelle qui sort d’un corps pour entrer dans un autre. L’utilisation du mot renaissance est perçue comme quelque chose d’inadéquat parce que le mot naissance représente quelque chose qui n’existe pas vraiment si nous sommes capables de toucher la réalité de la non-naissance et de la non-mort.
Etre né veut dire qu’à partir de rien on devient quelque chose et que de quelque chose on devient rien lorsque l’on meurt. J’existe pendant tant d’années et tout d’un coup je cesse d’exister. C’est la notion habituelle de mort et de naissance. Observant ce qui nous entoure nous voyons que rien ne fonctionne ainsi.
Il y a une fleur et nous pensions que c’est quelque chose qui vient de rien. Mais avant sa naissance la fleur existe sous une autre forme. Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance et de mort et nous utilisons le mot de remanifestation. La naissance de la fleur c’est un jour de remanifestation. La fleur était donc déjà là sous une certaine forme mais nous n’étions pas capable de la reconnaître. Vishnapti veut dire se manifester de façon à ce que les gens reconnaissent et perçoivent. L’idée de manifestation implique l’idée d’une manifestation antérieure. Cette chose est toujours là. Si les conditions sont suffisantes cette chose peut à nouveau se manifester. Et, lorsque nous voyons les choses se manifester, nous disons qu’elles sont nées mais en fait elles ne sont pas nées, elles se manifestent. Parce qu’être né c’est à partir de rien. Donc il y a eu quelque chose avant qu’il y ait manifestation.
Les notions de naissance, d’existence, de venir, de paraître sont des notions que nous appliquons à une chose après qu’elle se soit manifestée. Avant la manifestation de cette fleur nous ne la voyons pas. Nous disons : la fleur n’est pas encore née. Lorsqu’elle se manifeste nous disons : la fleur est née, elle est arrivée. Etre né, être arrivé, c’est s’être manifesté et lorsque la fleur à cause d’un manque de conditions nécessaires arrête de se manifester nous disons qu’elle n’est plus. Donc toutes nos notions comme la naissance, la mort, l’être, le non-être , venir, partir, toutes ces notions doivent être transcendées. La réalité est en dehors de ces notions. Lorsque nous étudions le bouddhisme et pratiquons le regard profond nous nous libérons de toutes ces idées. Nous avons toujours une croyance et elle est de plus en plus solide et personne ne peut nous l’enlever, parce que notre croyance n’est pas faite de notions mais de la réalité.
Au début on peut croire à la réincarnation et grâce à cette croyance vous avez l’impression d’être sur un chemin, mais lorsque vous commencez à pratiquer votre idée sur la réincarnation change. Au début vous avez l’idée de cette âme immortelle qui entre dans un corps et qui en sort pour entrer dans un autre. Mais, comme vous observez profondément à l’intérieur et à l’extérieur vous comprenez que cette notion est un peu naïve. Donc vous transcendez cette notion et ainsi votre foi se développe. Comme la croissance de votre foi est basée sur l’observation véritable, vous avez toujours votre croyance et elle continue à vous apporter de la joie, vous savez que même si votre croyance change demain, vous n’aurez pas peur parce que vous approchez de plus en plus la réalité. Il n’y a aucun risque de ne plus avoir de croyance parce que vous avez décidé d’être un avec la réalité. Si vous décidez de vous attacher à un concept vous risquez de douter et alors, vous allez plonger dans la nuit de la non-croyance et c’est un moment très difficile dans une vie.
Au début de votre pratique du bouddhisme vous avez une notion du Bouddha, du Dharma et de la Sangha. Vous exprimez votre désir de prendre refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Votre croyance dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha est basée sur votre compréhension des trois joyaux à ce moment. Mais alors que vous pratiquez, vos notions de Bouddha, de Dharma et de Sangha ont changé et c’est une bonne chose. Parce que si dix années passent sans que votre croyance évolue vous risquez de vous réveiller et de ne plus croire en ce que vous croyiez. Il semble que cette notion n’est plus valable et vous êtes plongé dans l’obscurité de la non-croyance. Nous ne devons pas accepter une chose comme la vérité et la garder comme une notion en nous. Nous devons observer cette chose chaque jour nous devons toucher la réalité de notre vie spirituelle chaque jour et c’est une façon très sûre de nous occuper de notre croyance.
Au Village des Pruniers vous avez appris que le Bouddha est une personne éveillée qui a beaucoup de compréhension et de compassion. Vous apprenez que vous aussi vous avez l’éveil et que vous pouvez cultiver la compréhension et la compassion. On vous donne des instructions pour y arriver. On vous explique qu’il y a une semence de Pleine Conscience en vous. Si vous voulez arroser cette semence chaque jour, si vous pratiquez le toucher de cette semence chaque jour, cette semence va se développer et vous procurer l’énergie de la compassion, de la compréhension, de l’amour, de la joie. En pratiquant vous remarquez que l’enseignement est vrai parce que votre compréhension, votre tolérance et votre compassion se développent chaque jour. A cause de cela (l’expérience directe de la pratique) vous croyez dans la pratique de la Pleine Conscience et personne ne peut retirer cette croyance de vous. On vous dit que l’essence de Bouddha c’est I énergie de la Pleine Conscience en lui ou en elle. On vous dit que vous avez cette semence de Pleine Conscience et que vous avez la capacité d’un Bodhisattva. Et comme l’énergie de la Pleine Conscience c’est l’essence d’un Bouddha ou d’un Bodhisattva, vous savez que le Bouddha et le Bodhisattva sont là. Parce que chaque fois que vous êtes soutenu, que vous êtes motivé, que vous êtes éveillé par l’énergie de la Pleine Conscience vous vous sentez bien, joyeux, vivant vous sentez la force en vous et donc l’énergie de la Pleine Conscience est l’objet de votre croyance. Si vous croyez en la Pleine Conscience en vous-même ; votre croyance dans le Bouddha sera identique à cela. Donc vous n’avez pas besoin d’aller en Inde pour rencontrer le Bouddha. Vous n’avez pas besoin de retourner 2600 ans en arrière pour rencontrer le Bouddha. Vous savez que vous pouvez rencontrer le Bouddha dans l’ici et le maintenant chaque fois et où vous -le voulez. L’autre jour, j’ai dit que si j’entends que le Bouddha est maintenant dans l’état de Bihar en Inde au pied de la montagne Gridakuta, que si l’on veut le rencontrer et pratiquer la méditation marchée il faut acheter un ticket d’avion. Je ne suis pas tenté de faire cela parce que je sais que je peux être avec le Bouddha. Je peux le faire tout de suite, je n’ai pas besoin d’aller où que ce soit pour le faire. Et nous tous pouvons le faire parce que le Bouddha n’est pas une image pour nous ce n’est pas plus une notion. C’est quelque chose de plus substantiel que l’on peut toucher à chaque moment et si vous avez ce genre de foi vous êtes réconforté, personne ne peut vous enlever cela et au moment de mourir vous serez fort parce que vous savez qu’il n’y a ni mort ni naissance mais seulement des manifestations et des cessations de manifestation.
Au mois d’avril on ne peut voir aucun tournesol autour du Village des Pruniers et on pourrait dire qu’ils ne sont pas là. Pourtant les graines de tournesol ont déjà été plantées, les fermiers ont tout préparé et ils sont conscients de cela. Lorsqu’ils regardent les collines et les champs vides ils peuvent déjà voir les champs couverts de fleurs. Il se peut que nous ayons l’impression que les tournesols n’existent pas à ce moment là, mais cette notion ne correspond pas à la réalité. Les tournesols sont là mais il manque quelques conditions comme la chaleur des mois de juillet et d’août. C’est la raison pour laquelle nous ne voyons pas de tournesol. Alors qu’il marchait seul, Saint François d’Assise s’est approché d’un amandier, il a regardé profondément cet arbre et lui a demandé : "Parle moi de Dieu". Et tout d’un coup l’amandier s’est couvert de fleurs. Lorsque j’ai lu cette histoire, j’ai eu l’impression de lire une histoire zen, parce que les histoires zen ressemblent à cette histoire.
Si au mois d’Avril, en marchant, vous passez près d’un champs de tournesols, demandez aux collines de vous montrer le Royaume des Cieux, la Terre Pure. Il se peut que le champ se couvre tout d’un coup de tournesols. En fait les fermiers qui ont planté les semences savent qu’elles sont là et ils sont capables de voir les fleurs. Il suffit d’être ici en juillet pour voir tout le champ couvert de tournesols.
Dans le bouddhisme nous parlons en termes de dimension historique et de dimension ultime. Dans la première nous voyons plusieurs signes comme la naissance, la mort, l’être, le non-être, l’aller, le venir.
Dans la dimension historique vous pouvez penser que le Bouddha vivait il y a 2600 ans et qu’il vous faudra peut être attendre de très nombreuses années avant qu’un autre Bouddha apparaisse. Il se peut que vous planifiez votre vie d’après cette opinion, mais si vous choisissez la dimension ultime vous verrez que vous pouvez tenir la main du Bouddha pour partir en méditation marchée immédiatement.
Les deux dimensions sont une. Vous ne pouvez pas imaginer la dimension ultime distincte de la dimension historique. C’est comme les vagues et l’eau. Les vagues vues à la surface de l’océan représentent la dimension historique mais la substance qui crée la vague, c’est l’eau et bien que les vagues semblent avoir un début, une fin, un haut et un bas, l’eau dans les vagues ne peut pas être décrite par ces caractéristiques.
La dimension ultime ne dépend pas des signes, des notions d’existence, de non-existence, de l’aller et du venir. Nous savons que l’eau et les vagues sont unes et nous ne pouvons pas séparer l’une de l’autre. La dimension historique est une avec la dimension ultime. Si vous savez toucher les vagues profondément, vous pouvez toucher l’eau. Si vous savez toucher profondément le monde de la naissance et de la mort, de l’aller et du venir, vous pouvez toucher le monde de la non-naissance et de la non- mort, du non-aller et venir. C’est cela, notre pratique de chaque jour. II faut vivre votre vie de telle façon que vous puissiez toucher la dimension ultime plusieurs fois par jour, sinon tout le temps.
Supposez que vous regardiez ce pot de fleurs. Si vous êtes en Pleine Conscience, et il y a des façons d’être en Pleine conscience comme par exemple respirer, s’incliner profondément devant la fleur. Tout d’un coup la fleur se révèle à vous : la fleur est une manifestation et nous même sommes une manifestation. Les fleurs représentent tout le cosmos, l’infini, dans le temps et dans l’espace et nous aussi.
Si vous continuez à être là, à observer alors vous pouvez toucher la dimension ultime de la fleur et vous touchez votre propre dimension ultime. A ce moment vous pouvez vous établir dans la dimension ultime, libéré des notions de naissance et de mort, d’aller et de venir, d’être et de non être.
Vous ne voyez pas seulement la présence de la fleur comme une chose merveilleuse mais aussi la manifestation de vous-même comme une chose merveilleuse. Selon votre regard profond vous toucherez plus ou moins profondément la dimension ultime de la fleur et de vous-même. Le Bouddha nous offre le genre de pratique qui peut nous aider à toucher la dimension ultime.
L’autre jour je parlais de la pratique de toucher la terre. Chaque soir avant ou après la méditation assise nous faisons trois, cinq ou six prosternations. En joignant les paumes de mains, en vous inclinant vous vous voyez en contact avec tous les ancêtres. Ancêtres spirituels et ancêtres de la famille, vous vous voyez comme la continuation de ces ancêtres, vous voyez qu’ils sont vous-même et vous voyez aussi vos enfants et petits enfants et disciples présents dans ce moment. Dans l’acte de toucher la terre, vous vous rendez à la terre pour être avec le courant d’être que vous êtes vraiment. A ce moment vous êtes vos ancêtres mais aussi les générations futures. Simplement en touchant la terre de cette façon vous touchez la dimension ultime. Restant ainsi pendant quelques minutes :inspirez, expirez et vous vous voyez comme étant chaque personne de la lignée. A ce moment là vous n’êtes plus pris par la notion de moi tel que :" Je suis ce corps ". Le Bouddha a dit :
" Ces yeux ne sont pas moi, je suis plus que ces yeux ". Touchant la terre pour la seconde fois il se peut que vous soyez tout d’un coup un avec la terre, avec les montagnes, avec les pins. Touchant la terre, vous êtes tout : la fleur, la table. Vous êtes libres des notions de moi. A ce moment vous touchez la dimension ultime.
Il se peut que vous fassiez cela par respect pour le Bouddha et les ancêtres. Vous restez vous-même et les ancêtres restent eux-mêmes. Une personne distincte s’incline pour montrer sa gratitude envers les ancêtres. Cette pratique est utile mais en continuant vous allez approfondir et en vous inclinant vous toucherez la dimension ultime.
Si nous pouvons toucher la dimension ultime une transformation se passe en nous. La peur, la douleur commencent à se transformer. La joie, la liberté, la paix vont se développer en nous, nous nous sentons bien en nous-mêmes. Nous sentons que l’amour et la compréhension nous habitent et les gens, les arbres, l’eau et l’air autour de nous vont sentir la même chose.
Décembre 1994
Thich Nhat Hanh
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