Notre état naturel, c’est le bonheur...
Par Chokyi Nyima Rimpoche
Extrait de la revue Buddhadharma, trad. Joshin Sensei
Nous savons tous, intellectuellement du moins, que le dharma du Bouddha n’est pas seulement un pratiquer sur notre coussin de méditation. Mais, occupé à courir dans notre vie quotidienne, nous oublions que la qualité de notre pratique formelle est intimement liée à la qualité de notre esprit, instant après instant.
C’est pourquoi nous pouvons tous enrichir notre vie et la vie des autres en pratiquant les cinq nobles qualités qui sont à la portée de tous : la satisfaction, la réjouissance (au sens de : se réjouir de qqc.), le pardon, le bon coeur et l’attention (ou la présence).
La nature originelle de notre esprit est essentiellement bonne. Le Bouddha a enseigné que tous les êtres sont des bouddhas, recouverts d’une obscurité momentanée. La véritable identité de tous les êtres vivants, pas seulement des êtres humains, est un état d’ainseité (suchness) inconditionnée. C’est la nature originelle telle qu’elle est, pure et parfaite. Nous avons cette capacité inhérente de prendre soin des autres, et de comprendre : cela ne vient pas de notre éducation ni de notre milieu. Pratiquer le dharma signifie simplement développer et nourrir ces qualités intrinsèques. Ceci est notre tâche, notre responsabilité. Selon nous, cette possibilité de prendre soin inclut à la fois la gentillesse aimante (loving kindness, karuna) et la compassion. Nous travaillons à ces deux qualités jusqu’à ce qu’elles soient sans limites, complètement libres de partialité. La capacité de comprendre, lorsqu’elle est complètement déployée, s’appelle « la sagesse qui réalise le non-moi », une compréhension qui voit le fait que le soi, ou l’identité personnelle, n’a pas d’existence réelle.
Il y a beaucoup de méthodes pour déployer à l’infini notre gentillesse et notre compassion et réaliser la vue juste. La satisfaction en est une. Ce n’est pas vrai seulement pour les gens qui suivent un chemin spirituel, mais pour tous. Le mécontentement ruine toutes les possibilités de bonheur et de bien-être, mais le vrai bonheur est immédiatement présent au moment ou l’on se sent content et satisfait.
A partir d’aujourd’hui, et quoi qu’il arrive, appréciez donc ce que vous avez – quoi que ce soit : le confort d’une maison, le plaisir de ce que vous possédez, la bonté des personnes qui vous entourent. Le bonheur est déjà présent et accessible pour chacun de nous.
Souvent quand on imagine ce qui nous rendrait heureux, nous pensons à quelque chose que nous n’avons pas encore réussi à posséder : « C’est presque ça... j’y suis presque, mais... Je vais réussir, c’est juste qu’il me manque encore... » Aussi longtemps que la réalisation de nos désirs est à distance, nous allons rester insatisfaits. Quand nous n’avons pas ce que nous voulons, nous ne sommes pas heureux. Ironiquement, quand nous avons ce que nous cherchions, ce n’est pas satisfaisant, et nous ne sommes toujours pas heureux... L’herbe est toujours plus verte de l’autre côté ! (...) Quand nous y regardons de près, nous voyons que la base du bonheur est toujours seulement un état d’esprit. C’est pour cela que ceux qui sont vraiment heureux sont ceux qui apprécient ce qu’ils ont. Dès que nous sommes satisfait, plus rien ne manque. C’est le bon sens des enseignements du Bouddha !
C’est très simple : pas besoin de grands efforts pour être heureux, juste apprécier ce que nous avons ; même si notre vie est très simple, nous pouvons penser : « Cette fleur est vraiment belle... » ou « cette eau est délicieuse... ». Si nous sommes trop difficiles, toujours en train de penser que ceci ou cela ne va pas, rien ne sera jamais parfait. Nous devons apprendre à être satisfait afin que ce que nous avons soit précieux, réel et beau. Sinon, nous allons toujours courir après des mirages.
La seconde noble qualité est la réjouissance. Nos émotions négatives obscurcissent notre bonté naturelle ; le Bouddha a dit qu’il y a 84.000 sortes d’émotions négatives, et parmi celles-là, deux en particulier posent problème, car il est difficile d’en prendre conscience : la fierté et l’envie. L’envie est une de nos plus grandes souffrances morales, et des plus inutiles ! Se réjouir pour les autres, pour ce qu’ils vivent ou ce qu’ils possèdent,est le remède à cette torture auto-imposée. Nous pouvons mentalement partager le bonheur d’autrui : y a-t-il un moyen plus facile d’atteindre le bonheur ?
La troisième noble qualité est le pardon : la fierté peut être très forte, même quand on aime quelqu’un, parfois notre coeur nous dit : « Le mieux est juste de pardonner », mais derrière cette voix, il y en a une autre qui dit : « Non, ne fais pas ça. Tu es dans ton bon droit. Tu n’as rien fait de mal ». C’est la fierté qui nous empêche de pardonner aux autres, pourtant le pardon est un acte très sain et très beau.
Pardonner et s’excuser ont le pouvoir de complètement guérir les blessures, mais nous devons comprendre quand et comment les utiliser : le moment juste, la façon juste, les mots justes, et même l’attitude du corps juste. Mais lorsque nous le faisons avec tout notre coeur, nous serons toujours capable d’obtenir la paix, le respect et la compréhension mutuelle. Et le bon coeur, la quatrième noble qualité, est la plus importante. Là aussi, nous devons rechercher ce qu’est le vrai bien-être, en fait, à la fois dans le présent et le long terme. La source du bonheur et du bien-être n’est pas seulement l’attention aimante et la compassion mais aussi une compréhension et une vision juste de la réalité, car celui qui reconnaît pleinement la réalité est un Tathagata, un être pleinement éveillé. Et inversement, la source de la souffrance est la haine, l’avidité et l’esprit étroit. Ce sont les racines d’où grandissent tous nos problèmes. Par « vision juste », j’entends, connaître la nature des choses, juste comme elle est : la nature basique, fondamentale de ce qui est. Cette compréhension va de pair avec la façon dont nous expérimentons les choses. Tout ce qui nous apparaît semble réel et solide, mais n’est en fait qu’une simple impression de quelque chose qui se produit comme résultat de causes et de conditions. En elles-mêmes, et par elles-mêmes, les choses ne possèdent pas même une ombre d’existence solide. C’est pourquoi le Bouddha enseigna que tous les phénomènes sont la vacuité, et qu’ils se produisent par la donc important d’étudier les douze liens de la production co-dépendante, à la fois externes et internes. Ceci nous permettra de voir que l’esprit est de toute première importance : tout dépend de lui. Tout ce qui expérimenté, ressenti ou perçu est dépendant de l’esprit – d’un expérimentateur expérimentant, observant, connaissant.
Par exemple, le Bouddha dit que toutes les choses composées sont impermanentes et non-réelles. Nous avons toutefois le sentiment instinctif que les choses sont bien réelles et permanentes. Le Bouddha nous pose là un défi : il nous dit que nous n’avons pas pris la peine de regarder de près, ni de questionner nos propres croyances. Lorsque nous le faisons, nous voyons que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent. Elles sont re-formées, encore et encore, à travers les causes et les circonstances, à chaque moment. Quand nous poussons cette recherche, nous voyons que les choses sont composées de parties de plus en plus petites, les molécules, les atomes, et encore de plus petites particules. A la fin, on pourrait trouver que même les atomes n’existent pas vraiment. Dans les vers du Chemin du Milieu, Nagarjuna écrit que puisqu’on ne peut pas trouver du formé qui existe, l’in-formé ne peut donc pas non plus exister. Il dit que le samsara est dans notre pensée. Quand nous sommes libres de la pensée, c’est la véritable liberté. La découverte d’un état naturel nonconditionné implique un processus d’apprentissage, de réflexion, et de méditation. Le plus important est la méditation. C’est ce qui permet à notre bonté basique de se manifester. Pour réussir cela, il nous faut notre vie quotidienne. La première étape vers le développement de la gentillesse est l’attention, la présence : rendre notre esprit aussi tranquille et clair que possible, ce qui est la cinquième qualité. C’est une chose que nous pouvons pratiquer chaque jour, partout, en toutes circonstances. Nous pouvons être conscient de chaque moment. Que sommes-nous en train de dire, de penser ? Comment sommes-nous en train de bouger ? Soyez attentif à chaque moment, avant de bouger, avant de parler, et en bougeant, en parlant. Ceci est l’attention, que vous pouvez développer dès aujourd’hui.
La méditation la plus profonde est absolument sans effort mais nous n’avons pas l’habitude d’être comme ça ; nous sommes dans l’effort délibéré, qu’ils soit mental, verbal ou physique. L’ainseité inconditionnée – « juste comme cela » – qui est notre état naturel transcende toutes les constructions mentales et est sans-effort. Apprendre et réfléchir sont importants et demandent un effort, (mais pas la méditation).
Il y a deux facteurs qui nous aident à voir face à face ce « juste comme cela », notre nature basique, mais ils ne sont pas faciles à acquérir. L’un est l’amour et la compassion sans limite ; chaque fois que l’amour nous déborde, quand la gentillesse et la compassion forment un socle indestructible, c’est le moment disponible pour vous pour réaliser l’état naturel non conditionné. L’autre facteur est la dévotion sincère, envers cet état inconditionné, et la pure perception inébranlable de cet état. De là naissent spontanément la perception de ceux qui ont réalisé cet état naturel inconditionné, et peuvent l’enseigner aux autres, et un respect immense envers eux.
Ceci inclut une appréciation pure de tous ceux qui pratiquent les enseignements du Bouddha. En bref, la pratique bouddhiste réelle est d’essayer de notre mieux de faire apparaître chez tous les êtres la vraie source du bonheur et du bien-être – l’amour sans limite et la compassion et la réalisation certaine de l’état naturel, la nature originelle non- conditionnée – tout en enlevant en même temps les causes de la souffrance, que sont la haine, l’avidité, et l’esprit étroit. C’est cela que signifie vraiment : « avoir bon coeur ». L’amour et la compassion peuvent être déployés jusqu’à ce qu’ils deviennent sans limite, véritables et impartiaux, ne faisant aucune distinction entre ami, ennemi ou étranger. Nous devons poursuivre nos efforts jusqu’à ce que nous ayons enlevé même le plus petit obstacle à notre amour et à notre compassion. Alors seulement, lorsqu’ils seront sans limite, ils seront aussi vraiment sans effort.
Pendant ce temps, notre persévérance devrait être joyeuse et spontanée. Une telle persévérance nous rend conscient de notre état naturel inconditionné, ce n’est donc pas une admiration, une attente ni un désir. Lorsque notre compréhension de cette nature profonde devient plus solide, plus profonde, une certitude, une confiance se développent. La compassion spontanée, sans effort, commence à fleurir, alors même que vous pratiquez, après avoir reconnu vraiment l’état naturel du « juste comme cela ». Cette compassion sincère irradie du plus profond du coeur, vous n’y êtes pour rien : elle coule tout naturellement.
Avant de devenir conscient de cet état naturel, vous êtes dans l’obscurité, créant des états douloureux tout le temps, mais en pratiquant continuellement comme cela, vous vous apercevez que sous toute chose, il y a un état naturel inconditionné. La douleur et l’inquiétude diminuant, cet état de confusion s’atténue de plus en plus. Nous commençons à remarquer que chaque émotion égoïste diminue et s’adoucit de son propre fait. Alors, vous commencez à comprendre vraiment ce que ressentent les autres. Vous pouvez vous demander : Que puis-je faire pour les aider ? Si je ne les aide pas, qui le fera ?
C’est là que la véritable compassion vous emplit, et qu’une dévotion sincère, inamovible commence à croître en vous-même. Nous appelons cela l’aube de la confiance irréversible, ou indestructible.
Cette confiance vraie commence avec la foi dans l’enseignement qui révèle cette nature. Une fois que vous avez expérimenté par vous- même qu’il marche, bien sûr, vous prenez confiance. Cela est aussi dirigé vers la source des instructions, la personne qui vous les donnent. Ceci est la vraie dévotion. Ces deux choses, compassion sans effort et dévotion irréversible, unissent leurs forces pour que votre pratique devienne de plus en plus profonde. Elle devient inébranlable, comme lorsqu’un fort coup de vent amène un feu bien nourri à brûler encore plus haut et plus vif. Le grand Maître Atisha se demandait ce que signifiait avoir vraiment appris, et concluait que la véritable sagesse est de comprendre l’état sans ego. La véritable éthique est d’avoir dompté et adouci votre propre coeur ; quelqu’un qui prend soin, qui est vraiment attentif et consciencieux a réalisé cette véritable éthique. Quelle est la première des vertus ? Atisha dit que c’est d’avoir un sens profond du soin qui va apporter bonheur et bien-être aux autres. Quel est le plus important signe de réussite, d’accomplissement ? Non pas la clairvoyance, ni les pouvoirs miraculeux, mais d’avoir moins d’émotions égoïstes. Cela peut sembler des mots simples, mais ils sont très profonds et vous apporteront beaucoup si vous les mettez dans votre coeur.
(Traduction Joshin Sensei).
Chokyi Nyima Rimpoche
Source: http://www.buddhaline.net/spip.php?article1167
Par Chokyi Nyima Rimpoche
Extrait de la revue Buddhadharma, trad. Joshin Sensei
Nous savons tous, intellectuellement du moins, que le dharma du Bouddha n’est pas seulement un pratiquer sur notre coussin de méditation. Mais, occupé à courir dans notre vie quotidienne, nous oublions que la qualité de notre pratique formelle est intimement liée à la qualité de notre esprit, instant après instant.
C’est pourquoi nous pouvons tous enrichir notre vie et la vie des autres en pratiquant les cinq nobles qualités qui sont à la portée de tous : la satisfaction, la réjouissance (au sens de : se réjouir de qqc.), le pardon, le bon coeur et l’attention (ou la présence).
La nature originelle de notre esprit est essentiellement bonne. Le Bouddha a enseigné que tous les êtres sont des bouddhas, recouverts d’une obscurité momentanée. La véritable identité de tous les êtres vivants, pas seulement des êtres humains, est un état d’ainseité (suchness) inconditionnée. C’est la nature originelle telle qu’elle est, pure et parfaite. Nous avons cette capacité inhérente de prendre soin des autres, et de comprendre : cela ne vient pas de notre éducation ni de notre milieu. Pratiquer le dharma signifie simplement développer et nourrir ces qualités intrinsèques. Ceci est notre tâche, notre responsabilité. Selon nous, cette possibilité de prendre soin inclut à la fois la gentillesse aimante (loving kindness, karuna) et la compassion. Nous travaillons à ces deux qualités jusqu’à ce qu’elles soient sans limites, complètement libres de partialité. La capacité de comprendre, lorsqu’elle est complètement déployée, s’appelle « la sagesse qui réalise le non-moi », une compréhension qui voit le fait que le soi, ou l’identité personnelle, n’a pas d’existence réelle.
Il y a beaucoup de méthodes pour déployer à l’infini notre gentillesse et notre compassion et réaliser la vue juste. La satisfaction en est une. Ce n’est pas vrai seulement pour les gens qui suivent un chemin spirituel, mais pour tous. Le mécontentement ruine toutes les possibilités de bonheur et de bien-être, mais le vrai bonheur est immédiatement présent au moment ou l’on se sent content et satisfait.
A partir d’aujourd’hui, et quoi qu’il arrive, appréciez donc ce que vous avez – quoi que ce soit : le confort d’une maison, le plaisir de ce que vous possédez, la bonté des personnes qui vous entourent. Le bonheur est déjà présent et accessible pour chacun de nous.
Souvent quand on imagine ce qui nous rendrait heureux, nous pensons à quelque chose que nous n’avons pas encore réussi à posséder : « C’est presque ça... j’y suis presque, mais... Je vais réussir, c’est juste qu’il me manque encore... » Aussi longtemps que la réalisation de nos désirs est à distance, nous allons rester insatisfaits. Quand nous n’avons pas ce que nous voulons, nous ne sommes pas heureux. Ironiquement, quand nous avons ce que nous cherchions, ce n’est pas satisfaisant, et nous ne sommes toujours pas heureux... L’herbe est toujours plus verte de l’autre côté ! (...) Quand nous y regardons de près, nous voyons que la base du bonheur est toujours seulement un état d’esprit. C’est pour cela que ceux qui sont vraiment heureux sont ceux qui apprécient ce qu’ils ont. Dès que nous sommes satisfait, plus rien ne manque. C’est le bon sens des enseignements du Bouddha !
C’est très simple : pas besoin de grands efforts pour être heureux, juste apprécier ce que nous avons ; même si notre vie est très simple, nous pouvons penser : « Cette fleur est vraiment belle... » ou « cette eau est délicieuse... ». Si nous sommes trop difficiles, toujours en train de penser que ceci ou cela ne va pas, rien ne sera jamais parfait. Nous devons apprendre à être satisfait afin que ce que nous avons soit précieux, réel et beau. Sinon, nous allons toujours courir après des mirages.
La seconde noble qualité est la réjouissance. Nos émotions négatives obscurcissent notre bonté naturelle ; le Bouddha a dit qu’il y a 84.000 sortes d’émotions négatives, et parmi celles-là, deux en particulier posent problème, car il est difficile d’en prendre conscience : la fierté et l’envie. L’envie est une de nos plus grandes souffrances morales, et des plus inutiles ! Se réjouir pour les autres, pour ce qu’ils vivent ou ce qu’ils possèdent,est le remède à cette torture auto-imposée. Nous pouvons mentalement partager le bonheur d’autrui : y a-t-il un moyen plus facile d’atteindre le bonheur ?
La troisième noble qualité est le pardon : la fierté peut être très forte, même quand on aime quelqu’un, parfois notre coeur nous dit : « Le mieux est juste de pardonner », mais derrière cette voix, il y en a une autre qui dit : « Non, ne fais pas ça. Tu es dans ton bon droit. Tu n’as rien fait de mal ». C’est la fierté qui nous empêche de pardonner aux autres, pourtant le pardon est un acte très sain et très beau.
Pardonner et s’excuser ont le pouvoir de complètement guérir les blessures, mais nous devons comprendre quand et comment les utiliser : le moment juste, la façon juste, les mots justes, et même l’attitude du corps juste. Mais lorsque nous le faisons avec tout notre coeur, nous serons toujours capable d’obtenir la paix, le respect et la compréhension mutuelle. Et le bon coeur, la quatrième noble qualité, est la plus importante. Là aussi, nous devons rechercher ce qu’est le vrai bien-être, en fait, à la fois dans le présent et le long terme. La source du bonheur et du bien-être n’est pas seulement l’attention aimante et la compassion mais aussi une compréhension et une vision juste de la réalité, car celui qui reconnaît pleinement la réalité est un Tathagata, un être pleinement éveillé. Et inversement, la source de la souffrance est la haine, l’avidité et l’esprit étroit. Ce sont les racines d’où grandissent tous nos problèmes. Par « vision juste », j’entends, connaître la nature des choses, juste comme elle est : la nature basique, fondamentale de ce qui est. Cette compréhension va de pair avec la façon dont nous expérimentons les choses. Tout ce qui nous apparaît semble réel et solide, mais n’est en fait qu’une simple impression de quelque chose qui se produit comme résultat de causes et de conditions. En elles-mêmes, et par elles-mêmes, les choses ne possèdent pas même une ombre d’existence solide. C’est pourquoi le Bouddha enseigna que tous les phénomènes sont la vacuité, et qu’ils se produisent par la donc important d’étudier les douze liens de la production co-dépendante, à la fois externes et internes. Ceci nous permettra de voir que l’esprit est de toute première importance : tout dépend de lui. Tout ce qui expérimenté, ressenti ou perçu est dépendant de l’esprit – d’un expérimentateur expérimentant, observant, connaissant.
Par exemple, le Bouddha dit que toutes les choses composées sont impermanentes et non-réelles. Nous avons toutefois le sentiment instinctif que les choses sont bien réelles et permanentes. Le Bouddha nous pose là un défi : il nous dit que nous n’avons pas pris la peine de regarder de près, ni de questionner nos propres croyances. Lorsque nous le faisons, nous voyons que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent. Elles sont re-formées, encore et encore, à travers les causes et les circonstances, à chaque moment. Quand nous poussons cette recherche, nous voyons que les choses sont composées de parties de plus en plus petites, les molécules, les atomes, et encore de plus petites particules. A la fin, on pourrait trouver que même les atomes n’existent pas vraiment. Dans les vers du Chemin du Milieu, Nagarjuna écrit que puisqu’on ne peut pas trouver du formé qui existe, l’in-formé ne peut donc pas non plus exister. Il dit que le samsara est dans notre pensée. Quand nous sommes libres de la pensée, c’est la véritable liberté. La découverte d’un état naturel nonconditionné implique un processus d’apprentissage, de réflexion, et de méditation. Le plus important est la méditation. C’est ce qui permet à notre bonté basique de se manifester. Pour réussir cela, il nous faut notre vie quotidienne. La première étape vers le développement de la gentillesse est l’attention, la présence : rendre notre esprit aussi tranquille et clair que possible, ce qui est la cinquième qualité. C’est une chose que nous pouvons pratiquer chaque jour, partout, en toutes circonstances. Nous pouvons être conscient de chaque moment. Que sommes-nous en train de dire, de penser ? Comment sommes-nous en train de bouger ? Soyez attentif à chaque moment, avant de bouger, avant de parler, et en bougeant, en parlant. Ceci est l’attention, que vous pouvez développer dès aujourd’hui.
La méditation la plus profonde est absolument sans effort mais nous n’avons pas l’habitude d’être comme ça ; nous sommes dans l’effort délibéré, qu’ils soit mental, verbal ou physique. L’ainseité inconditionnée – « juste comme cela » – qui est notre état naturel transcende toutes les constructions mentales et est sans-effort. Apprendre et réfléchir sont importants et demandent un effort, (mais pas la méditation).
Il y a deux facteurs qui nous aident à voir face à face ce « juste comme cela », notre nature basique, mais ils ne sont pas faciles à acquérir. L’un est l’amour et la compassion sans limite ; chaque fois que l’amour nous déborde, quand la gentillesse et la compassion forment un socle indestructible, c’est le moment disponible pour vous pour réaliser l’état naturel non conditionné. L’autre facteur est la dévotion sincère, envers cet état inconditionné, et la pure perception inébranlable de cet état. De là naissent spontanément la perception de ceux qui ont réalisé cet état naturel inconditionné, et peuvent l’enseigner aux autres, et un respect immense envers eux.
Ceci inclut une appréciation pure de tous ceux qui pratiquent les enseignements du Bouddha. En bref, la pratique bouddhiste réelle est d’essayer de notre mieux de faire apparaître chez tous les êtres la vraie source du bonheur et du bien-être – l’amour sans limite et la compassion et la réalisation certaine de l’état naturel, la nature originelle non- conditionnée – tout en enlevant en même temps les causes de la souffrance, que sont la haine, l’avidité, et l’esprit étroit. C’est cela que signifie vraiment : « avoir bon coeur ». L’amour et la compassion peuvent être déployés jusqu’à ce qu’ils deviennent sans limite, véritables et impartiaux, ne faisant aucune distinction entre ami, ennemi ou étranger. Nous devons poursuivre nos efforts jusqu’à ce que nous ayons enlevé même le plus petit obstacle à notre amour et à notre compassion. Alors seulement, lorsqu’ils seront sans limite, ils seront aussi vraiment sans effort.
Pendant ce temps, notre persévérance devrait être joyeuse et spontanée. Une telle persévérance nous rend conscient de notre état naturel inconditionné, ce n’est donc pas une admiration, une attente ni un désir. Lorsque notre compréhension de cette nature profonde devient plus solide, plus profonde, une certitude, une confiance se développent. La compassion spontanée, sans effort, commence à fleurir, alors même que vous pratiquez, après avoir reconnu vraiment l’état naturel du « juste comme cela ». Cette compassion sincère irradie du plus profond du coeur, vous n’y êtes pour rien : elle coule tout naturellement.
Avant de devenir conscient de cet état naturel, vous êtes dans l’obscurité, créant des états douloureux tout le temps, mais en pratiquant continuellement comme cela, vous vous apercevez que sous toute chose, il y a un état naturel inconditionné. La douleur et l’inquiétude diminuant, cet état de confusion s’atténue de plus en plus. Nous commençons à remarquer que chaque émotion égoïste diminue et s’adoucit de son propre fait. Alors, vous commencez à comprendre vraiment ce que ressentent les autres. Vous pouvez vous demander : Que puis-je faire pour les aider ? Si je ne les aide pas, qui le fera ?
C’est là que la véritable compassion vous emplit, et qu’une dévotion sincère, inamovible commence à croître en vous-même. Nous appelons cela l’aube de la confiance irréversible, ou indestructible.
Cette confiance vraie commence avec la foi dans l’enseignement qui révèle cette nature. Une fois que vous avez expérimenté par vous- même qu’il marche, bien sûr, vous prenez confiance. Cela est aussi dirigé vers la source des instructions, la personne qui vous les donnent. Ceci est la vraie dévotion. Ces deux choses, compassion sans effort et dévotion irréversible, unissent leurs forces pour que votre pratique devienne de plus en plus profonde. Elle devient inébranlable, comme lorsqu’un fort coup de vent amène un feu bien nourri à brûler encore plus haut et plus vif. Le grand Maître Atisha se demandait ce que signifiait avoir vraiment appris, et concluait que la véritable sagesse est de comprendre l’état sans ego. La véritable éthique est d’avoir dompté et adouci votre propre coeur ; quelqu’un qui prend soin, qui est vraiment attentif et consciencieux a réalisé cette véritable éthique. Quelle est la première des vertus ? Atisha dit que c’est d’avoir un sens profond du soin qui va apporter bonheur et bien-être aux autres. Quel est le plus important signe de réussite, d’accomplissement ? Non pas la clairvoyance, ni les pouvoirs miraculeux, mais d’avoir moins d’émotions égoïstes. Cela peut sembler des mots simples, mais ils sont très profonds et vous apporteront beaucoup si vous les mettez dans votre coeur.
(Traduction Joshin Sensei).
Chokyi Nyima Rimpoche
Source: http://www.buddhaline.net/spip.php?article1167
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