Le sourire du Bouddha
Par Martin Evans
Quand j’étais à l’école, on m’a grondé parce que je souriais. Et j’ai eu une colle. Et pendant cette colle, j’en ai eu une autre. Je souriais toujours. On m’a dit : « Arrête de te moquer ! ». Je ne savais pas jusqu’alors qu’il ne fallait pas sourire. La plupart des gens aiment voir un sourire. Il n’y a rien de plus chaleureux que d’être accueilli par un sourire.
Je voudrais que vous regardiez le visage du Bouddha. Pouvez-vous voir son sourire ? Il est très subtil. Pourquoi sourit-il ? Éprouve-t-il un état de méditation bienheureuse ? Ou est-ce le sourire de quelqu’un qui n’éprouve rien ?
Je crois que ce n’est ni l’un ni l’autre.
Nous pouvons penser que l’Éveil du Bouddha est une évasion du monde, une évasion par la méditation pour un état sublime d’existence. Si c’est ce que nous pensons, alors nous essayons de créer cet état bienheureux en pratiquant certaines techniques de méditation pour développer la concentration. Mais le Bouddha a rejeté le chemin de la concentration comme chemin conduisant vers le but ultime. Il l’a essayé et a constaté qu’il ne menait pas à la cessation de la souffrance. Il n’a pas nié les bénéfices d’un esprit concentré, mais il n’a pas trouvé que cela le conduisait à l’expérience de la vérité des choses telles qu’elles sont.
On peut aussi penser que c’est une évasion totale dans le néant ou une sorte de non-existence. Mais le Bouddha a été très clair : son éveil n’était ni de ce monde ni d’un autre. Ce n’était pas du tout une forme d’évasion. C’était une délivrance, une liberté, mais pas un rejet. Alors qu’est-ce que ce sourire ? Je crois que c’est l’expérience du maintenant. La fin de la quête pour quelque chose d’autre que ce qui est à l’instant présent. Dans notre façon courante de penser, nous pourrions dire « le contentement avec rien » parce que notre expérience se mesure avec le passé et le futur. Il n’y a pas d’expérience du présent dans l’esprit avide.
Je pense que le mot « maintenant » est meilleur qu’ « attentif » ou « avisé ». Comment est-ce à l’instant présent ? Cette question nous conduit à l’immédiateté de la sagacité ou de l’attention, alors que penser être avisé indique quelque chose que nous serons dans le futur. Dans le futur, nous ne serons jamais avisés si nous ne le sommes pas dans l’instant présent.
C’est l’expérience de poser un fardeau. Est-ce que ça ne fait pas sourire ? Ah, oui ! je sais ce qu’on éprouve. Quand j’ai marché de Lands End à John O’Groats, j’ai vraiment appris ce que l’on ressent quand on pose son fardeau à la fin de la journée. Ce qu’il y a de drôle, c’est que tout ce qu’on cherche c’est la satisfaction, et poser le fardeau est tout ce qu’il suffit de faire, cet abandon dans la façon dont sont les choses.
Que voir d’autre dans le sourire du Bouddha ?
C’est le sourire de la compassion. N’est-ce pas un mystère : d’où vient cette compassion alors que personne ne cherche à être compatissant ? Nous pensons que nous devons devenir compatissant. Nous n’avons pas la certitude que la compassion est l’expression de notre vraie nature. Quand ce sentiment du moi et du mien disparaît, cette illusion du moi, il n’y a rien alors pour empêcher l’expression de la compassion. Et, bien que la compassion consiste en ressentir la douleur des autres, elle est là néanmoins sous la forme d’un sourire. Mais, n’est-ce pas, c’est un sourire légèrement triste, un sourire qui englobe à la fois bonheur et souffrance. Pas une évasion du monde, mais une ouverture complète au monde. N’est-ce pas merveilleux que le sourire du Bouddha soit déjà en nous, attendant seulement de se montrer ?!
Quand nous méditons, nous devrions cultiver ce sourire, nous avons besoin de réjouir le coeur. Je ne veux pas dire devenir des gens « béats-ravis », mais le bouddhisme Theravâda a tendance à attirer des gens qui aiment prendre les choses au sérieux. Il est certain qu’il existe une obscurité intérieure qu’il faut reconnaître, mais voir la vérité est une expérience de « voir la lumière » quand l’obscurité se dissipe. L’attitude correcte pour pratiquer est d’avoir le coeur léger. Nous ne devrions pas en faire une lutte. C’est la façon dont beaucoup de gens s’en approche à cause de leur conditionnement. Ils recherchent quelque chose pour « lutter contre ». Quand on leur dit qu’il est dans leur nature de voir, ils n’écoutent pas. Ils ne font pas confiance à leur propre capacité de voir la vérité, car ça ne peut pas être comme ça, la vie doit être une lutte sans fin. C’est ainsi. Et ça dure, ça dure...
Si vous suivez une technique de méditation, elle peut être la source d’un problème plutôt que d’être une aide dans votre pratique. La technique que vous utilisez a vraiment peu d’importance pourvu que vous ayez une attitude correcte envers votre pratique. Il est clair que certaines techniques sont mieux adaptées pour certains caractères. Mais le problème c’est que celle qui serait la plus utile est généralement celle que vous voulez le moins faire. C’est certainement vrai de la bonté aimante (mettâ). C’est très bénéfique pour les personnes de tempérament coléreux. (Nous avons tous ces tempéraments, mais en général un est dominant. Notre défi est de les équilibrer). C’est pourquoi il est bon de s’abandonner à cette pratique plutôt que de se cramponner à ce que vous aimez. Après l’avoir essayé, alors vous pourrez voir par vous mêmes si c’était bénéfique ou pas. Cette bonne volonté à être ouvert à tout ce qui est dans l’instant crée un esprit souple d’un bienfait merveilleux, bien plus grand que n’importe quel bénéfice que vous pourriez obtenir de n’importe quelle technique de méditation.
Cette attitude pour la pratique, cette ouverture douce, cet esprit souple, soutient notre développement de la présence d’esprit, d’être dans le maintenant. Cela prend du temps, mais vous commencez à comprendre quelle valeur une technique de méditation possède dans votre pratique et où réside le danger. Le danger d’un support, particulièrement s’il a été utile, est que nous nous y accrochons même lorsqu’il est temps de le lâcher. Nous devons entièrement abandonner notre attachement. C’est donc vraiment bien de l’utiliser comme chemin de pratique.
J’avais l’habitude de dire « si c’est possible de lâcher, lâche », et je testais des choses avec ce mantra. J’avais l’habitude de soumettre à cette enquête tout ce qui me venait à l’esprit. Ensuite je testais mes sentiments, me demandant « Qui ressent de cette manière ? » et m’arrêtais sur le silence qui s’ensuivait dans mon esprit. C’est la pratique de connaissance profonde (vipassanâ). Elle ne dépend d’aucune technique de méditation, c’est seulement une manière d’abandonner notre attachement au moi et au mien, notre esprit avide.Mais nous n’essayons pas de mettre l’esprit en échec. Nous voulons nous battre avec l’esprit parce qu’il n’est pas comme nous voudrions qu’il soit. Mais nous devrions changer d’attitude. Nous devrions cultiver la bonté envers les pensées qui surgissent dans nos esprits. En essayant de supprimer les pensées ou de leur faire barrage, nous leur donnons plus de pouvoir. Quand nous n’y faisons pas particulièrement attention, elles s’en vont de leur plein gré, quand elles veulent. Cette volonté de supporter ce qui surgit dans l’esprit demande de cultiver une patience sans borne ; quelle merveilleuse qualité à développer !
Mais certaines pensées sont très collantes. Les pensées persistantes sont celles dont nous voulons le plus nous débarrasser. Ce sont celles qui ont quelque chose à nous apprendre. Nous devrions donc les écouter. Laissons-les être nos enseignants. Quand nous aurons appris ce que nous devons savoir, elles ne nous ennuieront plus à nouveau.
Ajahn Chah décrivait cela comme si vous conviez vos invités dans une pièce où il y a une seule chaise et que vous êtes assis dessus. Vos invités sont les bienvenus, mais il ne peuvent pas rester longtemps car ils n’ont pas d’endroit où s’asseoir. Et il disait que, quand les gens sont dans l’inconfort, ils se révèlent et vous pouvez les voir comme ils sont vraiment.
Nous ne devrions donc pas lutter contre nos pensées. Sélectionner celles que nous aimons ou que nous n’aimons pas ne fait que nous piéger dans nos préférences, notre monde conditionné. Ce n’est pas la façon de les voir comme elles sont. L’esprit est un réceptacle à pensées. En lui, les pensées surgissent et cessent ; c’est la nature de l’esprit. Comme les gens qui entrent et sortent de votre vie. Vous devez les accueillir tous comme des amis, que vous les aimiez ou pas. Mais quand vous pratiquez la présence d’esprit, cette pratique du maintenant, vous êtes conscients de tout ce qui surgit dans le moment. Quand les pensées surgissent, vous les laissez demeurer debout jusqu’à ce qu’elles partent. C’est ainsi que vous devriez vous comporter avec vos pensées. Vous ne vous asseyez pas avec une pensée de convoitise ou une pensée de colère. Laissez-les demeurer debout jusqu’à ce qu’elles se révèlent et partent. Mais ne méprisez pas les pensées, car si vous le faites vous mépriserez l’esprit. C’est dans l’esprit que les connaissances profondes surgissent. L’esprit est le lieu de notre réflexion, là où nous pouvons voir les choses comme elles sont. Nous n’avons pas de meilleur ami que notre esprit. J’ai entendu des gens dire que ce qu’il veulent faire c’est arrêter l’esprit. Mais ils concentrent l’esprit ici même pour échapper à ce qu’il n’aime pas ici même. Ils s’enfuient. Ils pensent qu’il y a un endroit où ils peuvent se cacher. Mais ils essaient de se cacher dans leur propre maison. De quoi se cachent-ils ? C’est terriblement triste, car ce corps et cet esprit est tout ce qu’ils ont au monde. Ce qu’ils doivent arrêter, c’est l’esprit avide. C’est alors que l’on trouve le vrai bonheur.
Regardez le corps du Bouddha. Nous habitons un corps, c’est ce qui nous maintient sur terre. Il peut nous causer beaucoup de douleur. La douleur physique contribue à nous rappeler que nous sommes liés à un corps. Elle nous ramène sur terre. C’est un bon endroit pour centrer l’esprit et laisser aller. De même pour l’agitation (l’in-quiétude). Ce sont nos enseignants. Nous devrions rester avec eux et apprendre. Ne vous précipitez pas hors de la classe avant que le maître ait terminé la leçon. Regardez cette agitation. Ce n’est pas un problème, c’est un professeur magnifique, mais nous devons développer la patience pour rester avec elle.
Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que cela nous conduit à la liberté. Quand nous savons ce qu’est l’agitation, nous n’avons pas besoin de la fuir. Quand nous cessons de fuir, l’esprit est complètement calme, à la fois pour le corps et pour l’esprit, quel que soit ce qu’apporte le moment, dans le moment, dans le maintenant.
Et c’est ici que la transformation se produit, ce retournement de ce qui a été si longtemps caché à l’intérieur. Toute notre humanité, vulnérabilité et compassion, repliées à l’intérieur, se tournant vers le monde comme une fleur qui s’épanouit. Pas étonnant que le Bouddha sourie. Mais c’est subtil, n’est-ce pas ! Il faut un peu de temps pour voir ce sourire et pour le découvrir dans notre propre pratique.
Et il faut peut-être développer beaucoup de qualités que nous n’avons pas encore. Mais plus que tout nous devons développer cette qualité de confiance. C’est la confiance dans le chemin de la pratique et notre certitude de notre propre capacité de réflexion naturelle pour comprendre ce corps et cet esprit et voir les choses comme elles sont.
Le Bouddha pouvait voir que cette capacité d’être éveillé existait dans chacun de nous. Mais son sourire est teinté de tristesse que si peu d’entre nous en soient conscients.
Mon jardin est plein d’arbres fruitiers que j’ai plantés il y a vingt ans. Chaque année, j’ai assez de fruits pour tout le monde, je suis presque gêné d’avoir tant à donner. Tout ce que j’ai à faire, c’est attendre que ça mûrisse et ensuite de cueillir. C’est la nature, n’est-ce pas. Mais regardez tous les jardins sans fruit. Tous les gens qui pensent sans doute que, s’ils avaient planté des arbres, ils auraient des fruits maintenant. Mais ils ne plantent toujours pas d’arbre. Ils pensent sans doute que ça n’en vaut pas la peine, que ça prend trop de temps avant d’avoir des fruits.
Le Bouddha a dit qu’une des plus grandes bénédictions était d’avoir accompli de bonnes actions dans le passé. Nous vivons tous dans un jardin, c’est notre esprit. Nous devons le développer et le former en moralité, concentration et sagesse. Ce dont je parle c’est de la certitude que, si nous plantons et nous nous occupons de nos arbres fruitiers, un jour un fruit mûrira. La seule façon d’avoir le fruit d’une bonne action passée, c’est de faire de bonnes actions maintenant. Nous avons de la chance d’avoir cette possibilité.
(Community, The Upâsaka & Upâsikâ Newsletter, Spring 2005) traduction française : Christiane Melchior
Martin Evans
http://www.buddhaline.net/spip.php?article1271
Par Martin Evans
Quand j’étais à l’école, on m’a grondé parce que je souriais. Et j’ai eu une colle. Et pendant cette colle, j’en ai eu une autre. Je souriais toujours. On m’a dit : « Arrête de te moquer ! ». Je ne savais pas jusqu’alors qu’il ne fallait pas sourire. La plupart des gens aiment voir un sourire. Il n’y a rien de plus chaleureux que d’être accueilli par un sourire.
Je voudrais que vous regardiez le visage du Bouddha. Pouvez-vous voir son sourire ? Il est très subtil. Pourquoi sourit-il ? Éprouve-t-il un état de méditation bienheureuse ? Ou est-ce le sourire de quelqu’un qui n’éprouve rien ?
Je crois que ce n’est ni l’un ni l’autre.
Nous pouvons penser que l’Éveil du Bouddha est une évasion du monde, une évasion par la méditation pour un état sublime d’existence. Si c’est ce que nous pensons, alors nous essayons de créer cet état bienheureux en pratiquant certaines techniques de méditation pour développer la concentration. Mais le Bouddha a rejeté le chemin de la concentration comme chemin conduisant vers le but ultime. Il l’a essayé et a constaté qu’il ne menait pas à la cessation de la souffrance. Il n’a pas nié les bénéfices d’un esprit concentré, mais il n’a pas trouvé que cela le conduisait à l’expérience de la vérité des choses telles qu’elles sont.
On peut aussi penser que c’est une évasion totale dans le néant ou une sorte de non-existence. Mais le Bouddha a été très clair : son éveil n’était ni de ce monde ni d’un autre. Ce n’était pas du tout une forme d’évasion. C’était une délivrance, une liberté, mais pas un rejet. Alors qu’est-ce que ce sourire ? Je crois que c’est l’expérience du maintenant. La fin de la quête pour quelque chose d’autre que ce qui est à l’instant présent. Dans notre façon courante de penser, nous pourrions dire « le contentement avec rien » parce que notre expérience se mesure avec le passé et le futur. Il n’y a pas d’expérience du présent dans l’esprit avide.
Je pense que le mot « maintenant » est meilleur qu’ « attentif » ou « avisé ». Comment est-ce à l’instant présent ? Cette question nous conduit à l’immédiateté de la sagacité ou de l’attention, alors que penser être avisé indique quelque chose que nous serons dans le futur. Dans le futur, nous ne serons jamais avisés si nous ne le sommes pas dans l’instant présent.
C’est l’expérience de poser un fardeau. Est-ce que ça ne fait pas sourire ? Ah, oui ! je sais ce qu’on éprouve. Quand j’ai marché de Lands End à John O’Groats, j’ai vraiment appris ce que l’on ressent quand on pose son fardeau à la fin de la journée. Ce qu’il y a de drôle, c’est que tout ce qu’on cherche c’est la satisfaction, et poser le fardeau est tout ce qu’il suffit de faire, cet abandon dans la façon dont sont les choses.
Que voir d’autre dans le sourire du Bouddha ?
C’est le sourire de la compassion. N’est-ce pas un mystère : d’où vient cette compassion alors que personne ne cherche à être compatissant ? Nous pensons que nous devons devenir compatissant. Nous n’avons pas la certitude que la compassion est l’expression de notre vraie nature. Quand ce sentiment du moi et du mien disparaît, cette illusion du moi, il n’y a rien alors pour empêcher l’expression de la compassion. Et, bien que la compassion consiste en ressentir la douleur des autres, elle est là néanmoins sous la forme d’un sourire. Mais, n’est-ce pas, c’est un sourire légèrement triste, un sourire qui englobe à la fois bonheur et souffrance. Pas une évasion du monde, mais une ouverture complète au monde. N’est-ce pas merveilleux que le sourire du Bouddha soit déjà en nous, attendant seulement de se montrer ?!
Quand nous méditons, nous devrions cultiver ce sourire, nous avons besoin de réjouir le coeur. Je ne veux pas dire devenir des gens « béats-ravis », mais le bouddhisme Theravâda a tendance à attirer des gens qui aiment prendre les choses au sérieux. Il est certain qu’il existe une obscurité intérieure qu’il faut reconnaître, mais voir la vérité est une expérience de « voir la lumière » quand l’obscurité se dissipe. L’attitude correcte pour pratiquer est d’avoir le coeur léger. Nous ne devrions pas en faire une lutte. C’est la façon dont beaucoup de gens s’en approche à cause de leur conditionnement. Ils recherchent quelque chose pour « lutter contre ». Quand on leur dit qu’il est dans leur nature de voir, ils n’écoutent pas. Ils ne font pas confiance à leur propre capacité de voir la vérité, car ça ne peut pas être comme ça, la vie doit être une lutte sans fin. C’est ainsi. Et ça dure, ça dure...
Si vous suivez une technique de méditation, elle peut être la source d’un problème plutôt que d’être une aide dans votre pratique. La technique que vous utilisez a vraiment peu d’importance pourvu que vous ayez une attitude correcte envers votre pratique. Il est clair que certaines techniques sont mieux adaptées pour certains caractères. Mais le problème c’est que celle qui serait la plus utile est généralement celle que vous voulez le moins faire. C’est certainement vrai de la bonté aimante (mettâ). C’est très bénéfique pour les personnes de tempérament coléreux. (Nous avons tous ces tempéraments, mais en général un est dominant. Notre défi est de les équilibrer). C’est pourquoi il est bon de s’abandonner à cette pratique plutôt que de se cramponner à ce que vous aimez. Après l’avoir essayé, alors vous pourrez voir par vous mêmes si c’était bénéfique ou pas. Cette bonne volonté à être ouvert à tout ce qui est dans l’instant crée un esprit souple d’un bienfait merveilleux, bien plus grand que n’importe quel bénéfice que vous pourriez obtenir de n’importe quelle technique de méditation.
Cette attitude pour la pratique, cette ouverture douce, cet esprit souple, soutient notre développement de la présence d’esprit, d’être dans le maintenant. Cela prend du temps, mais vous commencez à comprendre quelle valeur une technique de méditation possède dans votre pratique et où réside le danger. Le danger d’un support, particulièrement s’il a été utile, est que nous nous y accrochons même lorsqu’il est temps de le lâcher. Nous devons entièrement abandonner notre attachement. C’est donc vraiment bien de l’utiliser comme chemin de pratique.
J’avais l’habitude de dire « si c’est possible de lâcher, lâche », et je testais des choses avec ce mantra. J’avais l’habitude de soumettre à cette enquête tout ce qui me venait à l’esprit. Ensuite je testais mes sentiments, me demandant « Qui ressent de cette manière ? » et m’arrêtais sur le silence qui s’ensuivait dans mon esprit. C’est la pratique de connaissance profonde (vipassanâ). Elle ne dépend d’aucune technique de méditation, c’est seulement une manière d’abandonner notre attachement au moi et au mien, notre esprit avide.Mais nous n’essayons pas de mettre l’esprit en échec. Nous voulons nous battre avec l’esprit parce qu’il n’est pas comme nous voudrions qu’il soit. Mais nous devrions changer d’attitude. Nous devrions cultiver la bonté envers les pensées qui surgissent dans nos esprits. En essayant de supprimer les pensées ou de leur faire barrage, nous leur donnons plus de pouvoir. Quand nous n’y faisons pas particulièrement attention, elles s’en vont de leur plein gré, quand elles veulent. Cette volonté de supporter ce qui surgit dans l’esprit demande de cultiver une patience sans borne ; quelle merveilleuse qualité à développer !
Mais certaines pensées sont très collantes. Les pensées persistantes sont celles dont nous voulons le plus nous débarrasser. Ce sont celles qui ont quelque chose à nous apprendre. Nous devrions donc les écouter. Laissons-les être nos enseignants. Quand nous aurons appris ce que nous devons savoir, elles ne nous ennuieront plus à nouveau.
Ajahn Chah décrivait cela comme si vous conviez vos invités dans une pièce où il y a une seule chaise et que vous êtes assis dessus. Vos invités sont les bienvenus, mais il ne peuvent pas rester longtemps car ils n’ont pas d’endroit où s’asseoir. Et il disait que, quand les gens sont dans l’inconfort, ils se révèlent et vous pouvez les voir comme ils sont vraiment.
Nous ne devrions donc pas lutter contre nos pensées. Sélectionner celles que nous aimons ou que nous n’aimons pas ne fait que nous piéger dans nos préférences, notre monde conditionné. Ce n’est pas la façon de les voir comme elles sont. L’esprit est un réceptacle à pensées. En lui, les pensées surgissent et cessent ; c’est la nature de l’esprit. Comme les gens qui entrent et sortent de votre vie. Vous devez les accueillir tous comme des amis, que vous les aimiez ou pas. Mais quand vous pratiquez la présence d’esprit, cette pratique du maintenant, vous êtes conscients de tout ce qui surgit dans le moment. Quand les pensées surgissent, vous les laissez demeurer debout jusqu’à ce qu’elles partent. C’est ainsi que vous devriez vous comporter avec vos pensées. Vous ne vous asseyez pas avec une pensée de convoitise ou une pensée de colère. Laissez-les demeurer debout jusqu’à ce qu’elles se révèlent et partent. Mais ne méprisez pas les pensées, car si vous le faites vous mépriserez l’esprit. C’est dans l’esprit que les connaissances profondes surgissent. L’esprit est le lieu de notre réflexion, là où nous pouvons voir les choses comme elles sont. Nous n’avons pas de meilleur ami que notre esprit. J’ai entendu des gens dire que ce qu’il veulent faire c’est arrêter l’esprit. Mais ils concentrent l’esprit ici même pour échapper à ce qu’il n’aime pas ici même. Ils s’enfuient. Ils pensent qu’il y a un endroit où ils peuvent se cacher. Mais ils essaient de se cacher dans leur propre maison. De quoi se cachent-ils ? C’est terriblement triste, car ce corps et cet esprit est tout ce qu’ils ont au monde. Ce qu’ils doivent arrêter, c’est l’esprit avide. C’est alors que l’on trouve le vrai bonheur.
Regardez le corps du Bouddha. Nous habitons un corps, c’est ce qui nous maintient sur terre. Il peut nous causer beaucoup de douleur. La douleur physique contribue à nous rappeler que nous sommes liés à un corps. Elle nous ramène sur terre. C’est un bon endroit pour centrer l’esprit et laisser aller. De même pour l’agitation (l’in-quiétude). Ce sont nos enseignants. Nous devrions rester avec eux et apprendre. Ne vous précipitez pas hors de la classe avant que le maître ait terminé la leçon. Regardez cette agitation. Ce n’est pas un problème, c’est un professeur magnifique, mais nous devons développer la patience pour rester avec elle.
Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que cela nous conduit à la liberté. Quand nous savons ce qu’est l’agitation, nous n’avons pas besoin de la fuir. Quand nous cessons de fuir, l’esprit est complètement calme, à la fois pour le corps et pour l’esprit, quel que soit ce qu’apporte le moment, dans le moment, dans le maintenant.
Et c’est ici que la transformation se produit, ce retournement de ce qui a été si longtemps caché à l’intérieur. Toute notre humanité, vulnérabilité et compassion, repliées à l’intérieur, se tournant vers le monde comme une fleur qui s’épanouit. Pas étonnant que le Bouddha sourie. Mais c’est subtil, n’est-ce pas ! Il faut un peu de temps pour voir ce sourire et pour le découvrir dans notre propre pratique.
Et il faut peut-être développer beaucoup de qualités que nous n’avons pas encore. Mais plus que tout nous devons développer cette qualité de confiance. C’est la confiance dans le chemin de la pratique et notre certitude de notre propre capacité de réflexion naturelle pour comprendre ce corps et cet esprit et voir les choses comme elles sont.
Le Bouddha pouvait voir que cette capacité d’être éveillé existait dans chacun de nous. Mais son sourire est teinté de tristesse que si peu d’entre nous en soient conscients.
Mon jardin est plein d’arbres fruitiers que j’ai plantés il y a vingt ans. Chaque année, j’ai assez de fruits pour tout le monde, je suis presque gêné d’avoir tant à donner. Tout ce que j’ai à faire, c’est attendre que ça mûrisse et ensuite de cueillir. C’est la nature, n’est-ce pas. Mais regardez tous les jardins sans fruit. Tous les gens qui pensent sans doute que, s’ils avaient planté des arbres, ils auraient des fruits maintenant. Mais ils ne plantent toujours pas d’arbre. Ils pensent sans doute que ça n’en vaut pas la peine, que ça prend trop de temps avant d’avoir des fruits.
Le Bouddha a dit qu’une des plus grandes bénédictions était d’avoir accompli de bonnes actions dans le passé. Nous vivons tous dans un jardin, c’est notre esprit. Nous devons le développer et le former en moralité, concentration et sagesse. Ce dont je parle c’est de la certitude que, si nous plantons et nous nous occupons de nos arbres fruitiers, un jour un fruit mûrira. La seule façon d’avoir le fruit d’une bonne action passée, c’est de faire de bonnes actions maintenant. Nous avons de la chance d’avoir cette possibilité.
(Community, The Upâsaka & Upâsikâ Newsletter, Spring 2005) traduction française : Christiane Melchior
Martin Evans
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