50 ans d’immunité du terrorisme agricole, basta !
« J’ai autrefois craché le sang à la suite de traitements chimiques avec lesquels j’empoisonnais moi-même les autres… Tout le monde sait que les produits chimiques sont cancérigènes. » 30 juillet 1972, 20 heures, première chaîne de télévision, le présentateur Philippe Gildas relate le premier congrès international de la défense de la Nature, tenu à Fleurance (Gers), dont le maire était alors l’illustre Maurice Mességué. Cette déclaration est celle d’un participant, agriculteur dans le Gers. Cet épisode fit l’objet d’une note produite par Henri Siriez, administrateur civil du Service de la protection des végétaux.
1970-2011 : silence radio assourdissant, omerta, marginalisation des agriculteurs atteints, désinformation, publicité, média-mensonges, chantage au nombre de bouches à nourrir, alibi des ravageurs des cultures… Difficile de ne pas y voir un complot !
Par leur rôle de sentinelles muettes, complices ou mercenaires, de plus en plus de paysans sont bel et bien complices de l’épidémie de maladies chroniques qui s’annonce maintenant et qui débouchera dans les décennies à venir sur un nombre croissant de cancers. Cette crise sanitaire sans précédent parce que sans réponse et sans remède résultera d’une contamination insidieuse et irrémédiable de notre milieu et de notre alimentation.
Ce billet d’humeur est dédié aux animaux non-humains qui souffrent plus et davantage depuis l’avènement de l’agriculture industrielle et de son corollaire l’élevage concentrationnaire, ainsi qu’aux victimes humaines des produits agricoles pétris de résidus chimiques. Mais pas seulement. Je le dédie aussi à la pétro-tomate sans saveur, au poivron en deuil de son sol, à la pomme de terre aux gènes de poulet, de phalène, de virus et de bactérie, au maïs aux gènes de luciole, de pétunia, de blé, de scorpion, au riz aux gènes de haricot, de pois, de bactérie et d’humain, à la fraise-melon et au melon-fraise ou kiwi, à la banane empoisonnée, à l’abricot qui ne murira plus, à la cerise qui pourrit rien qu’en la regardant. Et à tous les « fruits » de notre antimonde aux terroirs perdus. S’il est plus question que jamais de faire payer les pollueurs, il serait grand temps de présenter la facture qui revient aux gangsters de l’agrotoxique.
Sont-ce bien aux paysans, éleveurs, producteurs de lait et de viande que les animaux domestiques et « comestibles » doivent leur grande misère, et ce, depuis la nuit des temps ? Sont-ce bien les paysans, agriculteurs, viticulteurs, maraîchers qui cultivent, de connivence avec les industries chimiques et semencières, ces aliments de plus en plus insipides et toxiques qui dégradent les sols, écocident la biodiversité, nous contaminent en nous causant mille malaises et dont vont gravement souffrir les générations futures ? Si je me trompe d’adresse, prière de me le dire !
« Les molécules autorisées hier peuvent être aujourd'hui interdites, car considérées comme trop dangereuses pour la santé ou pour l'environnement » prévient un catalogue de vente de pesticides au détail ! Que font ceux qui les ont utilisées « hier » ?
Oublions un instant les écosystèmes et la biodiversité, ainsi que la santé de tout un chacun, pour nous focaliser sur les paysans, manipulateurs, fumigateurs et autres utilisateurs d’intrants agrochimiques. Depuis plus d’un demi-siècle, du DDT au chlordécone et au Gaucho, en passant pas l’atrazine, d’innombrables molécules écocidaires sont d’abord mises complaisamment sur le marché, amplement promotionnées et épandues, puis se retrouvent interdites en raison d’une toxicité provoquant les pires cancers et entraînant la mort, toxicité qui était parfaitement pressentie. Quand la directive européenne entra en vigueur en 1991, plus de 800 substances actives étaient utilisées dans la composition des pesticides. Désormais, la nouvelle règlementation réduit déjà ce chiffre de moitié, en attendant la suite. Ceux qui acceptent de jouer à ce jeu funeste pour produire davantage et pire entrent dans la catégorie des professionnels à hauts risques, des « têtes brûlées », comme les pilotes automobiles, les mercenaires ou les liquidateurs de centrales nucléaires. Ils n’ignorent rien des risques pathologiques qu’ils courent. C’est comme quelqu’un qui, aujourd’hui resterait fidèle à l’amiante. Il y a un stade où légèreté, inconscience ou même obligations professionnelles ne sont plus acceptables, ni pardonnables et deviennent seulement bêtise accablante ou cupidité aggravante, voire les deux à la fois. Accepter l’agrochimie, c’est bien pire que d’être mineur de fond. Au stade avancé où nous en sommes de cette agriculture toxique et militarisée, je pense qu’il serait raisonnable de considérer que ceux qui la pratiquent le font en connaissance de cause. Nul ne peut en douter, ne serait-ce qu’à en juger par leur tenue de protection. L’activité de kamikaze est un volontariat. Un kamikaze qui sait qu’il va se faire exploser a-t-il vraiment besoin d’un casque ? J’exagère, mais pas assez.
Je n’ai jamais été sensible au charme du paysan et même fréquemment irrité par son mauvais rapport à la Nature et plus particulièrement par son violent irrespect à l’égard des autres espèces. La domestication animale n’est acceptable que si l’on adhère à un point de vue suprémaciste de l’humain. Je ne partage même pas la mentalité environnementaliste qui place l’homme au centre d’un milieu naturel qu’il juge, arrange, dérange, gère selon ses propres critères. Je m’inscris plus volontiers dans l’idéologie écocentriste, ou biocentriste, où l’homme est aussi la Nature, ni plus, ni moins. Ce n’est pas parce qu’ils ne roulent pas en automobile que le hibou et le lombric sont d’un intérêt mineur et doivent subir notre loi ségrégative jusqu’à leur élimination. Si sapiens signifie sage, intelligent, c’est donc que nous sommes davantage aptes à veiller sur ce monde qu’à le saccager ou à l’exploiter au-delà de nos besoins de subsistance. Cette philosophie n’est certainement pas erronée puisque c’est la seule qui soit compatible avec notre durabilité sur Terre. Le paradigme ambiant qui consiste à faire du fric avec tout et n’importe quoi, sans conscience ni morale, nous mène droit dans le mur. On commence à en ressentir très sérieusement les preuves et notre actuelle crispation écologique, notre crise écosystémique trouve son origine dans cette mentalité. Du « brave » fermier encore en sabots mais déjà bien trop prédateur jusqu’aux nouveaux « producteurs » de porc, de volailles, de solanées ou de céréales, ces gens sont de plain-pied dans cette seconde catégorie, appartiennent à une société qui a décidé de chosifier le Vivant pour le transformer en nourriture, et ce, sans la moindre approche spirituelle ou écologique. L’homme a toujours mangé, que l’on sache ! Pourquoi faut-il désormais que le poulailler, l’étable, la porcherie soient devenus des usines à viande ? Parce que nous sommes trop nombreux et que la Terre est trop petite ? Eh bien nous y voilà ! Mais c’est aussi à cause de notre obsession à tout appréhender du seul point de vue économique. Quand j’assiste à cette sempiternelle et obsessive lutte du cultivateur contre les ravageurs, les parasites, les mauvaises herbes, je suis du côté des ravageurs, des parasites et des mauvaises herbes !
Une volonté de croissance forcenée et déconnectée des réalités du milieu a donné naissance à un système agricole perverti, qui s’auto-dévore sur le modèle capitaliste qui l’inspire. Les terres et les modes ont été confisquées au profit de trusts qui s’octroient le monopole de nous nourrir. La France, pays d’origine rural, importe plus d’aliments qu’elle n’en produit. En contrôlant l’alimentation, une poignée de transnationales tiennent l’humanité entre leurs mains. Dix mégas compagnies ont la mainmise sur plus de la moitié des semences mondiales et le diktat de la phytopharmacie est du même ordre. Les coopératives et les banques agricoles servent de relais. L’agriculteur est poussé au crime par des alertes incessantes et rarement fondées contre tel puceron ou tel champignon parasite. Son tort impardonnable est d’abdiquer lamentablement pour faire la part belle à une agrochimie mortifère commanditée par rapport à une agro-écologie dont il ne devait pas se désolidariser. La dénonciation des méthodes actuelles est très rare car on ébr.... un système où chacun porte une part de responsabilité. S’il m’est permis de le faire, c’est que ma responsabilité ou mes intérêts financiers se voient remplacés par un souci de conscience universelle.
À Brive en 2011, un long procès intenté contre des pomiculteurs par des voisins intoxiqués et victimes de nuisances depuis plus de dix ans fut curieusement clos par la relaxe. Les agroterroristes accusés étaient spécialisés dans la culture intensive de pommes Golden ; lesquelles nécessitent une cinquantaine de traitements chimiques par saison. Elles sont cependant les seules pommes du Limousin labellisée par l’AOC ! Et c’est ainsi que pavoisa la puissante Fédération Nationale des Exploitants Agricoles : « La FNSEA se réjouit de la relaxe des arboriculteurs accusés d’avoir enfreint la règlementation en matière de condition d’interventions phytosanitaires dans les vergers. Cette décision marque la juste reconnaissance du professionnalisme des producteurs de fruits qui connaissent et respectent la règlementation ». Une telle déclaration est emblématique. Elle dénote l’état d’esprit mafieux d’empoisonneurs publiques avoués, sans la moindre volonté d’autocritique, ni sentiment d’une relative responsabilité. En 2001, Bayer avait osé engager des poursuites judiciaires contre un dénommé Maurice Mary, leader de l'Association française des apiculteurs qui avait tenu des propos désobligeants sur le Gaucho, maintenant prohibé après avoir joué un rôle prépondérant dans l’effondrement des insectes pollinisateurs. Un non-lieu a été prononcé par un juge en mai 2003. Si on poursuit sa collaboration avec des compagnies de ce genre, on sait à quoi on s’expose pour l’avenir. En matière de justice, on reviendra sur l’immunité juridique dont jouit l’agrochimie.
Le jour même où Nicolas Sarkozy affirmait dans ses vœux au monde rural son « attachement à une agriculture durable, respectueuse de son environnement et qui ne met pas en danger la santé des paysans », on annonçait, sans tambour ni trompette, la mort de Yannick Chenet, un agriculteur réunionnais de 37 ans, atteint d'une leucémie du fait d'expositions répétées à des produits toxiques. Quelques temps auparavant, son mal avait été reconnu comme maladie professionnelle. « À la Réunion, on utilise 1.500 tonnes de pesticides par an », précise l'ARMSE (Association Réunionnaise Médicale Santé-Environnement).
Le présent manifeste est une mise en accusation du monde paysan dans son immense majorité et sa prétention est de mettre un terme à une légende qui n’a que trop duré : celle du bon paysan. Elle n’est pas sans analogies avec bien d’autres, généralement inspirées par la reconnaissance du ventre, comme celles du bon boulanger, du bon vigneron, du bon berger… Alors que sous d’inacceptables alibis économiques se perpétuent les pires abominations à l’encontre des animaux et de l’environnement, et que nous ne sommes plus que les cobayes cliniques d’une alimentation synthétique, il me semble salutaire de ne plus considérer les cultivateurs et les fermiers comme de doux poètes victimes d’un méchant système, mais que les deux font la paire, exactement comme il en est d’une association de malfaiteurs. Nous avons affaire à des collabos, strictement animés par l’appât du gain, compromis jusqu’au cou dans une maltraitance inouïe à l’égard du Vivant, dans la destruction la plus radicale et aveugle de la fertilité des sols, des écosystèmes et des paysages, ainsi que dans l’exposition insidieuse de notre santé à bon nombre de maladies désormais avérées. La fin justifie les moyens pourrait être un précepte du monde paysan.
Les paysans sont des bio-agresseurs nés. Ils livrent une guerre incessante et sans merci à l’encontre des espèces végétales et animales autres que celles rentables qu’ils cultivent et qu’ils élèvent. Leur rude activité les rend réfractaires et allergiques à la Nature libre et sauvage, d’autant plus qu’ils ont accepté de passer du vivrier et de la subsistance à la rente et à l’exploitation, c'est-à-dire du convivial à un équivalent du proxénétisme. On entrevoit parfaitement le mécanisme insidieux et la dérive perverse, les paysans ne manquent évidemment pas de circonstances atténuantes. C’est la société qui fait le délinquant ! Mais quant à les relaxer, pire à les vénérer, non !
Les allégations, accusations et condamnations inhérentes à ce pamphlet n’excluent que les trop rares paysans ayant su résister aux pressions mortifères du lobby agrochimique et qui n’ont jamais soustrais leurs animaux d’élevage à l’herbe tendre et à la lumière du soleil. Aujourd’hui, ils existent surtout dans la littérature, la morale et la publicité.
Dans son opus Printemps silencieux, Rachel Carson, pionnière dans le combat contre les produits phytopharmaceutiques et en l’occurrence le DDT de l’époque, écrivait ceci : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’homme vit au contact de produits toxiques, depuis sa conception jusqu’à sa mort. Au cours de leurs vingt ans d’existence, les pesticides synthétiques ont été si généreusement répandus dans les règnes animal et végétal qu’il s’en trouve virtuellement partout. » Nous sommes en 1962, et Roger Heim lance, dans la préface française, des mots qui fouettent encore la conscience : « On arrête les gangsters, on tire sur les auteurs de hold-up, on guillotine les assassins, on fusille les despotes – ou prétendus tels –, mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences ? »
Alors, qui sont ces « empoisonneurs publics » ? Faut-il vraiment et toujours considérer que seul l’industriel est le coupable, et l’agriculteur est une victime, au même titre que les citoyens, les écosystèmes et les espèces qu’il contribue à contaminer par son adhésion à l’agrobusiness ? L’immense majorité des paysans a toujours été solidaire du système mortifère en question, elle est une large composante de ce lobby. Ceux vraiment restés en marges et fidèles au respect de la terre et de la Terre sont une infime minorité dans une société occidentale cupide où la fin justifie les moyens. Il n’est même pas de mise de plaider non-coupables pour ceux nés de la dernière pluie opportuniste et reconvertis à une soi-disant agriculture durable engendrée par l’union incestueuse d’un certain bio et d’un capitalisme de récupe, sous le label fumeux d’économie verte. Foutaise !
Quoi de plus beau que de semer aux quatre vents…Référons-nous à la Semeuse, déesse de l'agriculture, figure de la Liberté, emblématique de la République et de la France. Créée à la fin des années 1800 pour figurer sur les pièces d'argent de la IIIe République, réutilisée en 1960 pour les nouveaux francs, elle est devenue l'un des trois symboles, avec la buste de Marianne et l'arbre, à avoir été retenue par la France pour figurer sur les faces nationales de l'euro. Je suggère un recours à la cruelle réalité et qu’on la remplace par l’effigie d’un paysan moderne en action d’épandage, portant son masque et sa tenue antitoxique !
Paysan, fermier, cultivateur, agriculteur, éleveur, exploitant ou producteur agricole, quelle que soit l’étiquette choisie, nous parlons bien de la même belle et noble vocation de travailler la terre avec respect et dignité pour se nourrir ou approvisionner les marchés citadins en produits frais des quatre saisons. C’est bien plus qu’un métier, sans doute le premier du monde, c’est un héritage de savoir, une façon de naître, de vivre, de sentir, toute tournée vers la Nature, ses joies, ses peines. On se plaît à imaginer des thérapeutes de la terre qui sauraient la transmettre encore meilleure qu’elle n’est. Alors, que des hommes si imbriqués dans l’ordre cosmologique, dans les interdépendances écologiques et bioclimatiques, dans la pure sagesse que procure le retrait des fureurs de la ville, dans la prévision du temps qu’il fera, qui savent interpréter l’action subtile de la lune sur la sève des arbres, en arrivent en fin de compte à mettre la terre sous perfusion, à en épuiser la fertilité, à la compacter, à en bouleverser les horizons, à empoisonner les sols, les eaux de surface et les nappes, à dénaturer et a dégénérer les fruits et les légumes, à cultiver hors sol et hors saison, à incarcérer et à droguer leurs animaux, à livrer une guerre impitoyable contre le Vivant, à faire taire les oiseaux, à massacrer la faune, à mutiler les paysages, à synthétiser les jardins, les potagers, les champs et les vergers, à scalper le bocage, les bois et les forêts, à désertifier les terroirs, à rendre les produits agricoles insipides et toxiques, jusqu’à s’intoxiquer eux-mêmes, correspond à un phénomène ahurissant, effarant, abasourdissant et gravissime. La cause étant entendue, je crois donc qu’un nouveau regard, nettement critique et intransigeant, s’impose sur des Terriens dont la tâche était de nous nourrir et qui désormais nous tuent par un lent mais sûr empoisonnement. Le fait qu’ils soient commis d’office par de malfaisantes compagnies aux puissants lobbies ne les dédouane nullement du mal qu’ils transmettent en leur âme et conscience, et en parfaite connaissance de cause. Œuvrer aux tâches de la ferme revient à indexer toutes ses compétences sur des valeurs marchandes, et ce, toutes affaires cessantes.
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