SSDL - LAMRIM - Cheminer vers l'Éveil : Analogie des systèmes religieuxpar Bouddha Bouddhisme Enseignements, samedi 26 mars 2011, 19:56
Bouddha Shakyamuni
Pour comparer les nombreux maîtres religieux qui ont vécu dans ce monde, il est nécessaire de s’arrêter sur la teneur de leur enseignement, d’analyser où ils font preuve d’une grande sagacité. Il est insuffisant de s’appuyer sur les louanges de leurs disciples, qui ne manquent pas dans chaque religion. L’utilisation du mode analogique suppose l’introduction de distinctions. Mais, immédiatement, nous remarquons que l’enseignement du Bouddha est unique, dans son appréhension du soi erroné, et par l’accent qu’il met sur la notion d’absence du soi comme parfait antidote. Le bouddhisme exige, en plus, d’avoir une attention particulière au bien-être des êtres vivants en modifiant les inclinations habituelles envers soi et les autres. Nous devons cesser de nous chérir pour chérir les autres. En cela, le Bouddha Shakyamuni a fait preuve d’une exceptionnelle sagesse et d’une remarquable compassion.
Ce qui distingue foncièrement le bouddhisme des autres religions, c’est l’insistance de Bouddha à engendrer une intention altruiste pour atteindre l’éveil par le fait de chérir les autres au lieu de soi-même, et de voir dans l’inexistence du soi un antidote à nos perceptions erronées du soi. Mais le monde deviendrait-il meilleur si chacun adhérait au bouddhisme ? L’Inde entière ne s’y est pas convertie à l’époque où le Bouddha enseignait. Il n’était pas obligé de s’épancher sur le caractère et les centres d’intérêt individuels de ses disciples, et aurait pu leur enseigner, à eux tous, les fondements du bouddhisme. Mais il ne le fit pas. Car il jugeait indispensable que la doctrine ait un sens et soit utile à chacun. Puisque les intérêts et les aptitudes des êtres vivants sont variés, Bouddha fut obligé de transmettre une grande variété d’enseignements.
Si le principe le plus perspicace – que les personnes ou autres phénomènes ne sont pas instaurés indépendamment selon leur propre nature – n’est pas compris par un élève, l’enseignement du système de l’absence de soi qu’il reçoit n’est que partiel. Pour cette raison, Bouddha enseignait à de tels élèves que les gens n’ont pas d’existence substantielle,, mais que l’ensemble corps-esprit existe. Ainsi, il pouvait dispenser cet élève du sens global de l’absence du soi. Pour les élèves rétifs mentalement à la doctrine de l’inexistence du soi, Bouddha enseigne une variante du principe du soi, quand il dit : « L’ensemble corps-esprit est le fardeau, le porteur du fardeau est l’être. »
Bouddha adaptait ainsi ses enseignements en tenant compte de la capacité de ses élèves. Si l’enseignement ne s’accorde pas à celui à qui il est destiné, les principes peuvent être justes, mais ils n’offriront aucun réconfort à l’élève. Aussi, pour les élèves qui ont de la difficulté à assimiler le principe d’absence du soi, mieux vaut se conformer à leurs aptitudes et intérêts. Dans ces conditions, il est parfaitement compréhensible que les nombreuses religions qui sont apparues dans ce monde soient salutaires pour un grand nombre d’êtres humains.
Il est peut-être possible de déterminer quelle religion est la plus perspicace mais, si nous essayons de savoir quel est le meilleur système, aucune réponse n’est évidente. La valeur d’une religion à une portée individuelle. Le point de vue philosophique d’une religion peut être perspicace et ne pas convenir à un tel individu. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, même à ses disciples le Bouddha n’a pas toujours enseigné la perspective la plus pénétrante. Au lieu de l’imposer de force, il s’est conformé aux intérêts et capacités individuels.
Ainsi, bien que les phénomènes sont vides d’existence inhérente soit probablement la plus subtile, il est difficile de conclure qu’elle est la meilleure. Enseigner exige de la pertinence à l’égard de ses élèves. Réfléchissez aux remèdes médicaux, certains sont très couteux, d’autres bon marché. Mais s’il est question du meilleur médicament, cela dépend entièrement de l’état du malade. Les malades qui se soignent avec les remèdes les plus chers, et pensent qu’ils font au mieux, finiront peut-être par guérir, mais d’autres risquent finalement de nuire à leur santé alors qu’un traitement de base de médicaments peu coûteux suffirait à les rétablir. La valeur du système religieux repose sur une élaboration pertinente, en accord avec chaque pratiquant pris individuellement, quels que soient les avantages dont il pourrait bénéficier.
L’interrogation sur la valeur dépend d’un cadre de référence. Pour les religions, il faut avant tout savoir si elles sont bénéfiques ou nuisibles à ceux qui les pratiquent. Sous cet angle, je ne peux pas décider que le bouddhisme est la meilleure. Elle est la plus adaptée aux personnes qui ont une certaine aptitude et ouverture d’esprit. Les êtres humains ont besoin d’un système qui leur correspond. Pour cela, il est indispensable d’apprécier l’ensemble des religions. Leurs différences philosophiques sont parfois profondes, mais elles possèdent toutes une morale, pour cultiver une bonne attitude envers les autres et leur offrir de l’aide. Cela induit la pratique de l’amour, la compassion, la patience, la félicité et une reconnaissance des règles sociales. Les religions partageant ces buts, les respecter est essentiel comme d’apprécier leurs contributions.
L’examen sans préjugé des religions sous leur aspect philosophique montre clairement leurs apports bénéfiques à une multitude d’hommes et de femmes dans le passé, encore aujourd’hui, et certainement demain. Au nom de la religion, dans ce monde, un grand nombre de problèmes ont éclaté, mais sincèrement, je pense qu’elles ont été plus positives que nuisibles. Une religion qui exige un meilleur comportement, respectée par ses disciples, est digne d’être estimée, que les points de vue philosophiques soient justes ou non.
Une réflexion nécessaire
Selon une vielle devise tibétaine, il faut apprécier la personnalité du maître mais savoir sonder son enseignement. Dans son enseignement du Bouddha, Shakyamuni fait une distinction entre ce qui demande une interprétation et ce qui est irrévocable. Ce travail s’effectue par l’analyse.
Lorsqu’un enseignement du Bouddha est contredit par le raisonnement, il ne doit pas être pris à la lettre, même si ce sont bien ses paroles. Et, quand il s’agit des êtres remarquables, comme les disciples du Bouddha, il faut rester sur la même réserve. Le sage indien Asanga, au IV siècle de notre ère, par exemple, nie l’existence d’un monde externe qui affecte nos sens. Cela ne reflète pas la réalité. De tels enseignements se trouvent dans les textes sacrés attribués à Bouddha, ils ne décrivent pas nécessairement sa pensée profonde. Le discernement entre le vrai sens du soutra et la pensée de l’orateur s’opère par analyse. Bien que nous ayons confiance en Asanga, rien ne nous oblige à accepter littéralement le point de vue de l’école de l’Esprit seul qui a un objectif précis.
Il est donc naturel pour les bouddhistes de respecter les enseignants d’autres courants religieux. Sous un certain angle, ils peuvent être des émanations d’un Bouddha, et sous un autre, s’ils ne le sont pas, leur pensée philosophique est bénéfique à certains êtres humains. Elles peuvent être d’un grand soutien dans des circonstances particulières de votre vie. Néanmoins, dans chaque religion, y compris chez les bouddhistes, certains fidèles sont des perturbateurs. Ils s’affichent comme croyants, acceptent les principes créés pour vaincre le désir, la haine, et la confusion. Mais ils les amalgament avec leurs propres émotions aliénantes, usent abusivement de la religion, opèrent des distinctions brutales et inflexibles entre nous et eux, et créent des problèmes. Pour moi, si les fidèles d’un courant spirituel se comportent mal, aucun reproche ne doit être dirigé à l’encontre de la religion.
Foi et respect
La foi et le respect ne sont pas identiques. Avoir du respect pour les autres religions ne signifie pas que nous avons foi en leurs doctrines. J’ai rencontré de nombreux chrétiens qui sont attirés par les pratiques bouddhistes. Ils les étudient et les utilisent parfois. Ils sont sensibles à l’absorption méditative où l’esprit est concentré en un seul point, comme à l’ensemble des techniques pour accroître l’amour, la compassion et la patience. Ces pratiques étant communes au christianisme et au bouddhisme, je leur exprime mon entière admiration pour ce qu’ils font. Quelques chrétiens sont sensibles à la vacuité, je leur réponds en plaisantant que ce principe est clairement bouddhiste et a peu de rapports avec le dogme chrétien. Pourquoi? Rechercher la vacuité nécessite d’étudier la causalité. En percevant ses implications, il devient de plus en plus difficile de se persuader qu’il y a un Dieu unique, éternel et immuable. Celui qui essaie de croire à la fois au bouddhisme et au christianisme ne peut pas affirmer à la fois l’existence et l’inexistence d’un Dieu créateur. C’est impensable. Néanmoins, il faut avoir du respect pour l’une et l’autre des religions, parce qu’elles sont bienfaisantes et estimables, la foi, c’est autre chose.
Parmi les fidèles des religions monothéistes, certains avancent que le bouddhisme n’est pas une religion car il n’accepte pas le principe d’un Dieu créateur du monde dans lequel nous vivons. Des amis musulmans m’ont confié que le bouddhisme contient un nombre de conseils vraiment bénéfiques, y compris pour les musulmans. Néanmoins, la plupart ne considèrent pas le bouddhisme comme une religion. Des chrétiens rigoristes affirment que les bouddhistes sont nihilistes car ils refusent l’existence d’un être infini et absolu.
En visite au Canada, j’ai croisé des manifestants chrétiens qui portaient des pancartes où l’on pouvait lire qu’ils n’avaient rien contre ma personne, mais que la philosophie que j’enseigne est hérétique. En Suède, alors que je quittais ma voiture, un homme portant une pancarte s’est approché soudainement. J’ai joint les mains pour le saluer, geste qu’il imita. Un reporter prit une photo qui fut publiée le lendemain, célébrant le respect réciproque entre le manifestant et l’objet de la protestation. C’est effectivement ce qui aurait dû se passer. Mais je dois l’avouer, je n’ai pas compris qu’il protestait contre mes opinions !
En effet, pour les religions qui soutiennent l’idée d’un Dieu créateur, le bouddhisme est à la fois réductionniste dans le sens où il nie l’existence d’un Dieu créateur, et à la fois dans la démesure car il pose la notion de vies passées et futures. À l’inverse, pour les bouddhistes, ces religions sont dans la démesure quand elles affirment avoir un Dieu créateur et dans la dévalorisation quand elles nient le principe de cause à effet du karma dans la succession innombrable des vies.
Les bouddhistes doivent reconnaître que la notion de Dieu, créateur de chaque chose, induit un sentiment de proximité avec Dieu et motive le croyant à adopter une conduite en conformité avec la volonté de Dieu. Quelle est cette volonté ? Aimer et aider les autres, l’altruisme. L’islam insiste remarquablement sur l’aide à son prochain, et plus précisément sur le soutien au déshérité. Les quatre-vingt-dix-neuf noms d’Allah, comme le Très-Miséricordieux, ou la Paix, la Sécurité, le Salut, ou le Bien-Aimant, le Bien-Aimé, relèvent de l’amour et de l’affection. Aucune religion ne décrit un être suprême pour l’éternité courroucé, et sans cesse féroce. Aucune religion n’exige de ses fidèles d’être plongés dans l’antagoniste et de porter préjudice aux autres.
Pour moi, le message des religions monothéistes est plus chaleureux et contente certains types de personnalité. Un Dieu créateur aimant et affectueux a plus d’impact direct que ce message bouddhiste de relativité ou rationalité que nous appelons la production conditionnée. Cependant, une personne ne peut absolument pas identifier quelle religion lui sera salutaire. Les êtres sont si différents quand il est question d’affinités.
À suivre…
Par Sa Sainteté le Dalai-Lama
Bouddha Shakyamuni
Pour comparer les nombreux maîtres religieux qui ont vécu dans ce monde, il est nécessaire de s’arrêter sur la teneur de leur enseignement, d’analyser où ils font preuve d’une grande sagacité. Il est insuffisant de s’appuyer sur les louanges de leurs disciples, qui ne manquent pas dans chaque religion. L’utilisation du mode analogique suppose l’introduction de distinctions. Mais, immédiatement, nous remarquons que l’enseignement du Bouddha est unique, dans son appréhension du soi erroné, et par l’accent qu’il met sur la notion d’absence du soi comme parfait antidote. Le bouddhisme exige, en plus, d’avoir une attention particulière au bien-être des êtres vivants en modifiant les inclinations habituelles envers soi et les autres. Nous devons cesser de nous chérir pour chérir les autres. En cela, le Bouddha Shakyamuni a fait preuve d’une exceptionnelle sagesse et d’une remarquable compassion.
Ce qui distingue foncièrement le bouddhisme des autres religions, c’est l’insistance de Bouddha à engendrer une intention altruiste pour atteindre l’éveil par le fait de chérir les autres au lieu de soi-même, et de voir dans l’inexistence du soi un antidote à nos perceptions erronées du soi. Mais le monde deviendrait-il meilleur si chacun adhérait au bouddhisme ? L’Inde entière ne s’y est pas convertie à l’époque où le Bouddha enseignait. Il n’était pas obligé de s’épancher sur le caractère et les centres d’intérêt individuels de ses disciples, et aurait pu leur enseigner, à eux tous, les fondements du bouddhisme. Mais il ne le fit pas. Car il jugeait indispensable que la doctrine ait un sens et soit utile à chacun. Puisque les intérêts et les aptitudes des êtres vivants sont variés, Bouddha fut obligé de transmettre une grande variété d’enseignements.
Si le principe le plus perspicace – que les personnes ou autres phénomènes ne sont pas instaurés indépendamment selon leur propre nature – n’est pas compris par un élève, l’enseignement du système de l’absence de soi qu’il reçoit n’est que partiel. Pour cette raison, Bouddha enseignait à de tels élèves que les gens n’ont pas d’existence substantielle,, mais que l’ensemble corps-esprit existe. Ainsi, il pouvait dispenser cet élève du sens global de l’absence du soi. Pour les élèves rétifs mentalement à la doctrine de l’inexistence du soi, Bouddha enseigne une variante du principe du soi, quand il dit : « L’ensemble corps-esprit est le fardeau, le porteur du fardeau est l’être. »
Bouddha adaptait ainsi ses enseignements en tenant compte de la capacité de ses élèves. Si l’enseignement ne s’accorde pas à celui à qui il est destiné, les principes peuvent être justes, mais ils n’offriront aucun réconfort à l’élève. Aussi, pour les élèves qui ont de la difficulté à assimiler le principe d’absence du soi, mieux vaut se conformer à leurs aptitudes et intérêts. Dans ces conditions, il est parfaitement compréhensible que les nombreuses religions qui sont apparues dans ce monde soient salutaires pour un grand nombre d’êtres humains.
Il est peut-être possible de déterminer quelle religion est la plus perspicace mais, si nous essayons de savoir quel est le meilleur système, aucune réponse n’est évidente. La valeur d’une religion à une portée individuelle. Le point de vue philosophique d’une religion peut être perspicace et ne pas convenir à un tel individu. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, même à ses disciples le Bouddha n’a pas toujours enseigné la perspective la plus pénétrante. Au lieu de l’imposer de force, il s’est conformé aux intérêts et capacités individuels.
Ainsi, bien que les phénomènes sont vides d’existence inhérente soit probablement la plus subtile, il est difficile de conclure qu’elle est la meilleure. Enseigner exige de la pertinence à l’égard de ses élèves. Réfléchissez aux remèdes médicaux, certains sont très couteux, d’autres bon marché. Mais s’il est question du meilleur médicament, cela dépend entièrement de l’état du malade. Les malades qui se soignent avec les remèdes les plus chers, et pensent qu’ils font au mieux, finiront peut-être par guérir, mais d’autres risquent finalement de nuire à leur santé alors qu’un traitement de base de médicaments peu coûteux suffirait à les rétablir. La valeur du système religieux repose sur une élaboration pertinente, en accord avec chaque pratiquant pris individuellement, quels que soient les avantages dont il pourrait bénéficier.
L’interrogation sur la valeur dépend d’un cadre de référence. Pour les religions, il faut avant tout savoir si elles sont bénéfiques ou nuisibles à ceux qui les pratiquent. Sous cet angle, je ne peux pas décider que le bouddhisme est la meilleure. Elle est la plus adaptée aux personnes qui ont une certaine aptitude et ouverture d’esprit. Les êtres humains ont besoin d’un système qui leur correspond. Pour cela, il est indispensable d’apprécier l’ensemble des religions. Leurs différences philosophiques sont parfois profondes, mais elles possèdent toutes une morale, pour cultiver une bonne attitude envers les autres et leur offrir de l’aide. Cela induit la pratique de l’amour, la compassion, la patience, la félicité et une reconnaissance des règles sociales. Les religions partageant ces buts, les respecter est essentiel comme d’apprécier leurs contributions.
L’examen sans préjugé des religions sous leur aspect philosophique montre clairement leurs apports bénéfiques à une multitude d’hommes et de femmes dans le passé, encore aujourd’hui, et certainement demain. Au nom de la religion, dans ce monde, un grand nombre de problèmes ont éclaté, mais sincèrement, je pense qu’elles ont été plus positives que nuisibles. Une religion qui exige un meilleur comportement, respectée par ses disciples, est digne d’être estimée, que les points de vue philosophiques soient justes ou non.
Une réflexion nécessaire
Selon une vielle devise tibétaine, il faut apprécier la personnalité du maître mais savoir sonder son enseignement. Dans son enseignement du Bouddha, Shakyamuni fait une distinction entre ce qui demande une interprétation et ce qui est irrévocable. Ce travail s’effectue par l’analyse.
Lorsqu’un enseignement du Bouddha est contredit par le raisonnement, il ne doit pas être pris à la lettre, même si ce sont bien ses paroles. Et, quand il s’agit des êtres remarquables, comme les disciples du Bouddha, il faut rester sur la même réserve. Le sage indien Asanga, au IV siècle de notre ère, par exemple, nie l’existence d’un monde externe qui affecte nos sens. Cela ne reflète pas la réalité. De tels enseignements se trouvent dans les textes sacrés attribués à Bouddha, ils ne décrivent pas nécessairement sa pensée profonde. Le discernement entre le vrai sens du soutra et la pensée de l’orateur s’opère par analyse. Bien que nous ayons confiance en Asanga, rien ne nous oblige à accepter littéralement le point de vue de l’école de l’Esprit seul qui a un objectif précis.
Il est donc naturel pour les bouddhistes de respecter les enseignants d’autres courants religieux. Sous un certain angle, ils peuvent être des émanations d’un Bouddha, et sous un autre, s’ils ne le sont pas, leur pensée philosophique est bénéfique à certains êtres humains. Elles peuvent être d’un grand soutien dans des circonstances particulières de votre vie. Néanmoins, dans chaque religion, y compris chez les bouddhistes, certains fidèles sont des perturbateurs. Ils s’affichent comme croyants, acceptent les principes créés pour vaincre le désir, la haine, et la confusion. Mais ils les amalgament avec leurs propres émotions aliénantes, usent abusivement de la religion, opèrent des distinctions brutales et inflexibles entre nous et eux, et créent des problèmes. Pour moi, si les fidèles d’un courant spirituel se comportent mal, aucun reproche ne doit être dirigé à l’encontre de la religion.
Foi et respect
La foi et le respect ne sont pas identiques. Avoir du respect pour les autres religions ne signifie pas que nous avons foi en leurs doctrines. J’ai rencontré de nombreux chrétiens qui sont attirés par les pratiques bouddhistes. Ils les étudient et les utilisent parfois. Ils sont sensibles à l’absorption méditative où l’esprit est concentré en un seul point, comme à l’ensemble des techniques pour accroître l’amour, la compassion et la patience. Ces pratiques étant communes au christianisme et au bouddhisme, je leur exprime mon entière admiration pour ce qu’ils font. Quelques chrétiens sont sensibles à la vacuité, je leur réponds en plaisantant que ce principe est clairement bouddhiste et a peu de rapports avec le dogme chrétien. Pourquoi? Rechercher la vacuité nécessite d’étudier la causalité. En percevant ses implications, il devient de plus en plus difficile de se persuader qu’il y a un Dieu unique, éternel et immuable. Celui qui essaie de croire à la fois au bouddhisme et au christianisme ne peut pas affirmer à la fois l’existence et l’inexistence d’un Dieu créateur. C’est impensable. Néanmoins, il faut avoir du respect pour l’une et l’autre des religions, parce qu’elles sont bienfaisantes et estimables, la foi, c’est autre chose.
Parmi les fidèles des religions monothéistes, certains avancent que le bouddhisme n’est pas une religion car il n’accepte pas le principe d’un Dieu créateur du monde dans lequel nous vivons. Des amis musulmans m’ont confié que le bouddhisme contient un nombre de conseils vraiment bénéfiques, y compris pour les musulmans. Néanmoins, la plupart ne considèrent pas le bouddhisme comme une religion. Des chrétiens rigoristes affirment que les bouddhistes sont nihilistes car ils refusent l’existence d’un être infini et absolu.
En visite au Canada, j’ai croisé des manifestants chrétiens qui portaient des pancartes où l’on pouvait lire qu’ils n’avaient rien contre ma personne, mais que la philosophie que j’enseigne est hérétique. En Suède, alors que je quittais ma voiture, un homme portant une pancarte s’est approché soudainement. J’ai joint les mains pour le saluer, geste qu’il imita. Un reporter prit une photo qui fut publiée le lendemain, célébrant le respect réciproque entre le manifestant et l’objet de la protestation. C’est effectivement ce qui aurait dû se passer. Mais je dois l’avouer, je n’ai pas compris qu’il protestait contre mes opinions !
En effet, pour les religions qui soutiennent l’idée d’un Dieu créateur, le bouddhisme est à la fois réductionniste dans le sens où il nie l’existence d’un Dieu créateur, et à la fois dans la démesure car il pose la notion de vies passées et futures. À l’inverse, pour les bouddhistes, ces religions sont dans la démesure quand elles affirment avoir un Dieu créateur et dans la dévalorisation quand elles nient le principe de cause à effet du karma dans la succession innombrable des vies.
Les bouddhistes doivent reconnaître que la notion de Dieu, créateur de chaque chose, induit un sentiment de proximité avec Dieu et motive le croyant à adopter une conduite en conformité avec la volonté de Dieu. Quelle est cette volonté ? Aimer et aider les autres, l’altruisme. L’islam insiste remarquablement sur l’aide à son prochain, et plus précisément sur le soutien au déshérité. Les quatre-vingt-dix-neuf noms d’Allah, comme le Très-Miséricordieux, ou la Paix, la Sécurité, le Salut, ou le Bien-Aimant, le Bien-Aimé, relèvent de l’amour et de l’affection. Aucune religion ne décrit un être suprême pour l’éternité courroucé, et sans cesse féroce. Aucune religion n’exige de ses fidèles d’être plongés dans l’antagoniste et de porter préjudice aux autres.
Pour moi, le message des religions monothéistes est plus chaleureux et contente certains types de personnalité. Un Dieu créateur aimant et affectueux a plus d’impact direct que ce message bouddhiste de relativité ou rationalité que nous appelons la production conditionnée. Cependant, une personne ne peut absolument pas identifier quelle religion lui sera salutaire. Les êtres sont si différents quand il est question d’affinités.
À suivre…
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