L'ermite de Fukushima veut rester auprès des animaux malgré les radiations
© NAOTO MATSUMURA/AFP - Naoto Matsumura
"Non, je ne suis pas fou". Naoto Matsumura en a marre de passer pour un déséquilibré depuis qu'il a refusé de quitter sa ferme située à une douzaine de kilomètres de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, qui continue de cracher des substances radioactives.
Cet agriculteur de 52 ans prétend être l'unique habitant de la "no man's zone", périmètre interdit d'un rayon de 20 kilomètres autour du site atomique décrété par les autorités japonaises quelques jours après le grave accident nucléaire provoqué par le séisme et le tsunami du 11 mars.
Depuis, il vit seul près de la ville de Tomioka, entièrement déserte, au milieu d'une centaine de chats, d'une dizaine de chiens, de quelque 400 vaches et de nombreux cochons et poulets abandonnés par leurs propriétaires ayant fui les retombées radioactives.
M. Matsumura est conscient que les doses de radiations qu'il absorbe chaque jour sont dangereuses. Mais il affirme avoir moins peur de ça que d'être privé de ses cigarettes. "Je tomberais certainement malade si je m?arrêtais de fumer maintenant", dit-il en riant.
Privé de courant, il utilise avec parcimonie le carburant acheté à la ville pour son véhicule et ses générateurs. Son seul lien avec l'extérieur est son téléphone mobile. Il n'est pas sûr que le charbon que ses voisins ont laissé lui suffira pour affronter les températures glaciales fréquentes dans la région.
Interviewé dans la ville de Koriyama, en dehors de la zone interdite, l'ermite semble en bonne santé, malgré les dures conditions de vie qu'il s'est imposées. Il confie que sa plus grand crainte concerne les animaux, qui vont affronter l'hiver sans abri, ni nourriture.
"Ces bêtes ont besoin des êtres humains. L'alimentation dont je dispose pour le moment ne suffira pas pour tenir jusqu'à la fin du mois de décembre. Il leur faut un refuge et à manger, mais je suis le seul à m'occuper d'eux, alors que ce devrait être le rôle du gouvernement", dit-il.
- Zone interdite -
Neuf mois après la plus grande catastrophe nucléaire depuis celle de Tchernobyl il y a 25 ans, il se dit toujours choqué lorsqu?il découvre des cadavres d'animaux, bien que ces derniers ne soient pas morts des suites des radiations.
Dans la précipitation qui a entouré l'évacuation de Tomioka, le 15 mars, beaucoup de résidents n'ont pas eu le temps ou le réflexe de libérer leurs animaux.
"J'ai vu beaucoup de bêtes crevées, de maladie ou bien de faim, attachées à une corde. Les veaux ont tellement grossi à force de manger de l'herbe que la corde qui entoure leur museau a entamé les chairs. Certains en sont morts."
Il raconte qu'un de ses amis l'a supplié d'aller chez lui libérer sa vingtaine de canaris qu'il avait abandonnés dans une cage. "Quand je suis entré dans la maison, c'était déjà trop tard. Ils étaient tous morts."
Naoto Matsumura ne se plaint pas de la solitude. Il est séparé de sa femme depuis dix ans et ses deux enfants de 21 et 23 ans habitent dans la préfecture de Saitama, près de Tokyo. Ils se font du souci pour lui, mais il refuse de partir.
"Je ne suis jamais déprimé. J'ai appris à vivre seul", affirme-t-il.
A la nuit tombée, la ville est plongée dans le noir. "Je me couche très tôt, vers 19H00, car je n'ai rien d'autre à faire."
Il se lève avec le soleil et, accompagné de ses chiens, passe la moitié de la journée à donner à manger aux animaux.
Lui se nourrit principalement de conserves et de riz, car tout ce qui pousse sur place est contaminé. "Je ne mange pas grand chose de bon ici", avoue-t-il.
Il se rend régulièrement en dehors de la zone interdite pour acheter ses cigarettes et de quoi se sustenter.
"Certains médias japonais ont tenté de me faire passer pour fou en racontant que je mangeais des champignons contaminés. Mais en réalité, je les ramasse pour les confier aux chercheurs d'un laboratoire. Je ne suis pas cinglé", répète-t-il.
M. Matsumura voudrait que le gouvernement ou la compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco), opérateur de la centrale nucléaire, ramasse au moins les cadavres d'animaux. Mais la réponse est toujours la même, dit-il: "Désolé M. Matsumura, nous ne pouvons rien faire à l?intérieur de la zone interdite".
Il pense que Tomioka, comme d?autres villes de la région évacuée, va disparaître de la carte du Japon. Et il ne cache pas sa haine à l'égard de Tepco: "Je ne veux pas voir la centrale redémarrer un jour. Je veux qu'elle disparaisse."
Par Nathalie-Kyoko STUCKY
© NAOTO MATSUMURA/AFP - Naoto Matsumura
"Non, je ne suis pas fou". Naoto Matsumura en a marre de passer pour un déséquilibré depuis qu'il a refusé de quitter sa ferme située à une douzaine de kilomètres de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, qui continue de cracher des substances radioactives.
Cet agriculteur de 52 ans prétend être l'unique habitant de la "no man's zone", périmètre interdit d'un rayon de 20 kilomètres autour du site atomique décrété par les autorités japonaises quelques jours après le grave accident nucléaire provoqué par le séisme et le tsunami du 11 mars.
Depuis, il vit seul près de la ville de Tomioka, entièrement déserte, au milieu d'une centaine de chats, d'une dizaine de chiens, de quelque 400 vaches et de nombreux cochons et poulets abandonnés par leurs propriétaires ayant fui les retombées radioactives.
M. Matsumura est conscient que les doses de radiations qu'il absorbe chaque jour sont dangereuses. Mais il affirme avoir moins peur de ça que d'être privé de ses cigarettes. "Je tomberais certainement malade si je m?arrêtais de fumer maintenant", dit-il en riant.
Privé de courant, il utilise avec parcimonie le carburant acheté à la ville pour son véhicule et ses générateurs. Son seul lien avec l'extérieur est son téléphone mobile. Il n'est pas sûr que le charbon que ses voisins ont laissé lui suffira pour affronter les températures glaciales fréquentes dans la région.
Interviewé dans la ville de Koriyama, en dehors de la zone interdite, l'ermite semble en bonne santé, malgré les dures conditions de vie qu'il s'est imposées. Il confie que sa plus grand crainte concerne les animaux, qui vont affronter l'hiver sans abri, ni nourriture.
"Ces bêtes ont besoin des êtres humains. L'alimentation dont je dispose pour le moment ne suffira pas pour tenir jusqu'à la fin du mois de décembre. Il leur faut un refuge et à manger, mais je suis le seul à m'occuper d'eux, alors que ce devrait être le rôle du gouvernement", dit-il.
- Zone interdite -
Neuf mois après la plus grande catastrophe nucléaire depuis celle de Tchernobyl il y a 25 ans, il se dit toujours choqué lorsqu?il découvre des cadavres d'animaux, bien que ces derniers ne soient pas morts des suites des radiations.
Dans la précipitation qui a entouré l'évacuation de Tomioka, le 15 mars, beaucoup de résidents n'ont pas eu le temps ou le réflexe de libérer leurs animaux.
"J'ai vu beaucoup de bêtes crevées, de maladie ou bien de faim, attachées à une corde. Les veaux ont tellement grossi à force de manger de l'herbe que la corde qui entoure leur museau a entamé les chairs. Certains en sont morts."
Il raconte qu'un de ses amis l'a supplié d'aller chez lui libérer sa vingtaine de canaris qu'il avait abandonnés dans une cage. "Quand je suis entré dans la maison, c'était déjà trop tard. Ils étaient tous morts."
Naoto Matsumura ne se plaint pas de la solitude. Il est séparé de sa femme depuis dix ans et ses deux enfants de 21 et 23 ans habitent dans la préfecture de Saitama, près de Tokyo. Ils se font du souci pour lui, mais il refuse de partir.
"Je ne suis jamais déprimé. J'ai appris à vivre seul", affirme-t-il.
A la nuit tombée, la ville est plongée dans le noir. "Je me couche très tôt, vers 19H00, car je n'ai rien d'autre à faire."
Il se lève avec le soleil et, accompagné de ses chiens, passe la moitié de la journée à donner à manger aux animaux.
Lui se nourrit principalement de conserves et de riz, car tout ce qui pousse sur place est contaminé. "Je ne mange pas grand chose de bon ici", avoue-t-il.
Il se rend régulièrement en dehors de la zone interdite pour acheter ses cigarettes et de quoi se sustenter.
"Certains médias japonais ont tenté de me faire passer pour fou en racontant que je mangeais des champignons contaminés. Mais en réalité, je les ramasse pour les confier aux chercheurs d'un laboratoire. Je ne suis pas cinglé", répète-t-il.
M. Matsumura voudrait que le gouvernement ou la compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco), opérateur de la centrale nucléaire, ramasse au moins les cadavres d'animaux. Mais la réponse est toujours la même, dit-il: "Désolé M. Matsumura, nous ne pouvons rien faire à l?intérieur de la zone interdite".
Il pense que Tomioka, comme d?autres villes de la région évacuée, va disparaître de la carte du Japon. Et il ne cache pas sa haine à l'égard de Tepco: "Je ne veux pas voir la centrale redémarrer un jour. Je veux qu'elle disparaisse."
Par Nathalie-Kyoko STUCKY
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