Au Népal, un Français détenu 1 674 jours pour un visa expiré
LEMONDE.FR | 16.02.12 | 17h52 • Mis à jour le 17.02.12 | 08h10
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A Katmandou, en 2008.AFP/PRAKASH MATHEMA
La canne sur laquelle il prend appui pour compenser une blessure mal soignée à la jambe ne donne aucune indication sur son âge. On ne devine ses 66 ans que lorsque son visage de corsaire buriné pris par la colère se contracte, ce qui est souvent le cas depuis sa sortie, le 31 janvier, de la prison centrale de Katmandou. Claude Ozoux a été détenu, sans jugement, pendant quatre ans et demi pour un simple dépassement de visa et faute d'avoir payé 1 630 euros d'amendes. Un cas inédit selon le ministère des affaires étrangères.
"J'ai la ferme intention de saisir la justice pour non-assistance à personne en danger", lâche M. Ozoux début février lors de son passage à Paris. "On m'a laissé pourrir dans un trou à rats ; que le Népal pratique un racket à l'immigration, c'est une chose, mais que la France ne se soit pas davantage impliquée dans ma libération, c'est un pur scandale, alors qu'elle l'a fait pour d'autres dans le monde".
Cet ancien hippie a vécu en dehors des sentiers battus. Mêlant des origines écossaises et réunionnaises, ce fils de résistant et de combattant de la France libre, dont la famille comptait parmi les notables de Madagascar, a fui cet héritage familial et choisi de faire la route en Asie. Après avoir longtemps opté pour un mode de vie de beatnik et vivoté du commerce d'art tibétain, il a adopté le Népal comme base. "Je m'y sens comme chez moi, ce n'est pas une colonie, les gens ne sont pas serviles".
Ses faibles revenus, sa proximité avec le monde de la rue ou avec ces Européens, naufragés de la vie, souvent toxicomanes, reste d'un temps où la terre népalaise accueillait ceux qui fuyaient la vie occidentale, ont fini par lui créer des ennuis. "Je me suis fait agresser le 30 mars 2006 par de jeunes voyous qui m'ont brisé la jambe", explique-t-il sans s'étendre.
Opéré le lendemain, il raconte avoir "disjoncté". "L'anesthésie avait été trop forte, je m'en suis mal remis, je voulais fumer, ils m'ont interdit, je me suis énervé, ils m'ont viré le lendemain". Les relations avec l'ambassade ne sont guère meilleures. "Je me suis aussi fait virer du bureau du consul qui m'a traité de toxicomane, ce que je ne suis pas".
Au mois d'octobre 2006, il est expulsé de chez lui. Le 3 juillet 2007, il est arrêté, sur dénonciation, par l'immigration pour dépassement un visa qui n'est plus valable depuis treize mois. Il échoue dans la prison centrale de Katmandou, située à l'écart d'une artère bondée de la ville. "C'est une prison autogérée par les détenus, on était près d'un millier". Il n'y règne, dit-il, aucune violence et aucun racket. Seuls les gangsters font des affaires à l'intérieur, tenant des petites échoppes. "J'ai plus été aidé par les prisonniers que par le consulat", estime-t-il.
Dans cet ensemble de bâtiments de deux étages, comprenant de grands dortoirs, il évolue, libre, entre 5 heures et 22 heures. "Au regard du niveau de pauvreté dans ce pays, ce ne sont pas les pires conditions mais il y a le bruit et la promiscuité". Il n'est pas le seul Occidental. "Il y avait en permanence six ou sept Européens, certains dans mon cas, pour des histoires de visa qui ne restaient pas longtemps, quelques pédophiles et des trafiquants de cannabis".
Il côtoie même une célébrité. "Charles Sobhraj, le bikini killer, était là depuis septembre 2003, il se vantait d'être accusé d'avoir tué vingt personnes mais disait n'avoir rien fait, les prisonniers le surnomment le chien". Les cadavres de la plage de Pattaya, en Thaïlande, ont en effet rattrapé indirectement Sobhraj au Népal. Après avoir purgé une peine de 21 ans de prison en Inde pour vols et évasion, il était parti vivre en France après avoir échappé à la justice thaïlandaise.
Mais en 2003, revenu au Népal, il est arrêté et condamné à la prison à perpétuité pour y avoir assassiné une Américaine en 1975. "Il est enfermé dans son personnage, il me demandait si on le considérait comme une légende alors que c'est surtout un manipulateur. Il est avec la fille d'un avocat maoïste, âgée de 22 ans, et se sert d'elle. Moi, dès qu'il a vu que je n'avais pas argent, il m'a ignoré".
L'argent manquait en effet à Claude Ozoux. "Ma mère et ma sœur ne croyaient pas que je risquais dix ans de prison, sans jugement, donc sans appel, pour une histoire de visa, elles pensaient que je cachais quelque chose de grave, un simple courrier du consulat confirmant ma situation suffisait, ils me l'ont toujours refusé, c'était Kafka".
L'un de ses amis, un ex-allemand de l'Est sans le sou, vivant aussi au Népal, qui le visite en prison, finira par trouver l'argent début 2012. "J'ai été expulsé le jour même sans voir mon amie népalaise", se plaint l'intéressé.
A Katmandou, dans la communauté française, sa mauvaise réputation n'est plus à faire. Un diplomate confirme qu'il s'agit "d'une personne difficile à gérer" et ajoute "que le mère de M. Ozoux était prête à payer en 2008 mais qu'il avait refusé souhaitant rester au Népal avec son amie". Le Quai d'Orsay a indiqué au Monde que "la protection consulaire a bénéficié à M. Ozoux et qu'il a été accompagné tout au long de sa détention".
Les Népalais, quant à eux, lui ont fait une fleur. Au lieu de lui interdire le territoire pendant cinq ans, ils ont pris en compte les quatre ans de détention. Dans un an, il pourra y retourner.
Jacques Follorou
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A Katmandou, en 2008.AFP/PRAKASH MATHEMA
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"J'ai la ferme intention de saisir la justice pour non-assistance à personne en danger", lâche M. Ozoux début février lors de son passage à Paris. "On m'a laissé pourrir dans un trou à rats ; que le Népal pratique un racket à l'immigration, c'est une chose, mais que la France ne se soit pas davantage impliquée dans ma libération, c'est un pur scandale, alors qu'elle l'a fait pour d'autres dans le monde".
Cet ancien hippie a vécu en dehors des sentiers battus. Mêlant des origines écossaises et réunionnaises, ce fils de résistant et de combattant de la France libre, dont la famille comptait parmi les notables de Madagascar, a fui cet héritage familial et choisi de faire la route en Asie. Après avoir longtemps opté pour un mode de vie de beatnik et vivoté du commerce d'art tibétain, il a adopté le Népal comme base. "Je m'y sens comme chez moi, ce n'est pas une colonie, les gens ne sont pas serviles".
Ses faibles revenus, sa proximité avec le monde de la rue ou avec ces Européens, naufragés de la vie, souvent toxicomanes, reste d'un temps où la terre népalaise accueillait ceux qui fuyaient la vie occidentale, ont fini par lui créer des ennuis. "Je me suis fait agresser le 30 mars 2006 par de jeunes voyous qui m'ont brisé la jambe", explique-t-il sans s'étendre.
Opéré le lendemain, il raconte avoir "disjoncté". "L'anesthésie avait été trop forte, je m'en suis mal remis, je voulais fumer, ils m'ont interdit, je me suis énervé, ils m'ont viré le lendemain". Les relations avec l'ambassade ne sont guère meilleures. "Je me suis aussi fait virer du bureau du consul qui m'a traité de toxicomane, ce que je ne suis pas".
Au mois d'octobre 2006, il est expulsé de chez lui. Le 3 juillet 2007, il est arrêté, sur dénonciation, par l'immigration pour dépassement un visa qui n'est plus valable depuis treize mois. Il échoue dans la prison centrale de Katmandou, située à l'écart d'une artère bondée de la ville. "C'est une prison autogérée par les détenus, on était près d'un millier". Il n'y règne, dit-il, aucune violence et aucun racket. Seuls les gangsters font des affaires à l'intérieur, tenant des petites échoppes. "J'ai plus été aidé par les prisonniers que par le consulat", estime-t-il.
Dans cet ensemble de bâtiments de deux étages, comprenant de grands dortoirs, il évolue, libre, entre 5 heures et 22 heures. "Au regard du niveau de pauvreté dans ce pays, ce ne sont pas les pires conditions mais il y a le bruit et la promiscuité". Il n'est pas le seul Occidental. "Il y avait en permanence six ou sept Européens, certains dans mon cas, pour des histoires de visa qui ne restaient pas longtemps, quelques pédophiles et des trafiquants de cannabis".
Il côtoie même une célébrité. "Charles Sobhraj, le bikini killer, était là depuis septembre 2003, il se vantait d'être accusé d'avoir tué vingt personnes mais disait n'avoir rien fait, les prisonniers le surnomment le chien". Les cadavres de la plage de Pattaya, en Thaïlande, ont en effet rattrapé indirectement Sobhraj au Népal. Après avoir purgé une peine de 21 ans de prison en Inde pour vols et évasion, il était parti vivre en France après avoir échappé à la justice thaïlandaise.
Mais en 2003, revenu au Népal, il est arrêté et condamné à la prison à perpétuité pour y avoir assassiné une Américaine en 1975. "Il est enfermé dans son personnage, il me demandait si on le considérait comme une légende alors que c'est surtout un manipulateur. Il est avec la fille d'un avocat maoïste, âgée de 22 ans, et se sert d'elle. Moi, dès qu'il a vu que je n'avais pas argent, il m'a ignoré".
L'argent manquait en effet à Claude Ozoux. "Ma mère et ma sœur ne croyaient pas que je risquais dix ans de prison, sans jugement, donc sans appel, pour une histoire de visa, elles pensaient que je cachais quelque chose de grave, un simple courrier du consulat confirmant ma situation suffisait, ils me l'ont toujours refusé, c'était Kafka".
L'un de ses amis, un ex-allemand de l'Est sans le sou, vivant aussi au Népal, qui le visite en prison, finira par trouver l'argent début 2012. "J'ai été expulsé le jour même sans voir mon amie népalaise", se plaint l'intéressé.
A Katmandou, dans la communauté française, sa mauvaise réputation n'est plus à faire. Un diplomate confirme qu'il s'agit "d'une personne difficile à gérer" et ajoute "que le mère de M. Ozoux était prête à payer en 2008 mais qu'il avait refusé souhaitant rester au Népal avec son amie". Le Quai d'Orsay a indiqué au Monde que "la protection consulaire a bénéficié à M. Ozoux et qu'il a été accompagné tout au long de sa détention".
Les Népalais, quant à eux, lui ont fait une fleur. Au lieu de lui interdire le territoire pendant cinq ans, ils ont pris en compte les quatre ans de détention. Dans un an, il pourra y retourner.
Jacques Follorou
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