Regarder son propre esprit
De l'écoute à l'expérience
D’un point de vue mondain, nous comprenons bien les mots que nous entendons. Lorsque quelqu'un nous dit : "il faut regarder son propre esprit". Nous comprenons les mots, mais il y a un sens à découvrir au-delà de l’évidence du langage. C’est le propre des méditations du Mahamoudra, les méditations qui permettent de reconnaître la nature de l’esprit : réaliser progressivement le sens de l’enseignement. Par la pratique nous allons, étape par étape, comprendre et expérimenter la reconnaissance de la nature de l’esprit.
Nous entendons par exemple : "tout est illusion ! ". Nous voulons bien le croire, ultimement tout est effectivement illusoire, néanmoins il nous faut vivre le quotidien qui, lui, nous semble bien réel. Il nous faut donc approfondir cette idée pour l’intégrer et l’expérimenter dans notre vie quotidienne.
Comment faire ? Il est nécessaire de réfléchir aux instructions reçues. Cette réflexion va générer des questions, des interrogations auxquelles nous allons essayer de trouver des éléments de réponses. Ces réponses vont devenir la base de notre pratique. C’est ainsi que de réflexion en question, d’interrogation en réponse, d’approfondissement en mise en pratique nous allons progressivement découvrir le sens de l’enseignement, il va devenir une expérience personnelle.
La vigilance
Nous ne pouvons éviter les mots ; les concepts sont nécessaires pour communiquer. Notre méditation, au départ, sera basée sur la compréhension que nous avons des instructions reçues. Mais il ne faut pas se faire piéger par les mots et les concepts. Il est nécessaire de développer la clarté de l’esprit. Elle s’élèvera de la compréhension des mots que nous aurons entendus associée à la vigilance. Notre compréhension de l’enseignement associée à la présence dans les situations quotidiennes nous amène à la lucidité de l’esprit.
En d’autres termes, il s’agit d’écouter les instructions et de les mettre en œuvre sans rejeter le monde dans lequel nous vivons. Nous sommes dans le monde humain et nous ne pouvons rejeter le quotidien que nous avons à vivre : la famille, le travail, les amis.
Par la pratique, ce qui va changer, ce n’est pas l’apparence mais la motivation, l’état d’esprit qui sous-tend notre activité.
L’essentiel dans cette démarche est d’être honnête, il nous faut regarder honnêtement nos états d’esprit, les circonstances qui nous entourent, les réactions que nous avons. C’est ainsi que, progressivement, nous allons intégrer les situations à notre pratique plutôt que de les subir.
De façon générale, nous sommes d’accord avec ce type d’instructions, mais nous ne savons pas comment les mettre en pratique. La vigilance n’est pas évidente à vivre au quotidien, Il nous faut donc l’apprivoiser. Tout d’abord nous savons que la vigilance est nécessaire. Ensuite, nous réfléchissons aux moyens de la mettre en œuvre concrètement, comment la relier à notre esprit : "être vigilant, assumer les situations quotidiennes, ne pas rejeter les circonstances mais les aborder différemment". Comment ces instructions prennent-elles place en nous ? Nous essayons de les intégrer de façon cohérente.
Pendant ce temps, la vie continue. Cette vie s’appelle le samsara (le cycle des existences) nous y rencontrons toutes les émotions et les bonheurs que nous cherchons sans toujours les trouver. Nous devons continuellement faire face aux difficultés et à la confusion mais, dans le même temps, il y a une clarté présente en nous. Nous aimerions pacifier tout cela, c’est pour cela que nous venons chercher un enseignement et que nous tentons de le mettre en pratique. Pour y arriver de façon juste, il est nécessaire d’être conscient de ce que nous faisons, de développer la vigilance. Il ne s’agit pas de changer ce que nous faisons, mais d’y être présent.
L’idée est de continuer à nous investir dans notre quotidien en développant l’attention consciente. Que nous soyons en train de méditer, de travailler ou de faire face aux difficultés, en toute situation, essayons d’être présent à ce qui se passe, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.
S’entraîner à la vigilance
Nous nous habituerons progressivement à prendre du recul sans éviter la situation. Par exemple, si nous vivons de la joie sans la vigilance, nous allons juste être emportés par elle ; il en ira de même pour la tristesse ou le découragement. Sans la présence, les émotions nous emportent. Par contre, avec la vigilance, les émotions ne nous piègerons plus, nous les vivrons tout en voyant le fonctionnement de l’esprit.
Pour le moment, la mise en pratique d’une telle instruction est difficile. Il faut la garder à l’esprit, et s’y essayer mais sans y mettre de force ni de volonté. Si nous nous disons : "il faut développer la vigilance sinon ça ne marchera pas ! ", nous ne pourrons jamais la mettre en œuvre car il y aura trop de tension.
Il ne faut pas non plus être naïf et se dire : "Puisque le lama l’a dit, je le fais" et agir sans réflexion, sans approfondissement.
Même si nous n’avons pas tout compris de ces instructions, même si elles nous semblent difficiles à mettre en œuvre, il nous faut essayer de les pratiquer. C’est quand nous pratiquons qu’une expérience peut prendre place, une expérience qui est la nôtre, née de notre compréhension de l’enseignement et de sa mise en pratique.
Progressivement, le regard sera plus précis, l’esprit plus clair et nous reconnaîtrons les émotions sans qu’elles nous piègent.
Vigilance et clarté
Nous sommes toujours le centre de nos préoccupations, nous sommes le plus important dans toutes les situations que nous rencontrons, dans tous les aspects de la vie. C’est cette importance donnée à "moi je" qui est la cause de nos difficultés. La saisie égoïste nous empêche d’avoir le recul nécessaire pour ne pas se faire piéger par les émotions.
Voici un exemple tout simple : Imaginons que je me casse le bras, ce qui est particulièrement douloureux. Si je me dis : "Il n’y a pas de problème, tout est illusoire, le Bouddha l’a dit ! " Cela ne va rien changer ni soigner, la souffrance sera toujours présente. Par contre, lorsque je me fais soigner, je réfléchis un peu et j’essaie de discerner la perception que j’ai de mon bras, de la douleur, de l’esprit qui l’expérimente, je me rendrai compte alors que je ne suis pas que mon bras et je me demanderai où et comment j’expérimente la douleur. Si je développe une telle vigilance, j’aborderai la souffrance différemment. Cela ne soignera ni ne dissoudra la souffrance mais cela me permettra d’avoir une vision autre, plus claire de ce que j’expérimente. Sinon l’expérience reste confuse, sans clarté ni compréhension.
Il nous faut nous entraîner à ce regard conscient en toute circonstance ; voir les émotions et notre façon d’y réagir. Nous sommes de toute façon obligés de faire face aux situations, alors autant les utiliser pour développer la vigilance et la clarté. Nous avons souvent tendance à nous dire : " ce n’est pas grave, quoi qu’il arrive, ça doit arriver et puis voilà". Cette forme d’indifférence ne mène qu’à plus de confusion et d’insatisfaction. Comme nous ne voulons pas rencontrer la souffrance, le remède est de développer la vigilance. Plus nous allons nous y entraîner, plus elle se développera pour devenir naturelle. Chacun d’entre nous a cette capacité. Le développement de l’attention consciente au quotidien, nous permet de comprendre le sens du dharma de l’intérieur.
La méditation
Il nous faut développer cet esprit discriminant et progressivement le stabiliser. Or, pour le moment, nous sommes au confluent de bien des courants différents ; d’un coté, l’enseignement nous explique ce qui est bénéfique et ce qui est nuisible, mais dans le même temps la vie et nos habitudes nous poussent à aller dans le sens contraire du dharma. Cela forme un ensemble auquel il faut faire face. S’investir dans le quotidien et développer la vigilance.
Nous sommes sans cesse en train de rejeter ce qui nous semble nuisible et de rechercher ce qui nous apparaît comme bienfaisant. Cette attitude est le cœur de la distraction : essayer d’être bien et éviter d’être mauvais. Nous sommes de toute façon dans cette attitude, aussi, le remède est d’en prendre conscience ; percevoir comment nous passons notre temps à rejeter et à rechercher, à être distrait.
Le moyen de développer la vigilance : c’est la méditation. Méditer c’est être conscient des pensées et des émotions qui s'élèvent dans notre esprit et dans le même temps vivre le quotidien et dans ce quotidien continuer à être conscient des pensées et des émotions qui s'élèvent. Un tel entraînement nous donnera le choix : ou l’émotion qui s’élève est une cause de distraction ou elle est un rappel à la vigilance.
Lorsque l’émotion s’élève, nous pouvons nous laisser emporter par elle et être pris par la distraction ou bien nous pouvons la prendre comme le rappel qu’il nous faut développer la vigilance, la présence et garder le recul nécessaire pour ne pas se laisser emporter.
Pour le moment, c’est plutôt la distraction qui domine. C’est notre point de départ. Nous avons à présent reçu les instructions, il nous faut donc faire de notre mieux pour les mettre en pratique. C’est de cette façon que progressivement la vigilance l’emportera sur la distraction.
La vigilance naturelle
Cet entraînement devient efficace si nous le pratiquons sans forcer, sans y mettre trop de volonté et également si nous n’y investissons pas trop d’attente. Pour le moment, il s’agit juste de s’entraîner à regarder, à être présent, et ce, en toute situation.
Mais, il ne nous est pas possible d’être vigilant tout le temps. Aussi est-il juste de ponctuer les journées de moments de vigilance. Au début, c’est un peu difficile, cela demande un effort, mais petit à petit nous nous familiariserons à la présence, jusqu’à ce qu’elle devienne naturelle, jusqu’à ce nous soyons dans la vigilance spontanée.
Lama Jigmé Rinpoché
Source http://www.dhagpo-kagyu.org/france/enseignements/chemin/nature_mind/jigmela-regarder-son-esprit.htm
Dernière édition par karma djinpa gyamtso le Sam 02 Oct 2010, 16:57, édité 1 fois
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