L'art de la Méditation - Matthieu Ricard : Comment méditer ?
SURMONTER LES OBSTACLES
Tout entraînement implique des efforts, et tout changement rencontre naturellement des résistances. Dans le cas de l’entraînement de l’esprit et de la méditation, différents obstacles peuvent ralentir notre progression. Les instructions traditionnelles sur la méditation incluent au nombre de ces obstacles la paresse, la torpeur et son contraire, l’agitation distraite, ainsi que le manque de persévérance et son opposé, l’effort excessif.
La paresse, que l’on rapproche de l’indolence et du manque de motivation, peut prendre plusieurs formes. La paresse ordinaire est le défaut de ceux qui répugnent à tout effort. Son antidote consiste à se rappeler la valeur de l’existence humaine et de chaque instant qui passe, et à contempler les bienfaits de la transformation intérieure. Ces réflexions permettent de raviver l’inspiration et l’enthousiasme.
Une autre forme de paresse consiste à penser : « Ça, ce n’est pas pour moi, c’est au-delà de mes capacités ; je préfère ne pas m’y engager. » En somme, on renonce à la course avant même d’avoir franchi la ligne de départ. Pour contrecarrer cet obstacle, estimons à sa juste valeur le potentiel de transformation qui existe en nous-même et envisageons le but de l’existence d’un point de vue plus vaste.
Troisième forme de paresse : ne pas être déterminé à réaliser d’abord ce que l’on sait être le plus important et, au lieu de cela, dilapider son temps en activités mineures. Pour y remédier, nous devons établir une hiérarchie de nos préoccupations, et nous souvenir que notre temps est compté, alors que les activités ordinaires n’ont pas plus de fin que les vagues sur l’océan.
La distraction est le parasite le plus commun de la méditation. Quel pratiquant n’en a pas été victime ? Elle est tout à fait normale, puisque nous entreprenons cette pratique avec un esprit indiscipliné et chaotique ; nous ne pouvons raisonnablement pas espérer qu’il va se calmer sur-le-champ. Il n’y a donc aucune raison de désespérer. Le but de la méditation est précisément de rendre l’esprit souple et maniable, concentré ou détendu à volonté, et, surtout, libéré de l’emprise des afflictions mentales et de la confusion. Comme antidote à ces dernières, il faut cultiver la vigilance et, chaque fois que l’on s’aperçoit que son esprit a vagabondé, le ramener inlassablement sur l’objet de la méditation. Souvenons-nous de la raison pour laquelle nous méditons. Notre but n’est pas perdre notre temps en laissant vagabonder les pensées, mais d’utiliser ce temps au mieux pour établir les conditions d’un vrai bonheur partagé.
La torpeur et l’agitation constituent, elles aussi, deux obstacles majeurs qui font perdre le fil de la méditation. La torpeur nuit à la clarté de l’esprit, et l’agitation à sa stabilité. La première peut aller d’une simple lourdeur d’esprit au sommeil, en passant par la léthargie, l’ennui, la rêverie éveillée ou tout autre état mental vague et nébuleux.
Ce manque de clarté constitue un obstacle d’autant plus important que l’on souhaite utiliser la concentration pour mieux comprendre la nature de l’esprit. Comme l’explique Bokar Rinpotché, un maître de méditation contemporain : « Lorsque en plein jour, nous contemplons la mer, à travers l’eau claire qui permet d’être pleinement conscient de la situation de notre esprit. La nuit, en revanche, la surface des flots est une masse sombre et opaque qui ne laisse pas pénétrer le regard, tout comme l’esprit lourd et enténébré, malgré une apparence stable, empêche en fait de méditer. »
L’agitation est une forme de distraction hyperactive dans laquelle l’esprit produit en chaîne des pensées entretenues par les automatismes et l’imagination. Cette agitation fiévreuse ne cesse de nous emporter loin de notre objet de concentration. Nous sommes assis tranquillement, mais notre esprit fait le tour du monde. Dans ce cas, relâchons un peu notre posture physique, baissons le regard, et reprenons nos sens en nous rappelant pourquoi nous sommes là et quel est le but de nos efforts.
Tout entraînement requiert des efforts réguliers. Le manque de persévérance diminue considérablement les effets de la méditation et affaiblit par là son pouvoir de nous transformer. Ainsi que nous l’avons souligné au début, un gros effort de temps à autre n’a pas le même effet bénéfique qu’un effort moins spectaculaire mais continu. Il ne suffira pas à transformer l’esprit de façon profonde et durable. Là encore, il faut remédier à cette faiblesse en réfléchissant à la valeur du temps qui passe, à l’incertitude de la durée de notre vie, et aux bienfaits de l’entraînement dans lequel nous nous sommes engagés.
On peut aussi tomber momentanément dans l’excès contraire, à savoir l’effort excessif, du fait que l’on a remédié à la nonchalance plus longtemps que nécessaire. La tension qui en résulte finit par distraire de la méditation elle-même. Il faut donc équilibrer ses efforts, autrement dit conserver un juste milieu entre tension et relâchement, comme le Bouddha l’avait conseillé au joueur de vina dont nous avons parlé, et cesser d’appliquer un antidote lorsqu’il n’est plus nécessaire, laissant l’esprit reposer calmement dans son état naturel.
L’effort excessif peut aussi résulter de l’impatience ou de l’exaltation, deux états qui ne mènent nulle part. Si, pour gravir une haute montagne, on commence par courir, on devra vite s’arrêter, les poumons en feu. De même, si l’on bande trop un arc, il se brisera, et si l’on règle le feu trop fort pour cuire un plat, celui-ci brûlera au lieu de mijoter.
Exiger un résultat immédiat relève du caprice ou de la paresse. Le Dalaï-Lama dit avec humour : « En Occident, les gens sont parfois un peu trop pressés. Ils aimeraient atteindre l’Éveil rapidement, facilement et, si possible… à peu de frais ! » De même qu’il faut de la patience pour faire pousser une récolte – il ne sert à rien de tirer sur les plants pour les faire sortir plus vite ! -, la constance est indispensable à la pratique de la méditation.
Les textes de méditation enseignent neuf méthodes pour cultiver l’attention, établir l’esprit dans l’équanimité et le rendre plus stable. Rappelons que, dans ce cas, la pleine conscience consiste à rester sans cesse attentif à l’objet de concentration choisi.
1. Concentrer l’esprit, même si ce n’est que brièvement au début, sur un objet, conformément aux instructions, en évitant qu’il ne se laisse entraîner par des images ou des pensées discursives.
2. Poser l’esprit continuellement sur cet objet, pendant une période de temps accrue, sans tomber dans la distraction. Pour y parvenir, il faut se rappeler très clairement les enseignements sur la façon de maintenir l’esprit concentré sur son support, les garder en mémoire et les mettre en pratique avec soin.
3. Poser l’esprit de façon répétée en le ramenant rapidement à son objet chaque fois que l’on s’aperçoit que la distraction l’en a écarté. Pour cela, il faut reconnaître que l’esprit a été distrait, identifier l’émotion ou la pensée qui a provoqué cette distraction et mettre en œuvre l’antidote approprié. Peu à peu, on devient capable de maintenir l’esprit calme et stable pendant de plus longues périodes de temps, tout en gardant une concentration plus claire.
4. Poser l’esprit avec soin : plus l’esprit est ferme, plus il est précisément concentré, plus on est enclin à méditer. Même si l’attention n’est pas encore parfaite, on arrive à ne plus perdre complètement le support de sa méditation, et on est libéré des formes les plus perturbantes de l’agitation mentale.
5. Maîtriser l’esprit : lorsque la méditation sombre dans la torpeur, on ravive l’acuité et la clarté de la présence éveillée et on renouvelle l’inspiration et l’enthousiasme en considérant les bienfaits de la concentration parfaite (samadhi).
6. Pacifier l’esprit : lorsque l’acuité devient trop contraignante, que la concentration est ébranlée par l’agitation mentale subtile qui prend la forme d’une petite conversation discrète en arrière-plan de l’attention, le fait de considérer les écueils de l’agitation et de la distraction calme l’esprit et le rend clair et limpide, à l’image d’un son pur émis par un instrument de musique bien accordé.
7. Pacifier complètement l’esprit en ayant recours à l’attention soutenue et enthousiasme afin d’abandonner tout attachement aux expériences méditatives. Celles-ci peuvent revêtir plusieurs aspects tels que la félicité, la clarté ou l’absence de pensées discursives, et se traduire aussi par des mouvements spontanés d’allégresse ou de tristesse, de confiance inébranlable ou de peur, d’exaltation ou de découragement, de certitude ou de doute, de renoncement aux choses de ce monde ou de passion, de dévotion intense ou de vues négatives. Toutes ces expériences peuvent survenir sans raison apparente. Elles sont le signe que des changements profonds se produisent dans notre esprit. Il faut se garder de s’identifier à ces expériences et ne pas leur accorder plus d’importance qu’aux paysages que l’on voit défiler par la fenêtre d’un train. Grâce à l’attention parfaitement pacifiée, ces expériences s’évanouiront d’elles-mêmes sans troubler l’esprit, et celui-ci connaîtra alors une profonde paix intérieure.
8. Garder l’attention concentrée en un point : après avoir éliminé la torpeur et l’agitation mentale, garder l’attention stable et claire sur un point pendant toute une séance de méditation. L’esprit est alors comme une lampe protégée du vent, dont la flamme, stable et lumineuse, éclaire au maximum de ses capacités. Il suffit d’un effort minimal pour établir l’esprit dans le flux de la concentration où il se maintient ensuite sans difficulté, demeurant dans son état naturel, libre de contraintes et de perturbations.
9. Reposer dans un état de parfait équilibre : lorsque l’esprit est pleinement familiarisé avec la concentration sur un seul point, il demeure dans un état d’équanimité qui advient spontanément et se perpétue sans effort.
https://www.facebook.com/notes/stephane-larouche/393-lart-de-la-m%C3%A9ditation-matthieu-ricard-comment-m%C3%A9diter-/10150642402481592
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